Le temps des apocalypses de Alexandre Adler

Le temps des apocalypses de Alexandre Adler

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire , Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Colen8, le 31 janvier 2019 (Inscrite le 9 décembre 2014, 83 ans)
La note : 9 étoiles
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Ainsi irait l’Histoire, vers l’apaisement des conflits

C’est ici une vision de l’histoire dense, profonde, inventive, inattendue que délivre cet observateur de longue date de la vie publique qu’est Alexandre Adler, en quelque sorte une thèse de géopolitique phénoménale et résolument optimiste, voire complètement utopique. Virtuose de son sujet, fort d’un savoir encyclopédique, jonglant habilement avec les concepts de l’incertitude quantique, de l’espace-temps à quatre dimensions issu de la géométrie riemannienne qui a permis à Einstein de théoriser la relativité générale, il brosse un tableau à la fois cohérent et bien articulé de l’histoire mondiale, tableau certes très raccourci entre les premiers peuplements de Sapiens et l’Antiquité, mais couvrant largement le second XXe siècle, la guerre froide, la chute du mur de Berlin, la réunification allemande, l’effondrement soviétique, le conflit meurtrier des Balkans, les ambitions chinoises et la suite jusqu’à nos jours mieux connue des contemporains. Il en résulte une combinaison féconde de la géographie et de l’histoire, comme par la superposition non limitée de calques symbolisant les mouvements chaotiques et contingents qui s’enchevêtrent et s’enchaînent au fil des siècles, en tentant d’identifier les facteurs de causalité tantôt dominants, tantôt déterminants sous-jacents.
Pour commencer, Alexandre Adler propose d’examiner deux axes principaux d’un planisphère terrestre : l’un vertical du nord au sud représente l’Amérique vue comme grande Île bordée de ses océans, l’autre horizontal d’est en ouest montre la Chine en figure de proue d’un vaste Continent. Entre les deux puissants chefs de file se trouve selon lui un chaos mouvant de nations périphériques, des capitales régionales que sont Londres et sa prééminence financière mondiale, Amsterdam, Berlin, Moscou, Milan, Lyon qui peuvent se trouver des intérêts communs, des territoires revendiquant leur autonomie, en fin de compte un ensemble hétéroclite dont pourrait émerger, un jour peut-être, une organisation mondiale à peu près apaisée, la menace djihadiste ayant été étouffée une fois pour toutes y compris par les musulmans eux-mêmes.
Voici quelques-unes de ses conclusions non sans avoir largement développé et explicité ses hypothèses en débrouillant à sa façon les fils de ces histoires interdépendantes depuis le début :
- la Russie intelligemment menée par Poutine, accrochée culturellement à l’espace européen tout en confinant de concert avec la Chine les velléités d’agitation musulmanes de l’Asie centrale, en régulant les jeux de la Turquie et de l’Iran, en soutenant avec l’aide de l’Egypte et de l’Arabie Saoudite un Israël incontournable par la force de ses technologies avancées
- la partie pacifique sud du Commonwealth britannique faisant corps avec un grand Londres, véritable poumon financier accepté de tous
- des Etats-Unis dont le pouvoir exécutif enfin sorti de la mainmise conjointe du lobby militaro-industriel et de la CIA qui prévalait depuis Eisenhower, pourrait approfondir et resserrer davantage les liens existants avec ses voisins immédiats, Canada et Mexique
- une répartition de sa population mieux équilibrée après la colonisation européenne pendant des siècles et la présence des afro-américains descendants de l’esclavage, grâce aux immigrations récentes des asiatiques en grand nombre sur la côte ouest, des hispaniques au sud d’origine majoritairement amérindienne d’Amérique centrale renforçant ainsi le poids des autochtones survivants
- un sous-continent indien ayant réussi à dépasser le conflit des deux puissances nucléaires que sont l’Inde et le Pakistan
- une Chine revenue à sa grandeur passée sous la férule visionnaire de son nouvel « empereur » Xi Jinping intégrant à son giron derrière une « Muraille de la Mer » le Japon et le sud-est asiatique, entretenant des relations de coopération le long d’une Route de la soie restaurée jusqu’à l’Europe
- une Europe culturelle, économique et politique plus unie car indispensable à la stabilité générale, respectant les particularismes du nord proche du monde anglo-saxon, du sud ouvert à l’autre rive méditerranéenne et piloté par la France d’un Emmanuel Macron arrivé opportunément, du centre plus ou moins germanophone dans lequel la Pologne tiendrait un rôle prééminent une fois sortie de son euroscepticisme actuel
- une Amérique latine qui après avoir fait taire ses différends saurait trouver son intérêt bien compris dans la foulée du grand frère américain.
La richesse de son éclairage du monde passé et présent, ses idées des prolongements possibles du futur sont indéniables, malgré l’absence sans doute délibérée de repères géographiques, chronologiques, de références explicatives, d’index et de bibliographie.

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