Persécutions et entraides dans la France occupée : Comment 75% des juifs en France ont échappé à la mort de Jacques Sémelin

Persécutions et entraides dans la France occupée : Comment 75% des juifs en France ont échappé à la mort de Jacques Sémelin

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Chene, le 31 mai 2014 (Tours, Inscrit le 8 juillet 2009, 54 ans)
La note : 10 étoiles
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Rétablir les faits et la réalité

Publié aux éditions « Les arènes - le seuil », ce livre tout à fait sérieux, écrit par Jacques Semelin, directeur au CNRS et professeur à Sciences Politiques, soutenu dans cette entreprise par Serge Klarsfeld et Simone Veil, dévoile comment 75% des Juifs en France ont été sauvés pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est un cas unique dans toute l’Europe occupée que celui de la France.

À la veille de la Seconde Guerre mondiale, la France est déjà le pays qui a accueilli le plus de réfugiés dans le monde. En particulier, des personnes persécutées dans les pays à l’Est.
Avec 330 000 personnes, c’est également le pays qui compte la plus grande communauté juive d’Europe (hors URSS). Or c’est aussi en France que les Juifs ont été le moins arrêtés et le moins déportés.
Si on sépare les Juifs étrangers des Juifs français résidant sur le territoire métropolitain. C’est 90% de Juifs français qui ont été sauvés.

Alors comment un tel sauvetage fut-il possible dans une France morcelée, avec la région de Lille administrée depuis Bruxelles par l’administration Allemande, l’Alsace et la Moselle annexées au Reich Allemand, une zone nord occupée et une zone sud libre mais gouvernée par Vichy ?

Les explications sont diverses ; Jacques Semelin a entrepris des recherches fouillées et a recueilli de nombreux témoignages apportant un éclairage nouveau sur cette période troublée et sombre.

Il semblerait bien que la société française dans son ensemble a, par bonté et sous une forme de résistance collective, discrètement et sans armes, protégé des enfants, et sauvé des familles juives persécutées par l’occupant et par Vichy.
Des religieux catholiques et protestants, simples curés ou archevêques, et on pense ici à monseigneur Saliège, des fonctionnaires de mairie, ou de simples gendarmes et policiers mais aussi commissaires de police ou secrétaires généraux de préfectures, des assistantes sociales des œuvres du secours national (administré par Vichy), des agriculteurs et fermiers accueillant des enfants, des passeurs dans les Alpes et les Pyrénées, de modestes citadins, humbles anonymes engagés ou non, ont tendu la main à ceux qui étaient en détresse et ont par leurs actions invisibles et silencieuses résisté à l’ennemi.
De plus, on peut noter que des massacres et des pogroms par la population comme il y en a eu en Pologne, en Ukraine ou dans d’autres pays, n’ont jamais existé en France et c’est tout à l’honneur du peuple de France.

La structure de la France, à la fois chrétienne et républicaine aurait favorisé le sauvetage des Juifs par comparaison à d’autres pays d’Europe, tel que la Belgique où on ne compte que 55% de survivants et les Pays-Bas seulement 20%.

Le rôle du régime de Vichy est peut être le plus surprenant. Les recherches de Jacques Semelin renversent quelques idées reçues bien ancrées et diffusées par certains historiens anglo-saxons (notamment Robert Paxton) et relayées par les médias quant au rôle de la France dans l’extermination des Juifs d’Europe et sur le présupposé sentiment d’antisémitisme généralisé au sein de la population française à cette époque.
C’est une partie de l’ouvrage étonnant. En effet, pour ma part, j’ai toujours eu l’image d’une France de Vichy nauséabonde, collaborant sans vergogne avec l’occupant, prédatrice et raciste, allant au-devant des demandes des Allemands, persécutant avec rage les Juifs de France pour les exterminer sans pitié…
L’étude ici développée apporte une vision bien plus nuancée.
Il y a, bien sûr, la tache indélébile de la rafle du Vel d’Hiv et les arrestations des Juifs à leurs domiciles. C’est un crime auquel Vichy a participé sans conteste.
De plus, il y a les lois qui excluent les Juifs de la communauté nationale, de la fonction publique et des activités économiques, faisant de ceux-ci des citoyens de seconde zone.
Enfin, on ne peut ignorer que l’antisémitisme régnait parmi certains.
Cependant, les acteurs de Vichy n’avaient pas le même logiciel politique que les nazis, et si ces derniers souhaitaient l’extermination des Juifs, il en était autrement des dirigeants de Vichy.
Une distinction est à faire selon la période. Avant 1942, la France, grande puissance mondiale, est assommée. L’armée et l’État sont abattus dès les premiers mois de guerre.
60000 soldats sont tombés au champ d’honneur et 1,5 million sont fait prisonniers et amenés en Allemagne. Il y a les épisodes de l’exode et le pillage du pays etc.
Les conditions d’armistices sont très dures. Les pressions de l’occupant sont violentes et féroces. La wehrmacht occupe Paris. Tout ceci nous conduit, à la demande de l’occupant, à commettre la rafle du Vel d’Hiv.

Cependant, après 1942, c’est une tout autre histoire qui se déroule. Vichy n’est plus enclin à déporter des Juifs. Force est de constater que déjà, Vichy se refusait à faire évacuer vers l’Est les Juifs de nationalité française et que la rafle du Vel d’Hiv n’a touchée, les malheureux, que des Juifs étrangers.
Ce que je savais encore moins, c’est que Vichy n’a pas fait appliquer le port de l’étoile jaune en zone libre. Le port de l’étoile jaune n’était obligatoire que dans les zones occupées par les Allemands. Durant toute la période, le gouvernement du maréchal Pétain n’a pas fait fermer les synagogues. Même à Paris, le culte et les commerces Juifs continuaient à fonctionner discrètement protégés par la police française. En septembre 1942, Pierre Laval ne relayait plus les exigences allemandes sur les Juifs. Vichy chercha à se désengager de cette entreprise criminelle, notamment sous la pression de l’Église. Vichy finit par se rétracter et ne donna plus d’ordre d’arrestation de Juifs. En 1943, Pétain refusa de signer le texte de dénaturalisation d’un grand nombre de Juifs français. Même Eichmann notait que « le programme ne marchait de toute façon pas très bien en France ».

Ainsi Jacques Semelin fait cette découverte : en France l’écrasante majorité des Juifs (dont 90% des Juifs de nationalité française) n’ont pas été déportés et ont ainsi échappés à l’extermination.
Il serait temps que les manuels scolaires en fassent mention et que ces réalités historiques trouvent enfin le chemin de notre mémoire nationale.

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Les éditions

  • Persécutions et entraides dans la France occupée [Texte imprimé], comment 75 % des Juifs en France ont échappé à la mort Jacques Semelin
    de Sémelin, Jacques
    Seuil
    ISBN : 9782352042358 ; 29,00 € ; 21/03/2013 ; 900 p. ; Broché
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