Fausse route de Élisabeth Badinter

Fausse route de Élisabeth Badinter

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Bolcho, le 2 août 2003 (Bruxelles, Inscrit le 20 octobre 2001, 76 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (23 255ème position).
Visites : 5 437  (depuis Novembre 2007)

Féministes de tous les pays, unissez-vous !

Ce livre d’Elizabeth Badinter est véritablement un événement dans l'histoire de la lutte des femmes. Il intervient, à contre-courant souvent, pour dénoncer des dérives qui ne servent pas cette lutte, au contraire. La dérive « victimiste » par exemple.
On s'acharne à répandre l’idée que la femme est une petite chose fragile qu’il convient de protéger à tous les instants de sa vie sociale. Cela aboutit, par exemple, à des lois contre le harcèlement mal foutues et à des pressions légales pour l'élection des femmes qui pourraient bien avoir des effets pervers inverses de ceux que les femmes attendent. Impossible de résumer un peu sérieusement l'idée en quelques lignes. Il faut lire ce livre si l'on veut s'interroger sérieusement sur cette question. Je me contenterai de quelques exemples vaguement commentés.
On assiste au retour de l’idée d'une bonne et d’une mauvaise sexualité avec, par exemple, cette tranquille certitude que la prostitution est à proscrire absolument parce qu'elle est de nature commerciale. D'accord évidemment. Mais la relation commerciale est partout mêlée au sexe : mariages de convenances ou non qui prennent en compte le statut social, œuvres artistique, etc. Et puis, le vieux marxiste que je suis rappelle que la relation commerciale est, dans tous les cas, d'une grande bassesse, y compris lorsqu'une boîte de petits pois change de propriétaire.
En pratiquant l'amalgame et en rassemblant tout dans un continuum de violences, on en arrive à confondre viol et harcèlement sexuel. C’est ainsi qu'on en arrive à
prétendre que 41% des américaines ont subi un viol, ce qui permet d'affirmer que nous sommes dans une « rape culture » où le viol est considéré comme une conduite masculine normale. C'est cela le féminisme victimiste. Les chiffres tombent sans qu’on sache bien d’où ils viennent et comment on peut les avancer, dans le genre
« 40 à 50% des femmes en Europe ont subi des avances sexuelles non désirées » (Commission européenne).
De quoi s'agit-il ? Gestes déplacés ? Mot de trop ? Regard insistant ? « En vérité, si on ne permettait à personne de prendre le risque d'offrir une attention sexuelle non sollicitée, nous serions tous des créatures solitaires ».
« L'amalgame n’est pas un bon outil de connaissance. Et la condamnation collective d’un sexe est une injustice qui relève du sexisme. A faire de la violence le triste privilège des hommes, à confondre normal et pathologique, on aboutit à un diagnostic biaisé (…) »
« En luttant aujourd’hui pour l'élargissement de la répression du crime sexuel à la prostitution et à la pornographie, le féminisme bien-pensant, drapé dans sa dignité offensée, n'hésite pas à faire alliance avec l’ordre moral le plus traditionnel ».
Un certain féminisme radical américain est actuellement tout simplement anti-homme. Andrea Dworkin, par exemple : « Dans la culture masculine, le pénis est considéré comme une arme, spécialement une épée. Le mot ‘vagin’ signifie littéralement Ôfourreau’. »
C'est juste. Rappelons aussi, par ce même biais, la parenté des mots Ôvagin' et ‘vanille’ (gousse) dont je me demande aujourd'hui si elle est à l'origine des ’filles à la vanille’, expression méprisante et amoureuse que nous lancions à la face de nos petites camarades quand nous avions dix ans. On retrouve cela, délicieusement, chez Bobby Lapointe. Pour en revenir à la citation de Dworkin, rappelons quand même que mettre l’épée au fourreau est un geste plus pacifique que guerrier… Mais on s'égare.
« En vérité, le féminisme a bien gagné la bataille idéologique. Il se trouve aujourd’hui doté d'un pouvoir moral et culpabilisateur considérable. Mais les hommes font mine d'oublier qu’ils conservent jalousement le pouvoir qui conditionne tous les autres, à savoir le pouvoir économique et financier ». Mieux formées à l’école, les femmes restent mal représentées et mal payées, prétexte pour leur attribuer dans le couple les tâches ménagères. Et E. Badinter de poser la question : « N’aurait-il pas mieux valu (.) descendre dans la rue pour dénoncer ces injustices plutôt que de faire le procès des hommes ? ».
Oui ! Il faut TOUJOURS descendre dans la rue…
Le progrès majeur a été de comprendre dans les années soixante « que le sexe, le genre et la sexualité ne prédéterminent pas un destin ». On est en train de l'oublier en acceptant le foulard islamique à l'école et en imposant un quota de femmes dans les listes électorales.
« En faisant de la différence biologique le critère ultime de la classification des êtres humains, on se condamne à les penser l’un par opposition à l’autre. » « Deux points de vue sur le monde : un point de vue féminin, un point de vue masculin. On a un peu vite oublié la lutte des classes (.) ».
Ce n'est pas moi qui l'ai dit… Et je vous invite à lire le "verso du livre"

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A contre-courant

7 étoiles

Critique de FéeClo (Brabant wallon, Inscrite le 12 février 2004, 48 ans) - 11 juillet 2005

Bolcho a très bien présenté ce livre. Je n'ajouterai que mon avis personnel.

J'aime beaucoup lire les ouvrages "à contre-courant" de la pensée commune. Parce que parfois il est bon de prendre du recul, de se rendre compte des "ficelles" qui nous ont fait arriver à tel type de pensée et de mode de vie (les deux étant liés).

Je ne suis pas toujours d'accord avec les avis de E. Badinter, mais ce livre est très intéressant pour toute personne qui s'intéresse aux différents courants féministes. Il faut tout de même accepter, en l'ouvrant, d'y entendre des choses parfois dérangeantes!

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