Chez Marcel Lapierre de Sébastien Lapaque

Chez Marcel Lapierre de Sébastien Lapaque

Catégorie(s) : Arts, loisir, vie pratique => Cuisine

Critiqué par AmauryWatremez, le 14 mars 2014 (Evreux, Inscrit le 3 novembre 2011, 55 ans)
La note : 5 étoiles
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Oenologisons avec Sébastien Lapaque

Il y a des œnologues de salon très pompeux qui ne peuvent s'empêcher de pontifier lorsqu'ils goûtent un vin, il y a aussi des buveurs de vin New Age qui ne jurent que par le vin bio - qui, certes, ne fait pas mal à la tête quand on en boit trop, du moins selon le témoignage (de bonne foi ?) de l'auteur de ce livre et de cette chronique -, et il y a les buveurs comme Sébastien Lapaque, des amateurs de la "Dîve" bouteille qui pensent surtout plaisir.

Il n'est pas étonnant d'ailleurs que Lapaque soit aussi un lecteur assidu de Rabelais, que l'on qualifie d'intellectuel. Il l'est dans le sens où le plaisir des sens est aussi un plaisir de la pensée : rêve, sensation et réflexion mélangés. Dans ce livre, l'auteur parle d'une rencontre, de l'odeur des caves et des fûts, de la convivialité, de l'art de lier un lien avec d'autres grâces au plaisir...

J'entends vendredi à la radio le matin, et le midi à la télévision que selon une étude scientifique le vin contribue au développement des cancers même pour un verre de vin par jour. Bien sûr, on ne dit pas si ce sont les pesticides dans le vin et tout les produits que l'on rajoute pour la conservation ou le transport, ou le vin lui-même, ce qui provoquerait ces cancers. Selon le même genre d'études, on nous conseillait il y a quelques années de boire au moins un litre et demie d'eau par jour, puis on s'est aperçu l'an dernier que 80% des besoins en eau étaient satisfaits par ce que l'on mangeait. Il faut enlever la caféine des boissons, retirer tout le sucre, le gras, et finalement la saveur. Les mêmes scientifiques nous diront exactement le contraire de leurs résultats actuels dans quelques temps sûrement. Je dirais que la vie est dangereuse à partir du moment de la naissance, que traverser la rue est dangereux, respirer l'air des villes également. C'est d'ailleurs assez étrange car c'est bien souvent le troupeau docile à accepter comme parole d'évangile toute connerie hygiéniste qui ne voit pas le mal qu'il y a à empuantir l'atmosphère en conduisant les GROSSES bagnoles à la mode en ce moment. Le problème est que le Net permet à ces sottises et lieux communs de se répandre instantanément d'un bout à l'autre du réseau.

C'est une tendance actuelle, la nouvelle religion, dont notre président est un représentant archétypal (on devrait toujours se méfier des buveurs d'eau -au fait le chef du Bristol l'a-t-il remercié ?). Bien sûr, je ne dis pas que c'est mauvais de moins fumer, moins boire ou moins manger. Mais actuellement, on a la sentiment que ce concours à la vie saine impose du corps une image mécanique, et entraîne une course à la performance physique d'où les personnes hors-norme sont immanquablement rejetées. C'est une dynamique du conformisme, une synergie grégaire. Le plaisir d'être ensemble, la convivialité, ne peuvent être vécues dans un cadre amical ou familial, il faut également que ce soit relié au festivisme mais aussi à ce désir de se transformer en somme en une sorte de robot ou d'androïde docile. Aux yeux des hygiéniquement corrects, apprécier un bon vin conduit forcément à la beuverie, donc on proscrit, goûter la bonne chère c'est seulement bouffer et quelqu'un qui n'est pas sportif est une sorte de malade mental qu'ils voudraient bien pousser à guérir, et ils ont généralement l'enthousiasme pénible de convertis sans cervelle. Je me demande souvent si finalement ces obsédés de hygiéniquement correct ne sont en fait que des personnes incapables de maîtriser leurs pulsions, ou qui en ont peur. Et qui ont peur que d'autres goûtent à ce genre de petits plaisirs ce qu'ils ne sont pas foutus de faire. C'est souvent couplé à la mode des cuisines z-exotiques qui vont du sans saveur, sans odeur, sans couleur mais diététiquement parfait, aux plats trop épicés pour faire couleur locale et emporter le palais.
Ces considérations sur le vin cancérigène m'ont rappelé deux anecdotes :

- Les parents d'un ami ne buvaient pas d'alcool, ou seulement aux grandes occasions, fumaient peu, mangeaient modérément, ne lisaient pas de livres trop polémiques, ne regardaient pas de films trop remuants, n'écoutaient que de la musique adoucissante (selon cette idée stupide qui veut que la littérature, la musique et le cinéma ne soient que des divertissements et uniquement ça). Ils ne se couchaient jamais plus tard que 21h30 après une tisane pour dormir. L'emploi du temps des week-ends était réglé comme du papier à musique. Après vingt-cinq ans de mariage, ils ont fini par divorcer, s'étant aperçu fortuitement qu'ils s'ennuyaient ensemble et qu'ils n'avaient rien à se dire.

- J'étais à table chez des religieuses avec un jeune prêtre et innocemment, je mis un peu de vin dans mon eau pour la colorer. Une fois le verre reposé, le jeune prêtre me prit le bras et me dit que c'était comme ça que l'alcoolisme commençait. Je crus d'abord à une blague mais il était sérieux. Je lui demandais alors s'il avait eu des gens dans sa famille qui avaient eu à souffrir de cette addiction mais ce n'était pas le cas. C'était parfaitement sincère.

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