L’Pays chauvage

La Petite Fille Bois-Caïman est la suite et la fin des aventures de la célèbre série Les Passagers du vent. Le récit se situe près de quatre-vingt ans après les péripéties des premiers volumes.

Au printemps 1862, en pleine guerre de Sécession, Zabo Murrait, du haut de ses dix-huit ans, doit quitter la Nouvelle-Orléans, pour rejoindre Nano son petit frère à Lananette, demeure de son aïeule Mme Marnaye, l'Isa ou Isabeau des Passagers du vent, âgée maintenant de 98 ans.

Chemin faisant, elle croise la route d’un photographe et reporter Quentin Coustans, qui l’accompagnera jusqu’à la plantation. Leur chemin suit le cours du Mississippi, et nous fait découvrir la nature si particulière des bayous, ces bras de l’immense fleuve américain. Les mauvaises rencontres en ces temps de guerre ne manquent également pas. Arrivés à bon port, c’est Isabeau qui poursuit le récit en lui contant sa propre histoire au départ d’Haïti vers la Louisiane…

Ce premier livre forme un long prélude au second et n’a probablement été édité de manière séparée que du fait des dimensions que prenaient l’ouvrage. C’est l’occasion pour le lecteur d’entrer dans ces superbes décors et paysages du bassin du Mississippi.

Comme toujours, Bourgeon met en scène des personnages à la fois attachants, mais qui sonnent justes. Le principal, Zabo – il faudrait saluer à quel point cet auteur a su créer dans son œuvre des personnages féminins hauts en couleurs, complexes et passionnants – a hérité du caractère indépendant et bien affirmé de sa grand-mère. Elle jure comme un charretier, choque les curés et avance que la condition des noirs n’est souvent pas pire dans les plantations de certains esclavagistes que dans d’autres lieux. Face à cette fougueuse héroïne, le reporter, tenant des idées progressistes, a du mal à ne pas paraître plus mièvre. Ainsi, les disputes entre les différents protagonistes permettent d’éviter tout caractère manichéen et dogmatique au récit et ne tombent jamais dans une condamnation anachronique.

L’histoire est servie par un sens du dialogue qui, disons-le, est rare dans la bande dessinée. Le travail de Bourgeon sur le dialecte de la Nouvelle Orléans est remarquable et les piques et autres joutes verbales sont un régal pour tous les lecteurs qui jugent que la bd, ce n’est pas que du graphisme.

Le dessin a encore mûri. Il peut sembler un brin académique en comparaison avec la production actuelle, mais s’impose par son naturel. On dirait que, Bourgeon a parfois choisi de peindre d'après photo. Loin de rigidifier le récit, les portraits et les paysages qui en résultent gagnent en précision et en densité. Les décors, que l'on se trouve de nuit dans le bayou, les clairs-obscurs dans les demeures ou les marais en forêt, sont magnifiques et nous font voyager vers ces lieux lointains. Il est évident que seul un dessinateur qui a et prend son temps, peut réaliser un projet aussi abouti.

Bourgeon est un grand raconteur d'histoires. Sa continuation des Passagers du vent, 25 ans plus tard, une réussite.

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  La petite fille Bois-Caïman [Texte imprimé] Bourgeon

  de Bourgeon, François
  12 bis
  ISBN : 9782356480668 ; EUR 15,00 ; 03/09/2009 ; 84 p. ; Album

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