Ces jours qui disparaissent de Timothé Le Boucher

Ces jours qui disparaissent de Timothé Le Boucher

Catégorie(s) : Bande dessinée => Sci-fi & fantastique

Critiqué par Shelton, le 23 septembre 2017 (Chalon-sur-Saône, Inscrit le 15 février 2005, 68 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (11 945ème position).
Visites : 5 085 

Sacré roman graphique !!!

Ce roman graphique – vous pouvez continuer à dire aussi bande dessinée car c’en est une – est une grande surprise de cette rentrée littéraire en bande dessinée. C’est un livre perturbant, questionnant, magique, fascinant, philosophique… et, reconnaissons que c’est bien agréable !

Par contre, le critique est bien en difficulté pour le classer dans une petite boite : fantastique, médical, psychologique, humain, divers… Oui, mais comme je suis plus chroniqueur que critique je ne vais pas m’embarrasser pour vous parler de ce livre et nous allons le faire en toute simplicité…

Quand j’ai commencé à le lire, le me suis dit que cela ressemblait à une sorte de conte poétique et que tout allait redevenir normal très vite… Certes, notre personnage, Lubin, semble avoir des absences… mais tout allait rentrer dans l’ordre et avec sa copine Gabrielle, ils vivraient heureux leur amour tandis que le spectacle de cirque serait apprécié par un très large public… Oui, j’ai oublié de vous dire que Lubin était acrobate circassien !

Seulement, voilà, le phénomène inexplicable se prolonge dangereusement. Un jour sur deux Lubin n’est pas lui-même… Est-il habité par un autre, est-ce un trouble de la personnalité… On hésite entre une bonne histoire fantastique et un trouble profond de la personnalité… Il n’y a pas que le lecteur qui doute, tout l’entourage se met à regarder Lubin bizarrement. Après tout, il dupe peut-être son monde pour avoir une double vie…

J’ai même eu un doute… Peut-être que cette manipulation – mais qui manipule qui – serait une escroquerie, une action frauduleuse pour s’emparer d’une personne, d’une entreprise, d’une richesse… Tellement complexe, que deux fois je me suis arrêté dans ma lecture pour reprendre mon souffle et tenter de faire un petit point…

Et c’est alors que la mécanique semble se détraquer, ce n’est plus un jour sur deux que Lubin perd le contrôle de lui-même mais beaucoup plus à tel point que l’on se demande qui perd le contrôle, lui ou son « autre » ? Tous les amis, la famille et son amoureuse – qui n’est plus Gabrielle – s’y perdent et ont peur…

Et notre roman graphique continue avec encore quelques surprises car ne croyez surtout pas que je vous offre là un résumé de la bande dessinée. En fait, plus l’album se déroule et plus mon avis change, évolue… Ce n’est peut-être pas du tout du fantastique, il s’agit probablement d’un conte sur la vie humaine… Lubin c’est moi, c’est toi, c’est nous…

Se pose alors, la question de la vie, de l’existence, de la réalité, de l’altérité, de la personnalité, de l’amour… On plonge à très grande vitesse au cœur de l’humanité, des liens entre les hommes, la valeur du travail, de l’argent, des loisirs… puis, il y a le souvenir, la mémoire, la tendresse, le lien entre parents et enfants…

Je ne souhaite pas en dire beaucoup plus – certains penseront que j’en ai trop dit – mais cette lecture fut un coup, un choc, une surprise… On ne sort pas indemne de Ces jours qui disparaissent de Timothé Le Boucher, auteur que je ne connais absolument pas mais que j’espère pouvoir interviewer un de ces jours…

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Un si grand sommeil

9 étoiles

Critique de Blue Boy (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans) - 5 novembre 2022

