Automobile Club d'Egypte de Alaa El Aswany

Automobile Club d'Egypte de Alaa El Aswany
(Nadī al-sayyārāt)

Catégorie(s) : Littérature => Arabe , Littérature => Moyen Orient

Critiqué par Alma, le 3 septembre 2014 (Inscrite le 22 novembre 2006, - ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (15 301ème position).
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La société egyptienne, au temps du Roi Farouk

L’Automobile-Club du Caire, c’est le lieu central du roman d’où partent et aboutissent les différents fils narratifs. Nous sommes dans les années 50, dans une Egypte d’avant Nasser et d’avant celle évoquée dans Immeuble Yacoubian, une Egypte sous tutelle anglaise, mais où règne le roi Farouk « un roi corrompu qui collabore avec l’occupation britannique contre le peuple », un despote obèse et libidineux qui fréquente les salles de jeu de l’Automobile Club.

Autour d’Abdelaziz Hamam, descendant ruiné d’une riche famille de Haute Egypte venu au Caire pour y gagner sa vie, embauché à l’Automobile Club, gravite toute une galerie de personnages. En premier lieu, les membres de sa famille, son épouse, ses 4 enfants aux caractères et aux intérêts contrastés ainsi que leurs amis, et ses voisins. Mais aussi tous ses collègues, membres du personnel de l’Automobile-Club. Ici, s’affaire pour le confort et le plaisir du gratin cairote une armée de domestiques qui n’ont aucun droit, qui ne comptent que sur leur pourboire pour pouvoir faire vivre leur famille et n’ont qu’un devoir : la soumission aux exigences du Chambellan du Roi, El-Kwo. Celui-ci est toujours accompagné de son bras armé Hamid chargé de châtier cruellement celui qui aurait n’aurait pas assez courbé l’échine devant les habitués du Club, arrogants et plein de morgue à l’égard de ceux qui ne sont, à leurs yeux, que des larbins bienheureux de pouvoir les servir. En coulisses, s’agite le parti nationaliste Wafd, qui œuvre secrètement pour mettre fin à l’occupation britannique, rendre son indépendance à l’Egypte et qui s’allie avec les communistes pour faire prendre conscience aux employés du club des droits que El Kwo leur dénie .

Un thème ressort de ce tissu d’intrigues, celui d’un pouvoir despotique, basé sur la peur que la tradition autorise et qu’exerce le dominant sur le dominé, aussi bien dans le domaine politique, que dans l’univers du travail ou au sein de la famille.

Un roman riche, touffu, généreux, où les enjeux sociaux s’entrecroisent habilement avec les destins individuels, où le politique se mêle étroitement au quotidien et à l’intime . Al Aswani centre chacun des nombreux chapitres sur un personnage. Il se donne le temps de l’installer dans son milieu, dans son rapport avec les autres, de faire comprendre ses intentions, de le rendre proche du lecteur. Il se donne ainsi les moyens de construire un roman éclaté, où il joue avec le suspense, faisant sauter son lecteur d’un fil narratif à un autre, sans que celui-ci soit dérouté, arrêtant l’histoire d’un personnage au milieu d’une situation palpitante pour reprendre une autre histoire interrompue précédemment, à la manière d’un feuilletoniste .

Un roman à 3 voix, où alternent des chapitres rédigés à la 3 personne, dont le narrateur est le romancier, et des chapitres à la première personne, dans une autre police de caractères, précédés du nom de leur personnage- narrateur, Saliha ou Kamel. Le romancier explique les raisons de ce roman choral, au début du roman, dans une scène étrange, une sorte de rêve surréaliste, où ces 2 personnages de fiction auxquels il a donné vie viennent revendiquer le droit de raconter selon leur point de vue .

J’ai dévoré cette foisonnante chronique du vivant, qui mêle le sérieux, le dramatique, la tendresse et l’humour. J’aurais aimé qu’elle se poursuive au-delà de ses 540 pages .

