Mais que vient faire ce point d'interrogation ?

Au départ d'un récit concernant Nizar Trabelsi, Luk Vervaet (auteur de « Le making-of d'Anders B. Breivik » critiqué par ailleurs ici-même) nous dresse un portrait effrayant du monde actuel, depuis le « 11 septembre ».
Nizar Trabelsi avait projeté un attentat contre la base militaire de Kleine Brogel. C'était en 2001. L'attentat n'a jamais eu lieu mais Trabelsi a été condamné à 10 ans de prison ferme. En pratique, il en a fait douze. Puis il a été transféré aux Etats-Unis, illégalement, parce que ceux-ci le réclamaient pour les mêmes « faits ». Du délire.
Mais du délire de plus en plus courant.
Sur l'impulsion des Etats-Unis, l'esprit de Guantanamo est à l’œuvre partout. D'accord, on ne met pas des pyjamas orange aux détenus en Belgique, mais pour le reste, on colle de plus en plus aux pratiques américaines. L'auteur le montre avec des exemples très concrets : « dans les faits, nous avons accepté l'installation progressive et silencieuse de Guantanamo sur notre propre sol, en nous identifiant au discours guerrier, antiterroriste, islamophobe, sécuritaire et déshumanisant de ceux qui nous dirigent et nous contrôlent ».
Lorsque, en 2003, une plainte est déposée en Belgique contre les agissements de hauts militaires américains en Irak, les Etats-Unis menacent de retirer leurs investissements de Belgique. Encore heureux qu'ils ne nous menacent pas de bombardements... Bref, en août, le parlement belge obéit servilement et abroge la loi de compétence universelle (grâce aux voix de la droite et de l'extrême-droite...). Et la Belgique de choisir alors la soumission totale en entrant dans la « guerre contre le terrorisme », y compris contre sa propre population immigrée.
Car c'est bien une guerre sans fin que les Etats-Unis déclenchent suite à l'attentat de 2001. Avec des interventions militaires massives mais aussi une « politique continue de chasse à l'homme, d'enlèvements ou d'assassinats ciblés et illégaux par des unités d'élite », « l'espionnage par les Etats-Unis de leurs propres alliés, à une échelle mondiale », etc.
Résultat ? Cela a été une aubaine pour le recrutement d'Al Qaida et aussi l'occasion d'une belle montée de l'extrême droite en Europe (avec des campagnes racistes et islamophobes). De l'autre côté de la Méditerranée, cela a conduit les révolutions arabes à prendre un caractère islamiste « ne fût-ce que du fait de la haine anti-occidentale que la guerre contre l'Islam a suscitée ».
Le livre vous dira ce qu'est exactement le régime barbare de Guantanamo (ça alors, Obama avait promis d'y mettre fin : il a dû oublier...) et à quel point selon les mots de Naomi Klein, « cette barbarie, commise en notre nom, (...) nourrit le terrorisme ».
Il est exact que des volontaires belges musulmans vont combattre ailleurs, dans des mouvements de résistance, contre les actes de guerre commis par les Etats-Unis par exemple. Et alors ? N'y a-t-il pas eu, en d'autres temps, des volontaires belges partis combattre aux côtés de Mandela, ou bien au Salvador, au Vénézuela ?

Un livre très engagé, comme on peut le voir, mais vraiment très documenté également.
Il n'y a qu'une chose qui me « chipote » : pourquoi l'auteur a-t-il mis un point d'interrogation dans son titre... ?
Il faudra le lui demander...

Et en attendant, lire c'est excellent bouquin pour mieux saisir dans quel monde nous vivons.

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  Guantanamo chez nous ?

  
  Editions Antidote
  ISBN : 9782930802008 ; 01/06/2014 ; 190 p.