6 août 1945, l'instant zéro de l'humanité.

Depuis plusieurs semaines les bombardiers B-29 de l'armée Américaine tapissent le sol Japonais d'une pluie de bombes dévastatrices, afin de contraindre l'empire du soleil levant à la reddition. Le ciel d'Hiroshima est zébré par l'incessant balai de ces avions, les habitants craignant à chaque instant que l'orage d'acier ne s'abatte sur eux.

Le 6 août 1945 à 8h15 un éclair silencieux s'abat sur Hiroshima. La ville est balayée par une force destructrice sans précédent. La bombe atomique vient de rayer de la carte une ville de 344 000 habitants, tuant 75 000 personnes instantanément.

Un an plus tard, le journaliste Américain, John Hersey, part à la rencontre de six Hibakusha (nom donné aux survivants de l'apocalypse atomique). Le docteur Masakazu - directeur d'une clinique privée , Mme Hatsuyo - veuve d'un tailleur, le père Wilhelm Kleinsorge - un prête jésuite Allemand, le docteur Sasaki - membre du personnel de l'hôpital de la croix rouge et le révérend Tanimoto - pasteur de l'église méthodiste.

S'appuyant sur leurs témoignages, l'auteur dépeint la vision horrifique des scènes vécues par chacun d'entre eux durant les premières heures qui suivirent l'explosion. Après le flash meurtrier et le chaos absolu qui s'ensuivit, les survivants encore capables de se déplacer s'organisent pour porter secours aux victimes, ce qu'ils découvrent au fur et à mesure de leurs recherches les remplissent d'effroi. La ville a été réduite en un immense champ de ruine d'où surgissent des cris de désespoir, des êtres sanguinolents, déchiquetés, la peau en lambeaux qui pend sur leur corps devenu une immense plaie vive. Tous sont abasourdis par l'intensité du bombardement qu'ils viennent de subir.

Dix huit jours plus tard, les services de soins ont réussi à se réorganiser quelque peu. Malgré le manque de moyens matériels, de personnel soignant et une sous alimentation due au manque de vivres, les médecins s'efforcent de parer au plus urgent. Cependant de plus en plus de patients commencent à présenter des symptômes et des malaises divers qu'ils ne parviennent pas à s'expliquer. Ils ignorent que la bombe continue de tuer.

En retraçant le parcours de ces six personnes, l'auteur nous fait revivre la tragédie de toute une population victime d'un acte de barbarie que le XX siècle a infusé à maintes reprises, la plupart du temps commis au nom de la liberté et de la démocratie.

Pendant plusieurs années, le gouvernement Japonais refusant d'endosser sa part de responsabilité morale à l’égard des victimes de l'acte infâme perpétré par les États-Unis, les Hibakusha (littéralement : personne affectée par l'explosion) vécurent dans une grande misère économique. Ce n'est qu'en 1958 que fut votée une loi d'assistance aux Hibakusha, suite à l'irradiation de l'équipage d'un bateau de pêche exposé à un essai nucléaire de l'armée Américaine sur l'île de Bikini qui provoqua une vague de colère dans tout le Japon.

Les raisons invoquées par la suite pour justifier l'utilisation de la bombe atomique sont nombreuses, quelques-unes parmi celles-ci :

Stopper le jusqu'au-boutisme de l'armée Japonaise, avec à sa tête l'empereur Hirohito, déterminée à poursuivre la guerre jusqu'à l'anéantissement total.
Punir le Japon pour les traitements horribles infligés aux prisonniers civils et militaires, un peu partout en Asie, dans des camps de concentration où furent menées des expériences médicales sadiques.
Éviter plusieurs centaines de milliers de morts de soldats Américains dans la perspective d'une invasion du Japon.
Justifier l'investissement très coûteux dans le projet Manhattan qui permit la fabrication de la bombe atomique.
Contrecarrer l'Union Soviétique qui était sur le point de déclarer la guerre au Japon. Mais surtout affirmer la supériorité militaire des États-Unis à un moment où la guerre froide s'esquissait déjà.

Les généraux Eisenhower et MacArthur considéraient pour leur part que l'emploi de la bombe atomique ne se justifiait pas, pour la simple et bonne raison qu'ils considéraient que le Japon était déjà battu, qu'il n'avait plus les moyens de lutter et que la reddition était une affaire de 2 ou 3 mois.

Eisenhower écrira dans son mémoire The White House Years :

"En 1945, le secrétaire de la guerre Stimson, alors en visite dans mon quartier général en Allemagne, m'informa que notre gouvernement était en train de préparer le largage d'une bombe atomique sur le Japon. J'étais de ceux qui avaient le sentiment qu'il devait y avoir un certain nombre de raisons valables pour mettre en doute la sagesse d'un tel acte. Durant son exposition des faits importants, je fus empli d'un sentiment de tristesse et fis part de mon profond désaccord, tout d'abord sur la base de ma conviction que le Japon était déjà battu et que le bombardement était complètement inutile, ensuite parce que je pensais que notre pays ne devait pas choquer l'opinion mondiale par l'utilisation d'une bombe que je ne pensais pas nécessaire pour sauver la vie des Américains"

Quelles que soient les raisons invoquées, rien ne peut justifier un tel acte de barbarie au regard de toutes les valeurs qui fondent le principe d'humanité dans son acceptation la plus large. Ce principe d’humanité qui porte vers les plus hauts sommets l'idée que la vie ne peut être jouée aux dés par des animaux doués d'intelligence mais totalement dépourvus de sagesse. Répondre à la barbarie par la barbarie ne contribue qu'à perpétrer la barbarie et par conséquence signifie l'anéantissement de tous les concepts humanistes qui fondent nos civilisations.

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  Hiroshima [Texte imprimé] John Hersey trad. de l'américain par Georges Belmont et Pascale Haas

  de Hersey, John Haas, Pascale (Traducteur) Belmont, Georges (Traducteur)
  10-18 / Bibliothèques 10-18 (Paris)
  ISBN : 9782264041173 ; 7,07 € ; 02/06/2005 ; 204 p. ; Poche

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