Michel Audiard : ou Comment réussir quand on est un canard sauvage de Philippe Durant
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Le plus grand dialoguiste du XXeme siècle
Michel Audiard ou Comment réussir quand on est un canard sauvage est la biographie la plus complète que l'on puisse trouver consacrée à l'auteur des Tontons flingueurs. Et elle n'est pas signée par n'importe qui. L'auteur est Philippe Durant déjà responsable des biographies de Lino Ventura, Jean-Paul Belmondo ou Simone Signoret.
Avant de parler moi aussi du personnage, ce livre, qui a le bon goût de ne pas céder au recueil de citations, démarre de l'enfance de Michel Audiard jusqu'à sa mort. Normal, me direz-vous, puisque c'est une biographie. Mais elle est également truffée d'interviews actuels pour ceux qui sont encore vivants et d'époque d'Audiard que l'auteur a compilées mais donc aussi de ses plus proches collaborateurs qui reviennent abondamment sur sa personnalité. Henri Verneuil, Georges Lautner, Philippe De Broca pour les réalisateurs. André Pousse, Lino Ventura, Jean Gabin, Jean-Paul Belmondo, Michel Serrault pour les acteurs. Car Audiard a aimé s'entourer pendant environ trente-cinq ans des mêmes personnes qui étaient avant tout ses amis avant d'être des relations professionnelles.
Philippe Durant tente aussi de décrypter la méthode Audiard. Tâche assez ardue dans la mesure où l'homme à la casquette et au col roulé n'aimait pas tellement parler de son travail. Ceux qui ont pu travailler avec lui parlent d'un Audiard très cultivé, passionné de littérature mais aussi paresseux, livrant ses dialogues à la dernière minute.
Quant à ces fameux dialogues, parlons-en ! Très écrits, on y apprend qu'Audiard les piquait souvent à des gens dans la rue ou dans les bistrots mais aussi dans des livres ou des films. Il lisait, dit-on, quatre ou cinq heures par jour. De quoi trouver bon nombre d'idées de films.
Mais ce livre n'essaie pas uniquement de dévoiler les secrets de fabrication de ses dialogues. Il s'attarde sur l'enfance du jeune Audiard. Une enfance marquée par le rejet de ses parents (Audiard a été élevé par son parrain), un certificat d'études obtenu à treize ans pour faire plaisir à son parrain, et surtout la guerre. L'Occupation et la Libération, il en parle abondamment dans son roman La nuit, le jour, et toutes les autres nuits, qui lui feront radicalement changer son point de vue sur l'âme humaine.
Ensuite, ce sont les petits boulots. Soudeur pour s'acheter une bicyclette, coureur cycliste, porteur de journaux qui lui permettra de mettre un pied dans le journalisme, critique de cinéma qui lui permettra de mettre un pied dans le cinéma et finalement André Hunebelle qui lui commandera son premier scénario. Ce sera Mission à Tanger en 1949.
L'ascension ensuite et la consécration avec de très grands succès populaires dont certains dialogues deviendront des proverbes : Un taxi pour Tobrouk, Cent mille dollars au soleil, Les tontons flingueurs, Les barbouzes... Autour de lui, j'en ai parlé plus haut, se crée un cercle d'habitués : Grangier, Gabin, Lautner, Belmondo, etc, etc.
Mais l'envie d'Audiard peut-être d'être inclassable ou tout simplement de céder à ses envies prend le dessus. A la fin des années 60, il devient metteur en scène pour mettre en image ses propres mots. Pourquoi pas même si ses films ne sont pas de grandes œuvres cinématographiques.
En effet, Audiard se foutait de la technique comme d'une guigne. Il ne savait jamais comment placer sa caméra et en fait était toujours fourré au bistrot d'à côté. Ses films reflètent bien son esprit iconoclaste, lui qui se qualifiait volontiers d'anarchiste de droite, remplis de bons mots et de stars de l'époque à poil. Quant aux critiques, il en était habitué depuis le début de sa carrière et se plaisait à prendre sa plume pour répondre dans les journaux aux Truffaut et compagnie qui dénigraient son cinéma.
Le succès des films qu'il réalisait allant en déclinant, il reprend son activité de dialoguiste en 1975. Alors qu'il travaillait avec De Broca sur L'Incorrigible avec Belmondo, il apprend la mort de son fils tué dans un accident de voiture. Il n'en laissera rien paraître et voudra continuer de travailler comme si de rien n'était.
En réalité, il est évidemment abattu par ce drame qui est le pire drame qui puisse arriver à un père. Il se réfugie dans l'écriture (La nuit, le jour, et toutes les autres nuits) et la tristesse n'affirmant plus croire en rien. Quant à ses films, ils prendront une tonalité beaucoup plus sombre : Mort d'un pourri en 1977, Garde à vue en 1981 pour lequel il obtiendra le César du meilleur scénario, Mortelle Randonnée en 1983 et On ne meurt que deux fois en 1985.
On considérait Audiard comme un faiseur. On lui demandait de faire toujours le même film sous des titres différents et cela le gonflait profondément vers la fin de sa vie. Dans une interview pour la promo de La nuit, le jour... chez Pivot, il déclare d'ailleurs que sur les quatre-vingt films qu'il a dialogués, il y en a soixante-cinq qu'il déteste. Et qu'il voulait se consacrer à l'écriture. Lui qui aurait rêvé être un grand écrivain et obtenir le Goncourt.
C'est cette double facette qui m'intéresse chez Audiard. Il avait un réel talent d'amuseur et ses nombreuses répliques connues de tous en attestent. Mais il y avait un côté plus grave chez lui, plus triste. Maria Pacôme parle d'un homme en souffrance. Annie Girardot dit qu'il a un œil gai et un œil triste. Et insaisissable. Quand Audiard est parti en 1985, c'est avec l'impression qu'il n'avait pas livré toutes ses clés.
Ceci étant dit, on attend toujours son éventuel successeur. Après Jeanson, Prévert, Audiard, le temps commence à devenir long.
Les éditions
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Michel Audiard ou Comment réussir quand on est un canard sauvage [Texte imprimé] Philippe Durant préface de Jean-Paul Belmondo
de Durant, Philippe
le Cherche midi / Documents (Cherche Midi)
ISBN : 9782749104768 ; 24,00 € ; 26/10/2005 ; 501 p. ; Broché
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