Philippe, comte de Flandre, frère de Léopold II de Damien Bilteryst
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire
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Première biographie sur ce prince méconnu
Né en 1837, le prince Philippe de Belgique est le fils cadet du roi Léopold Ier et de la reine Louise-Marie, et est titré comte de Flandre. Il reçoit des cours particuliers jusqu'à l'âge de 18 ans, mais son instruction manque de structure et souffre de rivalités et de clivages d'âge entre les professeurs. En 1846, il est nommé sous-lieutenant au régiment des guides, mais cette désignation est surtout symbolique. Le décès de sa mère et le départ de sa sœur Charlotte, dont il est proche, l'attristent beaucoup. L'ambiance à Laeken devient morose.
C'est Auguste Scheler (bibliothécaire du Roi) qui transmet sa passion des livres à Philippe dont les premiers achats remontent aux années 50. Ses deux autres grandes passions sont la chasse et les antiquités. Il achète le domaine de Campine de plus de 2.000 ha. A partir de 21 ans, il commence à devenir sourd. Son père et sa grand-mère la reine Marie-Amélie déplorent son oisiveté. Léopold Ier lui demande de le représenter en Scandinavie et en Russie en 1860, puis deux fois en 1861 en Prusse. En 1863, il se rend à Paris qu'il n'avait plus revu depuis l'abdication de son grand-père en 1848, et est reçu chaleureusement par Napoléon III.
Le comte de Flandre refuse les trônes de Grèce et Roumanie, un mariage avec la princesse héritière du Brésil, et s'en explique dans une lettre : "Je n'aurai jamais ici qu'un rôle très effacé et je ne m'en plains pas. Je n'ambitionne pas la périlleuse et difficile mission de diriger un peuple". Il dit de sa sœur Charlotte, éphémère impératrice du Mexique : "Toujours la même folie : l'ambition. Si je deviens un jour fou, ce ne sera pas de cela". Sur le plan privé, à part un coup de cœur pour la princesse Alice de Grande-Bretagne (fille de la reine Victoria), il rejette toutes les suggestions de mariage.
Le prince est avantagé dans le testament de son père (décédé en 1865) dont la fortune totale est estimée à un milliard d'euros actuels. Il reçoit notamment la bibliothèque, plusieurs tableaux (dont 4 Breughel l'Ancien), la villa Giulia en Italie (qu'il vendra en 1871), 2.500 ha en Moravie et 7.000 ha en Slovaquie (qu'il vendra en 1889). Son frère Léopold II devenu roi, Philippe prend son indépendance : il achète un palais dans la rue de la Régence à Bruxelles et le château des Amerois près de Bouillon, et il fait un mariage arrangé en 1867 avec la princesse Marie de Hohenzollern qui lui permet de jouer les intermédiaires entre Léopold II et la Prusse.
Le comte et la comtesse de Flandre auront cinq enfants : Baudouin, Joséphine (morte en bas âge), Henriette, Joséphine et Albert. Si leur foyer est nettement plus chaleureux que celui des souverains, l'auteur nous livre un grand scoop dont les historiens n'avaient jamais parlé : une relation extraconjugale d'une dizaine d'années entre Philippe et Marie Bastin, une femme de chambre engagée en 1884. Le prince voyage également souvent seul à Paris et en Italie.
En 1891, c'est le drame : "La mort inopinée de Baudouin change à jamais la vie des Flandre. Si Marie parvient peu à peu à trouver, dans le secours de la religion et dans la pratique de ses activités artistiques, une relative sérénité, Philippe sombre dans de véritables accès de dépression qui dureront jusqu'à son dernier jour. Jadis flegmatique et désinvolte, il devient maussade, perpétuellement anxieux et tracassé. Ses railleries d'autrefois prennent maintenant un tour plus sarcastique. Elles masquent mal ses blessures personnelles et surtout le deuil si brutal de son fils qu'il ne parviendra jamais à faire. A 53 ans, il s'est déjà désinvesti depuis longtemps des rôles qu'il aurait dû jouer : successeur peu impliqué du Roi son frère, père parfois lointain de ses trois enfants survivants, époux amical mais devenu volage de Marie, paroissien zélé en apparence, mais sans réelle ferveur religieuse, Philippe, souvent sous l'emprise d'un chagrin chronique, ne songe plus qu'à s'affranchir des dernières contraintes qui pèsent sur son existence".
Suite à l'élection de députés socialistes au Parlement en 1894, le vote de la dotation du comte de Flandre donne lieu chaque année à des débats houleux. Devenu malgré lui le symbole du capitalisme, Philippe veut y renoncer mais Léopold II refuse. Il est également opposé aux projets africains de son frère.
Ses deux sœurs mariées (Henriette avec le prince Emmanuel d'Orléans, Joséphine avec le prince Charles de Hohenzollern), Albert reste le seul célibataire avec ses parents au palais de la rue de la Régence où il étouffe. Les comtes de Flandre ne comprennent pas leur fils, un homme bien de son temps, ouvert aux idées neuves et soucieux des questions sociales. Mais ils soutiennent Albert dans son projet de mariage avec la princesse Isabelle d'Orléans ; Léopold II refuse. Finalement, il épouse Elisabeth de Bavière.
Devenu grand-père, le prince Philippe achète la villa Halishorn près de Lucerne en 1899, et démissionne du commandement supérieur de la cavalerie en 1902 suite à un désaccord avec Léopold II sur une nomination. Les deux frères ne se verront plus beaucoup. Victime d'une congestion cérébrale en 1902, il se rapproche de son épouse et s'éteint en 1905. Son fils, le futur Albert Ier, devient le nouvel héritier du trône.
Bien que prince cadet, le comte de Flandre aura assuré l'avenir de la dynastie suite au décès du fils unique de Léopold II, et c'est aujourd'hui son arrière-arrière-petit-fils (qui porte son prénom) qui est le septième roi des Belges. Son palais de la rue de la Régence est actuellement occupé par la Cour des Comptes, et son château des Amerois appartient à la famille Solvay. Et bravo à Damien Bilteryst pour cette biographie intéressante, bien documentée, objective et agréable à lire!
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