L'Outil et les papillons de Dmitri Lipskerov

L'Outil et les papillons de Dmitri Lipskerov
(О нем и о бабочках)

Catégorie(s) : Littérature => Russe , Littérature => Fantasy, Horreur, SF et Fantastique

Critiqué par Reginalda, le 15 août 2019 (lyon, Inscrite le 6 juin 2006, 57 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (41 576ème position).
Visites : 5 531 

Les réjouissants délires d’un dépressif

Enfin un livre qui ne donne pas l’impression qu’on l’a déjà lu une dizaine de fois (à l’instar d’ailleurs des deux autres romans de Dmitri Lipskerov que j’ai pu lire, notamment "Le dernier rêve de la raison"). Dans "L’outil et les papillons", nous rencontrons Arséni Iratov, un homme à qui tout réussit apparemment : il a la beauté du diable, une carrière d’architecte couronnée de succès, une femme splendide et aimante, des richesses incommensurables… Et pourtant, d’entrée de jeu, un grain de sable vient de gripper la machine : il se réveille une nuit, dépourvu de son sexe. À partir de là, rien ne se passe comme on l’attendrait. D’une part, ce sexe réapparaît sous la forme d’un sosie d’Arséni Iratov ; d’autre part, des pans entiers de la narration sont pris en charge par un être étrange qui semble doté de capacités hors du commun et d’une animosité, en apparence inexplicable, à l’encontre d’Arséni Iratov. Alors, sous les yeux du lecteur médusé, la chronologie, la vraisemblance, les personnages… tout se brouille sans qu’on s’y perde jamais, pour créer une fantasmagorie qui pourrait faire songer à des hallucinations sous acide.
Dans ce tourbillon, l’imagination du lecteur trouvera de quoi étancher sa soif, avant que le cynique qui sommeille en lui n’entrevoie de réjouissants prétextes pour ricaner de ses semblables, puis qu’un découragement crépusculaire n’enveloppe enfin cet univers, une fois la dernière page tournée. Oui, ce livre est une réussite, tant par son ambition existentielle que par sa remarquable construction et un art de dérouter sans cesse les attentes du lecteur. Un immense plaisir de lecture.

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Euh?

2 étoiles

Critique de Ludmilla (Chaville, Inscrite le 21 octobre 2007, 69 ans) - 28 juillet 2022

J’aurais abandonné ce livre bien avant la fin s’il n’avait pas fait partie de la sélection du prix CL 2022. Et j’aurais eu raison !

La forme est pour le moins étrange, changement de personnage en plein milieu d’un chapitre, plusieurs pages étant nécessaires pour se raccrocher au sujet, chronologie pour le moins aléatoire, …

Sur le fond, les dernières pages m’ont semblé différentes du reste du livre (comme si l’auteur voulait en finir ?) et surtout la vision des femmes est … comment dire … pour le moins phallocratique :

« Une jeune fille bien éduquée par sa mère : mon homme est divin »

« La testostérone est avant tout nécessaire pour le cerveau. Pour comprendre, penser. C’est la présence de testostérone qui fait de nous des hommes, des mâles dominants. À ton avis, pourquoi les femmes ne sont pas capables de réfléchir de façon rationnelle ? Parce que ce qu’elles ont comme testostérone, c’est une misère. »

Méditation débridée

9 étoiles

Critique de Missef (, Inscrite le 5 mars 2007, 58 ans) - 9 janvier 2022

Même si on n'est pas un homme, on se figure sans mal le choc que peut causer la découverte, un beau matin, qu'on a perdu ses bijoux de famille ! C'est pourtant bel et bien ce qui arrive à Arséni Iratov, à qui jusqu'alors tout avait réussi dans la vie. Ce point de départ à la fois ironique et cruel n'est que la première fantaisie de ce roman porté par une imagination débordante, où dans un pays en mutation entre l'URSS et la Russie, on croisera aussi le sexe d'Arséni, devenu sosie de son ancien propriétaire (un hommage à peine déguisé au fameux "Nez" de Gogol), des malfrats en tous genres, une beauté tourmentée par son désir d'enfants, un drôle de coiffeur marathonien et une créature étrange dont on ne devinera l'identité qu'à la toute fin du roman.
J'ai aimé dans ce livre cette aptitude qu'a Lipskerov à faire naître des images visuellement saisissantes (qui tiennent à la fois du Bosch et du Dali), tout en développant une métaphysique crépusculaire du monde, pleine de mélancolie, qui invite le lecteur à la méditation, une fois la dernière page tournée.

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