La saga de Grimr de Jérémie Moreau

La saga de Grimr de Jérémie Moreau

Catégorie(s) : Bande dessinée => Aventures, policiers et thrillers

Critiqué par Hervé28, le 21 octobre 2017 (Chartres, Inscrit(e) le 4 septembre 2011, 55 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (14 482ème position).
Visites : 3 764 

Dépaysant ! et réussi !

J'avoue avoir eu du mal au début à m'approprier au style graphique de Jérémie Moreau, un style assez simple mais au fil des pages, son talent s'affirme. Et les scènes nocturnes, toutes en aquarelles, sont superbes (les premières pages du chapitre 4 sont d'une beauté à couper le souffle) .
L'auteur nous offre une histoire forte dans une Islande du XVIIIème siècle, dominée par le Danemark , et où une nature hostile rend la vie difficile aux habitants.

A travers les aventures de Grimr, l'auteur relate tout un pan d'une certaine histoire de l'Islande, histoire méconnue par la plupart d'entre-nous (légendes, société ...)

De l'injustice des hommes aux caprices de la nature, rien ne sera épargné au jeune Grimr, dès les premières pages d'ailleurs.

Le scénario est bien construit, le chapitre 1 faisant écho aux planches de fin, et repose finalement sur une touche d'humanité que l'on n'attendait (presque) pas.

Un très bel album.

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Un roman graphique puissant, âpre et cruel, aux accents de légende héroïque

9 étoiles

Critique de Eric Eliès (, Inscrit le 22 décembre 2011, 50 ans) - 20 mai 2023

Cette bande dessinée a le souffle d’un roman et, une fois qu’on est entré dans l’histoire, il est difficile d’en ressortir avant la dernière page. Le dessin et la mise en couleur peuvent tout d’abord décontenancer mais ils possèdent une « force brute » qui soutient merveilleusement le récit, âpre et violent, et qui s’accorde avec la puissance élémentaire des paysages d’Islande, très bien restitués. Ayant eu, il y a quelques années, l’occasion de randonner pendant deux semaines dans le sud de l’Islande, j’ai presque eu le sentiment de retrouver des sensations de ce voyage !

Les autres notes de lecture ayant déjà évoqué l’histoire, je n’y reviendrai pas sauf pour souligner un point fondamental du récit, qui me semble avoir été omis : l’asservissement de l’Islande. Le récit, qui se déroule au 18ème siècle, décrit un peuple islandais opprimé par la domination, arbitraire et féroce, du Danemark, qui s'approprie les maigres ressources, organise des rafles d’enfant et considère les Islandais comme des loques humaines faites pour les servir. Grimr n’est pas simplement un enfant d’une force et d’une volonté extraordinaires, il est aussi un orphelin (suite à la destruction de la ferme familiale par une éruption volcanique) qui se retrouve victime de la misère et de la violence qui sévissent en Islande. Grimr n’est rien et ne possède rien ; son seul ami est un homme intelligent et roublard, aussi misérable que lui, qui l’a pris sous son aile et ne servit que par ruse et débrouillardise. Accusé injustement de meurtre après l'agression d'un émissaire du Danemark, Grimr sera condamné et pourchassé mais, inspiré par l’amour qu’il éprouve pour une jeune femme qui lui est interdite, il survivra à toutes les épreuves, devenant progressivement un objet de crainte et de fascination, comme s’il n’était pas tout à fait un homme mais une émanation de la nature sauvage et volcanique de l’Islande. La fin du récit s'ouvre presque au fantastique mais, comme l'a dit Hervé28, s'achève sur une note vibrante d'amour et d'humanité.

La bande dessinée se présente comme la narration de la légende de Grimr, par un vieil homme qui l’a connu et a perçu qu’il était de la trempe des hommes qui ont façonné l’Islande et inspiré les premières sagas… Le récit et les dessins sont en parfaite harmonie ; à la rudesse des rapports humains répond la violence de la nature, que l’auteur brosse parfois en pleine page, dans un emmêlement de formes et de couleurs.

