L'anniversaire de Kim Jong-il de Aurélien Ducoudray (Scénario), Mélanie Allag (Dessin)

L'anniversaire de Kim Jong-il de Aurélien Ducoudray (Scénario), Mélanie Allag (Dessin)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Légende, contes et histoire

Critiqué par Pucksimberg, le 25 août 2016 (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 268ème position).
Visites : 4 092 

Une jeunesse en Corée du nord

On pense forcément à "Pyongyang" de Guy Delisle quand on attaque ce roman graphique et pourtant cette production est totalement différente. Le point commun principal est l'exploration de la Corée du nord, état fermé et mystérieux dont de rares informations filtrent.

Dans cet album, le lecteur suit le quotidien d'une famille, d'un couple avec ses deux enfants dans cet état complètement déconnecté du monde. Ce qui est très plaisant, c'est que l'on suit essentiellement le petit garçon, Jun Sang. Il est le chef des jeunesses patriotiques, vénère le tyran et son fils, ne cesse d'injurier les Américains et ces "fantoches" de sud-coréens. La discipline règne et attention à celui qui ne suit pas le bon chemin. La vie n'est pas forcément facile, le travail est dur, l'on ne mange pas toujours à sa faim, l'électricité est régulièrement coupée alors que les statues du dictateur baignent toujours dans la lumière. Ce petit garçon,assez amusant, est fier d'avoir Kim Jong comme Père de la patrie et serait prêt à donner sa vie pour cet homme. Il n'est pas le seul car les habitants sont conditionnés et ne connaissent que cette réalité. Grand chamboulement quand il apprend qu'il a de la famille en Corée du sud et qu'il n'est donc pas un nord-coréen pur !

Ce roman graphique est très réussi. L'histoire accroche le lecteur et l'album est bien documenté sur le quotidien des habitants. Le fait de voir cette vie par le regard d'un enfant est une richesse. Par sa naïveté, l'on perçoit la critique. Plusieurs émotions traversent cette oeuvre. L'on passe du sourire à l'inquiétude. Malgré un dessin qui aurait des allures enfantines parfois, certains sujets graves sont abordés et certaines scènes dures sont montrées.
Le texte est bien rédigé et l'on se plaît à découvrir cette famille. Les atmosphères sont très bien rendues et les incursions dans l'esprit du jeune personnage sont bienvenues et adroitement décrites.

Une très bonne bande dessinée qui s'attaque à un sujet sérieux avec intelligence. Une belle découverte !

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Le régime qui marche (au pas de l'oie)

9 étoiles

Critique de Blue Boy (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans) - 15 avril 2017

Contrairement à ce que pourrait laisser croire le titre, cette bande dessinée n’est pas vraiment consacrée au dictateur nord-coréen, se contentant de le placer en filigrane, telle une ombre sinistre planant sur chaque citoyen. Le scénariste Aurélien Ducoudray s’est plutôt attaché à décrire la vie d’un enfant ordinaire, en se basant sur les témoignages écrits de rescapés des abominables camps de redressement nord-coréens, qui n’ont rien à envier aux camps nazis de la Seconde guerre mondiale.

Très fluide, l’histoire commence presque comme un ouvrage de propagande où seule l’ironie sous-jacente empêche de croire totalement aux bienfaits du régime, pour basculer progressivement vers l’effroi et finir dans l’horreur. Le dessin de Mélanie Allag, qui a beaucoup travaillé dans l’illustration jeunesse, est en parfaite adéquation avec l’esprit du livre. Le récit à la première personne se lit non seulement avec les mots du jeune Jun Sang mais également à travers ses yeux. Au début, le garçonnet vénère sans conditions le dictateur par le biais du héros national, une sorte de Captain America nord-coréen, jusqu'à que les premières failles apparaissent dans cette réalité artificielle, trop « belle » pour être vraie. Suivant le fil scénaristique et le regard de Jun Sang, les couleurs, vives et fraîches au début, perdent peu à peu leur éclat pour finalement virer au noir et blanc. De même, les visages se creusent lentement sous l’effet de la malnutrition et de la pénurie alimentaire, après que les parents du garçon aient perdu leur emploi dans les usines locales. Le style graphique, en apparence enfantin, vient apporter au récit une touche de légèreté et candeur, qui par un effet de contraste saisissant, fait ressortir toute la cruauté du régime de Kim Jong-il.

« L’Anniversaire de Kim Jong-il » est une des très bonnes surprises éditoriales de l’année 2016, rappelant l’ouvrage de Guy Delisle, « Pyongyang », différent dans son traitement mais tout aussi édifiant à travers les faits relatés sur ce pays figé dans une époque révolue. Une situation qui ne semble pas à la veille de changer, au vu de l’attitude du terrifiant « Kim Jong Junior » - dont le visage s’apparente à celui d’un gros bébé capricieux grandi trop vite -, et des actualités qui nous proviennent régulièrement de ce coin de l’Asie. A noter la réussite de la couverture, représentant le portrait-puzzle du dictateur composé de panneaux soutenus par des enfants, un dictateur dont le sourire est brisé par le jeune Jun Sang, curieux de voir ce qu’il y a derrière son « panneau-prison »…

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