Moeurs et Histoire des Peaux-Rouges de Paul Coze, René Thévenin

Moeurs et Histoire des Peaux-Rouges de Paul Coze, René Thévenin

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 10 février 2017 (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans)
La note : 10 étoiles
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Civilisés (?) contre Sauvages (?)

Ce livre est d’un intérêt exceptionnel. Dans un premier chapitre il décrit les mœurs des Indiens d’Amérique du Nord, depuis les origines connues, jusqu’au moment de leur découverte par les conquérants européens. Dans un second chapitre, il nous raconte l’histoire de ces Peaux-Rouges et leurs démêlés avec les nouveaux arrivants.

(Dans cette critique j’emploie les mots : Peaux-Rouges, race blanche, les civilisés, les sauvages… Ce sont les termes utilisés dans ce livre qui est sorti en 1928, à une époque où ces mots n’avaient pas cette connotation péjorative, qu’assez stupidement on leur donne aujourd’hui).

Ces Indiens étaient dispersés en d’innombrables tribus mais les auteurs les regroupent en grandes familles dont les noms nous sont familiers : les Apaches, les Mohicans, les Cheyennes, les Comanches, les Sioux… Nous apprenons alors quels étaient leurs mœurs, leurs coutumes, leurs modes de vie, puis enfin, les traits communs à tous les Peaux-Rouges de l’Amérique du Nord.
C’est amusant et instructif : les auteurs nous racontent les fêtes indiennes avec les chants et les danses, les séances d’initiation, le dressage des chevaux, les cérémonies religieuses, les fameux pow-pow où on fumait le calumet de la paix, les langages des signes et les significations des costumes… enfin tout ce qui fait que cette culture avec ses croyances et sa spiritualité élevée, était si magnifique et si différente de la nôtre.

Les auteurs ont une réelle estime pour ces Indiens, c’est évident. Mais ça ne les empêche pas de faire objectivement la part des choses. Ils nous expliquent comment, tous ces Indiens étant nomades, ils n’avaient aucun sens de la propriété : ils étaient chapardeurs et pilleurs ; même entre eux. C’était aussi d’incorrigibles batailleurs ; leur cruauté était sans merci. Mais les auteurs nous expliquent comment, toujours, ils respectaient les règles selon un code d’honneur accepté par tous, comme si la guerre était un jeu.

Ces Peaux-Rouges n’étaient certes pas des doux moutons mais ils avaient tous des qualités exceptionnelles qui auraient pu servir de modèle aux peuples dits civilisés : leur dignité devant la souffrance et la mort, leur sens de l’hospitalité, leur respect des femmes et des enfants – même ceux de leurs ennemis ; et puis, cette admirable qualité, qui fait honneur au genre humain : le respect de la parole donnée. Envers et contre tout, ces « Sauvages » ont toujours été fidèles à leur parole. Par contre, les Blancs « civilisés », jamais ! Vous avez bien lu : jamais ! Jamais les Blancs n’ont respecté un accord de paix signé avec les Indiens... !
C’est le résumé tragique de toute l’histoire de ce peuple, dès qu’il fut en contact avec les Européens.

Cette histoire, qui s’étale sur plus de quatre siècles, a connu de nombreux épisodes remarquablement racontés dans le livre. Les premiers conquérants, tout au début du XVIè siècle, étaient des Espagnols, disciples de Christophe Colomb ; ils tuaient les Indiens s’ils ne leur servaient pas de l’or sur un plateau.
Puis les Français sont arrivés dans un but plus ou moins colonisateur, ou du moins pacifique.
Les Anglais sont arrivés plus tard mais en véritables conquérants. Non content de chasser les Français, ils se sont appropriés les territoires en exterminant les Indiens. Et, quand les Anglais sont devenus Américains, le carnage a repris de plus belle. L’étape décisive fut la construction du chemin de fer à travers les terrains de chasse des Peaux-Rouges.
Ce fut le dernier épisode d’une guerre totale, une guerre d’extermination et, il faut le dire, un génocide !

Néanmoins, cette sauvagerie des Blancs n’a pas été partagée par tous ; il y eut de remarquables exceptions, surtout au début de l’invasion. Les auteurs racontent des cas de grandes amours entre des femmes indiennes et les premiers arrivants – et toujours, nous disent-ils, ces femmes sont restées fidèles jusqu’à la mort.
Les auteurs racontent aussi des histoires étonnantes comme cette jeune princesse indienne, qui s’était éprise d’un explorateur anglais, qui fut reçue à la cour d’Angleterre et qui même, était devenue la confidente de la Reine en personne.
Et encore les admirables relations entre les tribus indiennes et les missionnaires dont l’étonnant jésuite flamand, le R. P. De Smet, qui enseignait aux Indiens qui était « le Grand Esprit », créateur du ciel et de la terre qui, à la fin des temps, viendrait juger les vivants et les morts – ce dont les Indiens n’avaient jamais douté.
Les auteurs s’appliquent encore, en des pages magnifiques, à décrire la personnalité des grands chefs indiens, les Little Wound, les Crazy Horse, les Sitting Bull et autres Géronimo… tous ces personnages auréolés de gloire qui sont entrés vivants dans la légende.

Lors de cette gigantesque rencontre entre les peuples, il y eut des grands formats qui ont fait honneur au genre humain mais ça reste l’exception. Toute l’histoire du martyre indien n’est que batailles et carnages avec des traités de paix, implorés par les Blancs quand ils étaient en perdition, et suivis de trahisons, le plus souvent perpétrées par des soudards sans foi ni loi, qui faisaient la chasse aux Indiens... pour le plaisir ! Comme Buffalo Bill et autres criminels exterminaient les bisons… pour le plaisir !

Quand on referme ce beau livre on admire, non sans quelques réserves, la noble race que furent les Peaux-Rouges d’Amérique du Nord et on pleure de honte en reconnaissant de quel côté étaient les vrais sauvages.

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