Les nouvelles légendes d'Islande

8 étoiles

Critique de Fanou03 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 49 ans) - 3 février 2022

Je m’inscris dans ce qu’en ont dit Hervé et Blue Boy : voici une œuvre assez impressionnante. Le dessin c’est sûr au départ paraît effectivement « grossier ». Il cache en fait beaucoup de force, d’émotion et de sensibilité, et surtout de talent, comme le montre le traitement des paysages ou des personnages. Vigmar le Voleur, le tuteur de Grimr, est à ce titre par exemple particulièrement réussi, dans son caractère, sa mimique, ses attitudes. Il faut dire aussi que La Saga de Grimgr est une œuvre complète : graphisme (et couleur) maîtrisés avec beaucoup de personnalité, scénario riche en péripétie, et surtout, j’ai envie de dire, une histoire très bien dialoguée, très bien écrite, à la fois violente et contenue, qui fait écho à la grande tradition des sagas, en la questionnant: comment se construit une légende, comment construit-on une réputation, comment laisse-t-on une trace, et à quel prix ?

Un héros tellurique

8 étoiles

Critique de Blue Boy (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans) - 21 octobre 2017

Islande, XVIIIe siècle. Le pays traverse une période de grande famine provoquée par des catastrophes naturelles. C’est dans ce contexte terrible que Grimr, un enfant pas comme les autres, vient au monde. Orphelin très tôt, ses parents ayant péri lors d’une éruption volcanique, Grimrl va faire preuve d’une force hors du commun et connaîtra un destin également hors du commun. D’une laideur repoussante, il devra endurer le rejet de ses congénères. Adopté par Vigmar le Valeureux, voleur et philosophe, celui-ci lui inculquera le courage, le guidant ainsi vers son étoile extraordinaire sur « l’île la plus dangereuse du monde »…


De manière frappante, c’est la première scène qui va donner le ton de l’histoire, lorsque Grimr, encore tout jeune enfant, échappe miraculeusement à l’épais nuage de cendres provoqué par une éruption volcanique, tandis que ses parents trouvent la mort. C’est à ce moment précis que le lecteur entrevoit la capacité de résistance exceptionnelle du jeune héros. Pourtant, à peine tiré d’affaire, Grimr sera pris pour un démon sorti des enfers par des trafiquants d’enfants passant là par hasard. Les odieux personnages vont néanmoins le capturer, réalisant bien vite le prix qu’il pourrait en tirer… Un être maléfique doublé d’un paria, c’est ainsi qu’il sera considéré par les habitants de l’île, lui, le cœur pur et sensible enserré dans une enveloppe « monstrueuse ».

Si au premier abord le trait peu paraître assez grossier, force est d’admettre au fil des pages qu’il cadre parfaitement avec le contexte où la vie semble reposer sur le caractère indomptable de l’Islande, une île aride au climat peu hospitalier, cernée par l’océan et menacée par ses volcans, où la nature a pu demeurer sauvage et belle… Le personnage principal symbolise à lui seul cette géographie, imprévisible et colérique, mais doté d’une âme pure. Totalement lié au pays qui l’a vu naître, Grimr est l’Islande ! S’attardant peu sur les contours et les détails, Jérémie Moreau semble avoir laissé libre cours à son intuition, axant davantage son travail sur les couleurs (les paysages à l'aquarelle sont superbes) et le mouvement, comme la lave s’échapperait d’un volcan, sans avoir pour autant négligé l’expressivité des visages.

Quant à l’histoire, elle est bien construite et d’une légèreté très appropriée, permise par le retrait des textes (d’excellente qualité) derrière le dessin, comme pour laisser la nature, puissante et silencieuse, dominer l’ensemble. Une nature qui se révèle être un personnage à elle seule, en quelque sorte l’alter ego de Grimr.

Ainsi, cette « saga » extraordinaire rappelle en partie, à travers le personnage de Grimr, le mythe de Frankenstein. C’est un fait, l’être humain n’apprécie guère la différence, a fortiori quand elle est monstrueuse, mais il se moque bien de savoir si les apparences sont trompeuses, et demeure sans pitié pour quiconque s’écarte de la norme, préférant bien souvent hurler avec les loups… Le cinquième opus de Jérémie Moreau, jeune auteur déjà remarqué pour « Le Singe de Hartlepool », s’impose comme une très belle œuvre pour un personnage maudit et attachant, qui connaîtra même une histoire d’amour déchirante…

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