un essai ancien mais pertinent, hélas en partie prophétique, sur la montée de l'intégrisme musulman

Sur la recommandation d’un ami qui souhaitait me convaincre que la situation actuelle du monde arabe et l’essor des tensions islamistes ne devraient être une surprise au personne, j’ai lu récemment (en lecture rapide je l’avoue) cet essai qui traînait depuis des années dans ma bibliothèque mais que je n’avais pas encore pris la peine de lire.

Même si le livre est ancien (il date du début des années 80) et ignore donc le développement du terrorisme islamiste théorisé puis mis en œuvre par Al-Qaida et ses épigones, le propos, exposé avec une grande clarté, reste d’une actualité remarquable. Il souligne le glissement et la bascule progressive d’une partie de plus en plus importante du monde arabe, et perse à la suite à la révolution iranienne, dans un intégrisme islamiste militant qui se propage à l’ensemble des pays musulmans (notamment en Afrique et en Asie). Cette radicalisation est d’essence totalitaire car elle envahit toute la sphère sociale et privée, quitte à trahir le message coranique (où la miséricorde et le pardon sont érigés en valeurs essentielles du croyant) par l’institution de lois très répressives et tyranniques. Néanmoins, l’auteur souligne les ambiguïtés et les contradictions du Coran, qui permet toutes les interprétations voire justifie une vision inégalitaire. Outre celles bien connues relatives aux femmes et aux non-musulmans (le livre développe longuement la situation des coptes égyptiens), l’auteur insiste sur les inégalités de castes au sein de l'islam (qu'elles soient sociales ou raciales, les arabes se considèrent comme les "vrais" musulmans et se placent au-dessus des peuples convertis, africains et asiatiques) et sur le mépris des élites envers le petit peuple composé de paysans et d’ouvriers. Mahomet, issu d’une famille de négociants, respectait les guerriers, les caravaniers et les commerçants mais se méfiait des « penseurs » oisifs et n’avait aucune estime pour la plèbe. Pour cette raison, les riches Arabes peuvent, sans scrupule moral, exploiter les populations misérables, y compris musulmanes (d’Afrique noire, du Yémen, etc.) avec une impunité qui confine à l’esclavage et vire au sadisme dans l’application des châtiments corporels.

L’auteur insiste surtout sur la passivité hypocrite des Etats occidentaux face à la menace du développement de l’islamisme radical et condamne, avec verve, l’angélisme des intellectuels qui, pour éviter de stigmatiser les populations musulmanes, se refusent à combattre les dangers pourtant évidents du fondamentalisme. L’oppression des minorités dans la plupart des Etats musulmans (notamment arabes) et les discours virulents des chefs d'Etat activistes (notamment Kadhafi) et des prêcheurs radicaux, qui proclament l’universalisme des valeurs de l’islam et veulent diffuser ou imposer la charia, sont les prémices d’une nouvelle Inquisition dont les valeurs sont incompatibles avec notre conception des droits humains. Pour l’auteur (qui s’exprime au début des années 80 !), nous sommes dans une situation d’aveuglement comparable à celle qui prévalait dans les années 30, quand les Etats européens ont refusé de combattre frontalement le nazisme pour ne pas accabler le peuple allemand…

Pour autant, cet essai, très bien documenté, n’est pas un pamphlet anti-islam. L’auteur, qui est un grand reporter qui a longtemps séjourné dans les pays arabes, reconnaît les mérites de la culture musulmane et semble même avouer une certaine admiration pour ses réalisations. Néanmoins, il insiste, avec lucidité et une grande franchise de ton, sur la nécessité d’une prise de conscience et presse les pays occidentaux de soutenir les efforts des Etats et des personnalités modernistes qui résistent tant bien que mal à une radicalisation obscurantiste, qui menace l’Occident aussi bien que la culture musulmane elle-même.

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  Le Radeau de Mahomet

  de Péroncel-Hugoz, Jean-Pierre
  Flammarion
  ISBN : 9782080811417 ; 4,29 € ; 04/01/1999 ; 253 p. ; Poche

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