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Les éditions

  • Automobile club d'Egypte

    Actes Sud
    ISBN : 9782330027445 ; 23,80 € ; 05/02/2014 ; 540 p. ; Broché
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Belle métaphore

8 étoiles

Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 85 ans) - 10 avril 2017

J'ai trouvé dans ce roman tous les éléments qui ont été relatés par les critiques précédentes et j'ai pris un grand plaisir à la lecture de ce texte, qui s'accompagne cependant d'une lourde insistance sur les aspects sexuels, comme c'était déjà le cas dans "Chicago", texte d'un moindre intérêt. Plus que dans les critiques existantes, j'y suis peut-être plus sensible, il m'est apparu que la société de l'automobile club constituait une sorte de métaphore de l'état et la société égyptienne de la royauté et de la domination anglaise. Toutes les caractéristiques qui ont donné naissance à l'émergence de Nasser et du récent printemps arabe y sont présentes sous une forme à peine déguisée: le poids de la hiérarchie, les soubresauts d'une révolte contre les châtiments corporels, la mise en question du statut de la femme et d'autres courent dans ce roman comme elles ont couru dans les années cinquante et l'époque contemporaine. C'est ainsi que je l'ai lu et l'ai trouvé à la fois d'une grande finesse d'analyse, d'une bonne conduite du récit et d'une langue précise et efficace. Contrairement à ce que je comprends d'une critique précédente l'auteur n'écrit pas, comme Albert Cossery, en français, mais en arabe.

Vice et domination

7 étoiles

Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 51 ans) - 5 juin 2016

Automobile Club d’Egypte est le second livre de Ala Al Aswany que je lis, après le très bon Immeuble Yacoubian. Après deux petits chapitres indirectement en lien avec le récit et sans autre utilité que d’éveiller la curiosité et la perplexité du lecteur, nous plongeons dans Le Caire, au milieu du XIXème siècle. Dirigée par un roi décadent, contrôlée par le Royaume Uni, le peuple vit avec quelques difficultés et parfois des rêves d’émancipation. Mais toute la société est basée sur des rapports de force et de domination, entre sexe, entre nationalités, entre classes sociales. Saliha et Kamel, frère et sœur, décident de se battre et résister chacun à leur manière. D’autres choisissent la facilité et le vice.
C’est vivant, coloré, facile à lire malgré l’épaisseur du livre. On peut juste regretter les deux derniers chapitres en forme de happy end un peu rapide et un peu naïve.

L'Egypte du roi Farouk !

8 étoiles

Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 8 décembre 2014

Alaa El Aswany (1957- ) est un écrivain égyptien de langue française.
Fils d’un avocat, il est un écrivain dans la veine du célèbre prix Nobel de littérature Naguib Mahfouz. Il exerce les métiers de dentiste, journaliste, écrivant sur la littérature, la politique et les questions sociales pour des journaux égyptiens,
En 2002 parait "L’Immeuble Yacoubian" qui devient immédiatement un Best-seller international.
Avec "Automobile Club d’Egypte" (2014), Alaa el-Aswany signe son troisième roman et sans doute son œuvre la plus aboutie.

Les années 1940 en Egypte, sous la tutelle britannique et le règne d'un souverain fantoche; Farouk.
Le bâtiment de l'Automobile Club abrite 2 sociétés; celle de l'aristocratie blanche britannique et des serviteurs noirs du sud de l'Egypte.
L'auteur dépeint les relations conflictuelles entre ces 2 mondes et l'amorce de révolutions larvées .
Un questionnement -toujours d'actualité- sur l'avenir attendu du peuple égyptien.
Quel choix : Liberté ou Sécurité ? Un Président ou un Père ?
Alaa El Aswany raconte des histoires entendues enfant quand il accompagnait son père avocat dans les locaux de l'Automobile Club.
La force de ce roman repose sur l'attachement aux personnages et une qualité narrative indiscutable.
540 pages qu'on ne voit pas passer .
Un questionnement qui reste cruellement d'actualité dans un monde arabe qui se cherche au travers des révolutions successives.
La femme égyptienne (sa volupté, sa sensualité,...) est mise à l'honneur. Sera-t-elle à l'origine du redressement national ?
Alaa El Aswany est un éclaireur engagé et humaniste .
Un véritable bonheur de lecture !

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