Tirer pour le Sahel les leçons géopolitiques de l’histoire afghane récente, il y a urgence

Continent de contrastes et de diversité, l’Afrique offre de multiples lectures possibles de son avenir. D’un côté les optimistes annoncent son décollage à partir des chiffres flatteurs de croissance du PIB combinés à l’afflux des investisseurs attirés par ses immenses richesses encore inexploitées. De l’autre il y a ceux qui derrière une façade à la « Potemkine » mesurent les effets de l’instabilité politique, de la fragilité économique, de l’inégalité sociale. Entre opportunités et menaces, sans vouloir jouer les cassandre, l’auteur tire à nouveau la sonnette d’alarme sur la base de son ancienne expérience de directeur à la Banque Mondiale, puis à l’Agence Française de développement. Son analyse focalisée sur les pays francophones du Sahel relève des risques majeurs :
- le pouvoir de nuisance des mouvements terroristes ou djihadistes au nord depuis la Libye et le Sahara, au sud à partir du Nigéria avec la secte Boko Haram et ses dérivés est énorme, justifiant l’intervention française au Mali
- la démographie non maitrisée pour des raisons idéologiques et religieuses va amener des dizaines puis en moins d’une génération des centaines de millions de jeunes adultes à la recherche d’emplois largement insuffisants, vulnérables à la tentation des réseaux terrorismes, extrémistes ou mafieux
- la montée du salafisme financé par les pays du Golfe et encouragé par les religieux locaux
- l’afflux des migrants à travers la Méditerranée mus par l’espoir de trouver au risque de leur vie de meilleures chances dans les pays européens à la population vieillissante
- la faiblesse et l’insuffisance des infrastructures nécessaires au désenclavement des pays et des zones rurales où vivent déjà mal entre 50 et 80% de la population, aggravées par le dérèglement climatique générateur de sécheresses qui empêche toute rationalisation de l’agriculture.
On doit comprendre que l’affirmation d’une identité nationale vient après la loyauté vis-à-vis de la famille élargie puis du clan, de la tribu, de l’ethnie, de l’appartenance confessionnelle, que le tracé de frontières artificielles après la décolonisation ne crée pas une nation en à peine plus d’un demi-siècle, que des élections ne font pas une démocratie tant que la sécurité, la justice, la santé, les emplois ne sont pas assurés. Malgré les milliers de milliards de dollars dépensés pour l’Afghanistan, l’échec occidental est patent. Si l’on ne veut pas assister au même chaos dévastateur qui s’est propagé depuis à l’Irak puis à la Syrie, il y a urgence. Une vision géopolitique sur le long terme, le changement de modèle dans l’octroi et le suivi des aides au développement, la coordination entre bailleurs, ONG, et agences internationales, le rétablissement des fonctions régaliennes des pays concernés sont une condition nécessaire et hélas non suffisante.

• 

  Africanistan [Texte imprimé], l'Afrique en crise va-t-elle se retrouver dans nos banlieues ? Serge Michaïlof

  de Michaïlof, Serge
  Fayard
  ISBN : 9782213687131 ; 22,00 € ; 14/10/2015 ; 320 p. ; Broché

  Go Amazon