Entre aversion et fascination

Au fil des siècles c’est la même histoire qui toujours semble se répéter faite de rapprochements suivis d’exécrations vis-à-vis des puissances occidentales. Parallèlement règne dans ce qui deviendra la Russie un sentiment d’insécurité dont l’origine viendrait d’une part de l’occupation mongole, d’autre part de guerres contre l’ennemi héréditaire pendant des siècles, la Suède d’abord, la menace allemande plus tard. La situation continentale de la petite principauté moscovite prenant le pas sur le royaume kiévien engendre chez les dirigeants un sentiment de confinement qui leur fait rechercher à tout prix un accès à la mer. C’est l’extension vers la Baltique au nord, vers la Mer Noire au Sud. Celle qui se produit vers l’est vient du vide de cette immense Sibérie faiblement peuplée. La chute de l’empire byzantin dont la religion orthodoxe est un héritage laissé à la Russie, la proximité du nouvel empire ottoman installé sur un vaste territoire au sud-est de notre péninsule l’a momentanément isolée de l’Europe catholique romaine.
A partir du XVIe siècle tantôt les tsars qui sont perçus par l’Europe comme des barbares incultes sont conscients de leurs archaïsmes et cherchent à s’en rapprocher, tantôt au contraire ils ressentent ce vent de l’Ouest comme une perte de l’identité slave et s’en détournent violemment. La révolution communiste de 1917 n’y changera rien, jusqu’à l’effondrement de l’URSS en 1991. Les réformes d’ouverture sont entreprises par Pierre Le Grand, Catherine II, Alexandre II, par les dirigeants soviétique au XXe siècle, toujours suivies de périodes de repli, de violences, de troubles. En matière de diplomatie cela reste une politique pratiquant le grand écart : en même temps que l’on mesure l’efficacité du modèle européen on se protège d’une contamination à l’intérieur faisant craindre une perte de l’autorité centrale indissociable des régimes successifs. L’hégémonie américaine après la guerre incite les soviétiques saignés à blanc en 1945 à faire profil bas pendant la Guerre Froide, à manipuler les opinions ouest-européennes par l’entremise des partis communistes locaux jusqu’à se faire les chantres du pacifisme, à développer une volonté paneuropéenne dans le but de susciter une rupture au sein de l’alliance Atlantique.
C’est donc toute l’histoire multiséculaire de la Russie qui est analysée ici avec clarté, finesse et précision jusqu’en 1991 sous l’angle d’une appartenance géopolitique intermittente à l’Europe. La présente réédition n’y ajoute que quelques pages en épilogue post 1991. Autant la Russie ou l’URSS aspirent à rivaliser avec les succès industriels et techniques occidentaux, leurs rayonnements scientifiques et culturels, autant elles ne cessent de rejeter les valeurs fondatrices des démocraties occidentales.

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  La Russie face à l'Europe [Texte imprimé], d'Ivan le Terrible à Vladimir Poutine Marie-Pierre Rey

  de Rey, Marie-Pierre
  Flammarion / Champs. Histoire
  ISBN : 9782080801258 ; 13,00 € ; 10/02/2016 ; 510 p. ; Poche

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