« Ces jours qui disparaissent » est l'album qui a révélé TLB et on comprend facilement pourquoi après l'avoir lu. Dès les premières pages, le lecteur est happé par l’intrigue qui voit un jeune danseur, Lubin, confronté à des amnésies récurrentes suite à une chute lors d’une répétition. Cette histoire au départ assez ordinaire basculera rapidement vers le fantastique dès lors que Lubin se rendra compte qu’un double essaie de prendre sa place pendant son sommeil. Qui plus est, ses périodes amnésiques ne cesseront de s’amplifier avec le temps, ce qui aura des conséquences dévastatrices sur son quotidien. On ne peut en dire plus au risque de « divulgâcher » mais force est de reconnaître que Timothé Le Boucher a produit là un scénario irréprochable, où le suspense va croissant jusqu’à la fin, plongeant le lecteur dans un malaise qui pourrait même s’apparenter à de la terreur, terreur qui ne reste que psychologique car ici il n’est pas question de monstres hideux sortis tout droit de l’enfer ! Et si l’auteur suscite en nous de telles réactions, c’est parce qu’il aborde ici des thèmes qui, sous cet enrobage fantastique, font vaciller nos certitudes quant à notre identité profonde.

La question du double est bien sûr dominante, un thème angoissant souvent repris par la littérature fantastique et la pop-culture, on pense notamment au célèbre « Docteur Jekyll et Mister Hyde » de R.L. Stevenson ou encore au « Portrait de Dorian Gray » d’Oscar Wilde. Mais d’autres sujets passionnants apparaissent en filigrane tout au long du récit, tels que l’amour (qu’est-ce qui fait qu’on est aimé par notre conjoint ?), l’amitié (à l’épreuve des années…), la vieillesse et la tragique fuite du temps (une notion que les moins de 40 ans ne sauraient appréhender aisément…)... Timothé Le Boucher n’apporte pas forcément de réponses mais fait preuve d’une certaine finesse dans son approche. A ce titre, on peut ressentir une certaine frustration, car si le double de Lubin apparaît au début (la scène de la vidéo), on ne saura rien de sa réelle existence (que fait-il vraiment lorsque sa « proie » dort ?). Peut-être l’auteur a-t-il délibérément maintenu cette part de mystère pour laisser à chacun le soin d’imaginer sa propre version, et après tout, c’est bien Lubin le personnage central de l’histoire…

Cette finesse dans l’approche de l’auteur se répercute dans sa ligne claire gracile aux accents manga. Certes, il n’y a rien de particulièrement innovant dans le style, et Le Boucher privilégie à l’évidence simplicité et lisibilité, mais il émane de son dessin une délicatesse qui lui est propre et charmera ceux qui sauront la percevoir. La mise en page et et la couleur sont à l’avenant, et on ne pourra qu’apprécier cette disposition de l’artiste à éviter le tape-à-l’œil et l’esbroufe.

« Ces jours qui disparaissent » s’impose comme une œuvre incontournable, incontestablement la plus emblématique de Timothé Le Boucher à ce jour. Même si ses productions postérieures ne l’égalent pas en qualité, elles exercent toutes une certaine fascination, le plaçant dans la catégorie des auteurs qui comptent dans le neuvième art.

Une histoire captivante et inquiétante

10 étoiles

Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans) - 14 décembre 2019

Il est des artistes qui ne déçoivent pas, dont chaque œuvre est une belle découverte. Le jeune Timothé le Boucher en fait partie. Ses dessins et son univers sont toujours aussi envoûtants.

Le postulat de départ de ce roman graphique est assez effrayant. Le personnage principal ne vit sa vie qu’un jour sur deux. Depuis une chute alors qu’il répétait un numéro, un double prend possession de son corps et vit à ses places les autres jours. A-t-il une double personnalité ? Est-ce une manifestation surnaturelle ? Existe-t-il une explication rationnelle à ce fait déroutant ? Cette situation devient rapidement inquiétante et incontrôlable. Sa vie professionnelle et amoureuse se voit affectée par cette gémellité, surtout que ce double n’a pas le même caractère que lui et les mêmes envies. Comment cohabiter à deux dans un même corps ? Et quand le double vient à vivre plus de jours que le véritable personnage, c’est la panique ! De plus ils ne gardent pas en mémoire ce que l’autre a fait …

Le sujet est mené de main de maître. Le suspense fonctionne à merveille et le lecteur ne cesse de s’interroger, d’émettre des hypothèses, il en vient même à douter de ce qui est vrai. On se met à la place de ce personnage et l’on trouve tout simplement horrible cette tentative de substitution à son insu comme si une âme ou un autre moi venait nous chasser de notre propre corps. Les dialogues sont bien écrits et permettent vraiment d’entrer dans cette logique absurde et de se familiariser avec les personnages qui ne sont pas lisses. L’entourage du personnage principal contribue à entretenir nos questionnements car ils sont témoins de ces changements et ne remettent pas en question ces alternances de personnalité.

