Une épopée inattendue

Pierre Aubé retrace ici avec énergie une de ces épopées inattendues dont l'Histoire a le secret: celle de ces mercenaires normands qui louèrent, peu après l'an mil, leurs services aux princes de la péninsule du sud de l'Italie. Plusieurs de ces guerriers, nobles sans fortune ou cadets de famille déshérités, surent rapidement se faire une place au soleil, et se révélèrent de redoutables hommes d'état. La famille Hauteville en particulier tira son épingle du jeu.C'est ainsi que l'un de ces membres, Robert Guiscard, à la suite de conséquentes conquêtes territoriales, se vit reconnu par le Pape, en 1059, « Duc de la Pouille et de Calabre ». Il allait être à l'origine d'une dynastie qui régna sur cette partie de l'Italie et de la Sicile, dont Roger II de Sicile fut un des représentants les plus brillants. Cette étonnante civilisation normande ne survivra pas dans sa malheureuse alliance avec le Saint Empire Romain Germanique, au début des années 1200.

L'auteur possède indéniablement un très grand talent de conteur. Sa prose est d'une très grande fluidité, et j'avoue avoir eu du mal à lâcher l'histoire des ces Empires normands d'Orient dont je ne connaissais pratiquement rien. Pleine de batailles et de fureurs, mais aussi riche en manœuvres diplomatiques de toutes sortes, cette période s'avère passionnante. Cette partie de l'Europe, l'Italie du Sud, se présente comme un véritable carrefour de civilisation : le livre explique avec beaucoup de clarté les jeux de pouvoir et d'influence incessants entre la Papauté, les territoires normands, les princes autochtones, la puissance byzantine en déclin, et les royaumes arabes.

Étonnant « accident » de l'histoire, ces normands réussirent pendant deux cent ans une fusion originale entre l'orient et l'occident, maintenant, tant bien que mal, l'intégrité de leur territoire, au prix de combats incessants avec leurs voisins. Ils permirent en tout cas à une civilisation raffinée et originale d'éclore, grâce à une relative tolérance des cultes et des traditions de l'ensemble de leurs sujets chrétiens, juifs et arabes.

Les Empires normands d'Orient est formidablement entraînant ; cependant le lecteur pointilleux y trouvera deux ou trois points discutables. Pour commencer, la prose pleine d'allant de Pierre Aubé se laisse emporter parfois par un style romanesque à la limite parfois de la fiction, ce qui m'a fait deux ou trois fois froncer les sourcils; ensuite, le parti pris de l'historien est essentiellement chronologique: ce choix fait que l'on perd la profondeur d'une analyse thématique, juste abordée dans un chapitre ou deux ; enfin, pour évocateur qu'il est, le titre de l'ouvrage parait un peu usurpé, d'une part parce que le terme d' « Empire » semble bien peu pertinent, les rois normands n'ayant jamais revendiqué ce statut pour leurs possessions, d'autre part parce qu'en fait d'"Orient" l'auteur se concentre essentiellement sur l'Italie du Sud et la Sicile, qui est un Orient tout relatif quand même. Il faut y voir sans doute j'imagine toute la passion et l’enthousiasme de Pierre Aubé pour ce sujet, et on l'excusera donc bien volontiers !

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  Les empires normands d'Orient [Texte imprimé] Pierre Aubé

  de Aubé, Pierre
  Perrin / Collection Tempus
  ISBN : 9782262022976 ; 9,00 € ; 18/05/2006 ; 344 p. ; Poche

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