Koba de Jean Dufaux (Scénario), Régis Penet (Dessin)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Sci-fi & fantastique

Critiqué par Blue Boy, le 18 septembre 2014 (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans)
La note : 7 étoiles
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Staline retouché à l’aide d’un pinceau sanglant

En Sibérie à la fin des années 40, Staline revient en zone 0049, le nom du camp où il fut emprisonné lors de ses années de militantisme clandestin, où il se faisait appeler Koba. Alors que la ville construite à l’intérieur de la zone tombe en ruine, ses rares habitants semblent décimés par une étrange épidémie qui les laisse exsangues. Staline doit par ailleurs résoudre un mystère lié à un tableau où ses anciens compagnons de lutte, représentés autour de lui, s’effacent peu à peu de façon mystérieuse.

Dans ce one-shot ténébreux, Jean Dufaux revisite avec une certaine audace la biographie du « boucher de l’URSS » en y mêlant le mythe du vampire. A partir d’une métaphore troublante et très pertinente, celle d’un tableau se vidant peu à peu de ses personnages, le brillant scénariste de Murena a conçu une histoire fantastique dans la grande Histoire, avec pour héros Staline alias Koba. On sait que ce dernier faisait retoucher – bien avant l’invention de Photoshop – les photos où il apparaissait avec ses collaborateurs par la suite tombés en disgrâce, ceux-ci étant purement et simplement gommés. En croisant le mythe draculéen avec un mythe de l’Histoire, Dufaux rend au despote soviétique l’hommage qu’il mérite, nullement glorieux dans sa soif du pouvoir, ou, devrais-je plutôt dire, de sang.

Sous un emballage graphique assez classique et néanmoins adapté, le récit est relativement clair, même si j’ai dû effectuer plusieurs retours en arrière afin de me remémorer certains protagonistes. Le trait de Régis Penet est maîtrisé, élégant, avec quelques touches d’érotisme politiquement correct, embelli par une mise en couleur hyper léchée. Mais cette quasi-perfection a son corollaire : une certaine froideur, qu’on ne peut pas mettre seulement sur le compte du contexte géographique sibérien. D’ailleurs, j’ai eu quelques réserves au début, lorsqu’apparaissent dans leur nudité les jeunes vampires au look androgyne, me demandant si les auteurs ne cherchaient pas à surfer sur la mode « Twilight », ce galvaudage teenager si peu sensuel du chef d’œuvre de Bram Stocker. La suite, j’en suis fort aise, m’a confirmé que Dufaux n’était pas de ce bois.

Cette histoire aurait peut-être mérité un second volet afin de rebondir sur cette fin incongrue et d’approfondir certains personnages aux contours à peine esquissés face à un Staline imposant. Par des dialogues aux accents shakespeariens, les déchirements intérieurs de ce dernier y sont bien évoqués, mais les autres personnages, à l’image des figures de la toile se dissolvant dans le néant, ne semblent là que pour faire exister le dictateur, aspirateur de vies jusque dans une BD le mettant en scène en 2014. Cela étant, on sait gré à Delcourt de n’avoir pas enclenché une nouvelle série à rallonge, format prédominant et passablement agaçant dans la BD actuelle.

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