Les scènes dans lesquelles le personnage principal discute avec son double sont particulièrement réussies et sont de belles trouvailles narratives. Cela fait quelques années que je suis les romans graphiques de Timothé le Boucher, et je trouve qu’il fait preuve d’une grande maturité dans sa façon de mener ses histoires. Ces premières œuvres ont pourtant été éditées alors qu’il semblait très jeune. Ses dessins sont réussis, la couverture est énigmatique et attise la curiosité des lecteurs. Certaines pages invitent à l’interprétation : l’on sent qu’il y a plusieurs niveaux de lecture et que cette œuvre a nécessité une longue réflexion, ne serait-ce que pour sa construction.

A nouveau, je sors enthousiaste de l’un de ces romans graphiques qui est de grande qualité.

Ces jours qui disparaissent

9 étoiles

Critique de Nathavh (, Inscrite le 22 novembre 2016, 60 ans) - 30 juin 2018

Lubin Marechal a 26 ans , il est acrobate, généreux, un peu bordélique et profite de la vie et des ses amis. Avec ses potes, il monte un spectacle le soir, le jour il est magasinier avec son pote Léandre.

Cependant lors d'un spectacle, Lubin fait une chute sur la tête. Hasard, coïncidence , à partir du lendemain il se passe quelque chose d'étrange, Lubin ne vit plus sa vie qu'un jour sur deux.

Quelqu'un prend possession de son corps l'autre journée. Son sosie en fait, un Lubin froid, ordonné, qui va très vite devenir Businessman, bien gagner sa vie.

Il faut s'organiser au quotidien pour reprendre sa vie en main en alternance...

Bienvenue dans cet univers un peu "fantastique". Dédoublement de personnalité, folie, schizophrénie, qu'en est-il vraiment ?

Timothé Le Boucher nous entraîne avec brio dans son univers. Un dessin épuré, réaliste. C'est moderne, actuel, j'ai vraiment apprécié cette lecture.

Petit bémol vers la fin qui nous emmène dans un monde un peu trop futuriste... J'ai un peu perdu pied, c'est un peu trop pour moi mais je vous recommande ce superbe album graphique qui vaut la peine d'être découvert. Il est original, intrigant et secoue vos habitudes.

Ma note : 9/10

Les jolies phrases

Tu vois Lubin, parfois, il faut se forcer à faire des trucs désagréables pour être récompensé à la fin.

Quand quelque chose va mal, il faut énumérer ce qui est positif dans la situation.

Pas conquis complètement par ce roman graphique

4 étoiles

Critique de Hervé28 (Chartres, Inscrit(e) le 4 septembre 2011, 55 ans) - 25 décembre 2017

J'ai eu envie de lire ce one- shot pour deux raisons : d'une part il est présent dans la sélection officielle d’Angoulême 2018, et d'autre part, je n'ai lu que de très bonnes critiques sur ce livre.
Pour une fois, je ne vais pas me joindre au chœur des louanges lues ici ou là, mais j'ai vraiment l'impression d'être passé à côté de quelque chose.
L'idée de départ est certes très bonne (Lubin, le héros, ne vit qu'un jour sur deux) mais là où je m'attendais à tomber sur une histoire simplement fantastique, le scénario oriente le lecteur vers des doutes (Lubin est-il schizophrène ou disparait-il vraiment?) qui se dissipent vers le milieu de l'album.
Si le dessin de Timothé Le Boucher est bon (il lorgne un peu sur le style de Bastien Vivès, je trouve), j'avoue avoir un peu décroché vers la fin , avec la description d'un monde futuriste qui m'a laissé perplexe (si quelqu'un peut m'expliquer le personnage de la femme à barbe, vers la fin, je suis preneur)
A vrai dire, je crois que je n'ai pas compris grand chose à l'histoire.

Je sais que beaucoup vont aimer ce one- shot, très original, dans lequel on voit le héros vieillir (assez rare dans le domaine de la bd), et qui interroge le lecteur sur le sens de la vie, ses priorités... mais pour ma part, je suis passé à côté.

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