Cuba : La révolution transgressée de Marie Herbet

Cuba : La révolution transgressée de Marie Herbet

Catégorie(s) : Arts, loisir, vie pratique => Voyages et géographie

Critiqué par Kinbote, le 17 avril 2017 (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans)
La note : 7 étoiles
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Cuba d'hier et d'aujourd'hui

Dans cet ouvrage des Éditions Nevicata tiré d’une collection intitulée "L’âme des peuples", c’est le Cuba d’hier mais surtout d’aujourd’hui qui nous est dépeint. Un pays chatoyant à la population chaleureuse certes, théâtralisant volontiers ses émotions, mais qui dissimule mal, derrière un humour salvateur, son amertume et son désir de vivre autrement voire ailleurs, le taux d’exode ne cessant d’augmenter et celui de la natalité de diminuer... Une société toujours très marquée par près de soixante ans de communisme, sans accès à Internet et sans partis politiques, dont les effets se font moins sentir mais qui n’a pas encore trouvé les moyens de s’en extraire ni de trouver un espace politique de transition vers un autre régime. Un des intervenants signale que le manque de liberté d'expression a vite dépassé sous Castro celle qui régnait sous le régime de Batista où il demeurait toutefois un organe de presse libre et un pluralisme des partis.

Une anecdote savoureuse rapporte bien la situation du pays où les habitants sacralisent la nourriture tout en manquant régulièrement des denrées les plus élémentaires. Elle implique un petit personnage populaire récurrent de l’oralité cubaine, Pepito.

" Juanito, quelles sont les trois plus grandes réussites de la révolution ? demande l’institutrice.
- La santé, l’instruction et la défense.
- Très bien. A toi Pepito. Quels sont les trois grands problèmes de notre pays ?
- Le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner. "

Le portrait de Cuba est suivi de trois intéressants entretiens donnés par Jean Lamore, historien français spécialiste de Cuba, William Navarrete, écrivain cubain vivant à Paris et Luis Miret, directeur de la plus ancienne galerie d’art de La Havane, la Galería Habana, qui retracent l’histoire de l’île et des enjeux géostratégiques dont elle a fait l’objet de la part des grandes puissances (Espagne, Angleterre, Etats-Unis, URSS) depuis sa découverte en 1492 par Christophe Colomb et la place de l’art au sein du régime où les artistes et rappeurs pratiquent l’autocensure s’ils ne veulent pas, pour leurs actions provocatrices, être jetés en prison comme El sexto (pendant près d'un an) en 2014. A ce propos, Louis Miret fait cette réponse, par diplomatie peut-être, à la question suivante:

" À Cuba, les artistes n’évitent-ils pas tout incident en optant pour une forme d’autocensure ?
- Je préfère dire que les artistes comprennent où est la frontière entre l’art critique et la critique hors de l’art. Une déclaration politique n’est pas une œuvre d’art. Le graphiste El Sexto estime que le rapprochement fait entre Fidel Castro et Raùl et les deux porcs qu’il a peints, est une interprétation des autorités. Mais pourquoi le les a-t-il pas baptisés Juan et Pedro dans ce cas ? C’est un acte de provocation, ce n’est pas de l’art. "

Il signale aussi que c’est durant les années 90 qu’on a assisté à l’apparition de la meilleure génération d’artistes de Cuba. Et d’ajouter : "À croire qu’il n’y pas de création sans faim, comme on dit ici."

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