Blanqui l'insurgé de Alain Decaux
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire
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une sorte de vie
Louis-Auguste Blanqui (1805-1881), surnommé "l'enfermé" (il a passé près de la moitié de sa vie en prison !) par son premier biographe Gustave Geffroy, est à bien des égards un personnage extraordinaire. Après une enfance heureuse à Puget-Théniers (Alpes-Maritimes) auprès de son père, sous-préfet de Napoléon, il voit la chute de l'empire comme un déchirement. Les Alpes-Maritimes sont restituées à la Savoie, son père n'est plus rien. Sa haine des Bourbons, arrivés dans les fourgons de l'étranger, date de cette déchirure : "Souvenons-nous de notre enfance : à cet âge, tout départ est un déchirement, surtout si ce départ est un adieu". Les exactions de la Terreur blanche firent le reste : "Dans le Gard, jusqu'en octobre [1815], on tue des protestants : vieux réflexe perpétué depuis les guerres de religion", signale Alain Decaux.
Dès lors, l'adolescent puis le jeune homme, va se construire une vie en tous points hors du commun : il sera en insurrection permanente, contre la Restauration, la Monarchie de juillet, la 2ème République (dès lors que ce n'est pas "sa république"), le Second Empire, puis la 3ème République. Seul le gouvernement de la Commune trouvera grâce à ses yeux, même si, fragilisé par la maladie, la prison et la vieillesse, il n'y participe pas vraiment.
Contrairement à ce qu'on croit, Blanqui n'est pas un socialiste utopiste. Son but, c'est la révolution pour établir une république égalitaire et sociale. II écrit beaucoup, fonde des journaux le plus souvent éphémères, se marie et a un enfant qu'il ne verra guère, car il sera vite mis en prison pour tentative de déstabilisation du régime.
Sa femme meurt très tôt et l'enfant est mis sous la garde d'un tuteur - et pas dans l'amour de son père ! La prison est dure. Blanqui va en connaître une dizaine. Il échappera de peu à la déportation en Nouvelle-Calédonie après la Commune. Jamais il n'oubliera sa chère épouse : « Un tête-à-tête éternel, dira-t-il, dans la solitude de sa cellule, avec le fantôme de celle qui n'était plus. » Elle est morte, mais elle reste « la compagne chérie de ses jours et de ses nuits ». Son comportement parfois rigide ne lui fait pas que des amis, même en prison. Et surtout son austérité : "Les Français n'aiment pas l'austérité", note Alain Decaux. Pourtant il se fait aussi des amis et ne sera jamais abandonné ni par sa femme (jusqu'à son décès prématuré), ni par sa mère, ni par ses sœurs, qui le visiteront tour à tour en prison : c'est qu'en dépit des apparences (sa réputation de "terroriste"), c'est un doux, Alain Decaux le montre comme un personnage attachant.
Jamais Blanqui, à l'instar de Louise Michel, ne transigera sur son honneur : il refuse toute mesure de grâce si d'autres détenus politiques ne l'obtiennent pas aussi en même temps que lui. Jamais il ne transige avec le pouvoir : "Le secret de bien des popularités est dans le cynisme de ces flagorneries pour tout-venant ; qui aime si fort tout le monde, n'aime personne", écrit-il.
Blanqui resta fidèle à ses idées, toujours il fustigera la médiocrité et le vice : "Vous connaissez le proverbe sur les médiocrités. Il n'y a de succès que pour elles, chacun les aime parce que personne ne les redoute. C'est une vérité tout aussi certaine encore qu'on ne réussit en ce monde que par les vices, qu'on périt par les vertus. Toute vertu est haïe comme un reproche, comme un blâme indirect. Les vices d'autrui plaisent comme un repoussoir avantageux, comme une flatterie comparative. Il faut donc prendre le monde tel qu'il est. Vous parlez de ma patience, de ma résignation, de mon dévouement. D'autres ont parlé de mon désintéressement, de ma vie austère et sobre. Croyez-vous que tout cela puisse se pardonner ? Ce sont là des crimes irrémissibles, et qui allument des haines implacables".
Un personnage étonnant, qui nous aide à comprendre notre 19e siècle ; une très belle biographie, malheureusement épuisée, qu'on ne peut plus trouver qu'en occasion ou en bibliothèque.
Les éditions
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Blanqui l'insurgé
de Decaux, Alain
Perrin
ISBN : 9782262011666 ; 24,24 € ; 12/09/1999 ; 463 p. ; Broché
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