Chevaliers et châteaux forts de Collectif, Philippe Contamine, Georges Duby, Jean Flori

Chevaliers et châteaux forts de Collectif, Philippe Contamine, Georges Duby, Jean Flori

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Pierrequiroule, le 21 février 2014 (Paris, Inscrite le 13 avril 2006, 43 ans)
La note : 10 étoiles
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La chevalerie expliquée par les plus grands médiévistes

Ce recueil d’articles publiés dans la revue « L’Histoire » met à contribution les meilleurs spécialistes de la chevalerie médiévale. Il aborde successivement la naissance de cette élite guerrière, l’équipement des chevaliers, leurs activités militaires, leurs rapports avec l’Eglise, puis la chevalerie rêvée, celle de la Table Ronde.

Apparus vers l’An Mil comme auxiliaires des seigneurs féodaux, les chevaliers se distinguent par des valeurs spécifiques (prouesse, largesse, loyauté), par un style de combat (charger à la lance, épargner la vie des pairs) et par des divertissements particuliers (chasse, tournois). Brutale et âpre au gain au XIIème siècle, la chevalerie devient cent ans plus tard une confrérie « civilisée », sous la double influence de l’Eglise et de la culture courtoise. Mais il s’agit désormais d’un groupe fermé qui se confond avec la noblesse, socialement et idéologiquement. Si à partir de la Renaissance la chevalerie décline sur le plan militaire, elle reste influente au niveau des mentalités : courtoisie et désintéressement sont des valeurs perpétuées par les gentilshommes au moins jusqu’au XIXème siècle.

Cet ouvrage s’organise en 4 grandes parties :

I- LA CHEVALERIE DE PIED EN CAP
° « Qu’est-ce qu’un chevalier ? » (entretien avec G. Duby) : dans cet article introductif, G. Duby évoque rapidement toutes les grandes problématiques concernant la chevalerie.

° « Et G. Duby inventa la révolution chevaleresque » (Patrick Bourdon) : où il est question de l’ascension sociale de la chevalerie entre le XIème et le XIIIème siècle.

° « Aux origines des armoiries » (Michel Pastoureau) : les armoiries sont nées dans les premières décennies du XIIème siècle, pour répondre à l’évolution de l’équipement militaire – un heaume qui dissimule le visage -, dans un contexte de réaffirmation du lignage. En moins de 200 ans, ces emblèmes s’étendent à toute l’Europe, à tous types de supports et gagnent progressivement différentes couches de la société (femmes, Eglise, bourgeoisie, corporations, villes…). A la suite de Chrétien de Troyes, on va même jusqu’à attribuer des armoiries imaginaires aux chevaliers de légende.

° « Du bon usage de la lance » (Jean Flori) : l’auteur explique que dès la fin du XIème, la lance est la caractéristique de la chevalerie et qu’elle impose un nouveau style de combat –le choc frontal -, mais aussi une évolution des armes défensives.

II- LES CHATEAUX, LES TOURNOIS ET LA GUERRE
° « Comment l’Occident s’est hérissé de châteaux » (Philippe Contamine) : l’auteur évoque l’évolution de l’architecture castrale, la diffusion des châteaux, ainsi que leurs fonctions et leur diversité à la fin du Moyen Age. Paradoxalement, alors que le XIème siècle est l’âge d’or des « châteaux » sur le plan militaire, ce n’est qu’aux XIIIème-XVème siècles que ces édifices prennent de l’allure et deviennent des attributs incontournables de l’aristocratie.

° « Autour de l’An Mil : guerres féodales et paix chrétienne » (Dominique Barthélémy). Cet article explique que la guerre féodale, souvent dramatisée par nos contemporains, avait en réalité des limites et un sens. Elle permettait de maintenir chaque suzerain ou vassal dans son bon droit, et de légitimer la domination/protection du seigneur sur ses vilains. Si barbarie il y a, elle s’exerce non pas entre chevaliers, mais à l’encontre des paysans de la seigneurie, au nom de la « vengeance indirecte ». La contrepartie en est l’ordre seigneurial et, de ce fait, une bonne mise en valeur des terres. A ces « guerres du dedans » répond la violence ecclésiastique qui s’exerce – paradoxalement - au nom de la pacification chrétienne (mouvements de « Paix de Dieu » et de « Trêve de Dieu »).

° « Des guerriers à cheval » (Philippe Contamine) : le cheval est un bien inestimable au Moyen Age, non seulement en tant que coursier ou destrier à usage militaire, mais aussi pour sa force de travail, augmentée par les innovations technique du Moyen Age central (herse, collier d’épaule…). Dans les campagnes occidentales, les chars à chevaux remplacent les chariots à bœufs, permettant l’essor du commerce. Symbole de prestige, le cheval est prisé dans le cours européennes. C’est donc le Moyen Age qui, par ses mutations profondes, a préparé l’avènement d’une « civilisation du cheval » au XIXème siècle.

° « La grande foire des tournois » (Dominique Barthélémy) : un excellent article, qui reprend les thèses de Duby pour mettre en valeur le côté mercantile et brutal des tournois au XIIème siècle. A l’époque cette activité militaire est fortement dénoncée par l’Eglise comme source de péchés mortels, mais l’évolution du tournoi au XIIIème siècle vers une joute codifiée permet la « réconciliation » des chevaliers avec le pape dans les années 1300.

III- LES ORDRES CHEVALERESQUES
° « Les soldats de Dieu » (Jean Flori). Cet article montre comment le clergé a peu à peu christianisé l’idéologie chevaleresque en attribuant aux chevaliers les fonctions de protection des faibles, initialement monopole du roi et inspirée de la Bible. Au XIIIème siècle, l’adoubement, tout comme le sacre, comporte la bénédiction des armes. De plus l’Eglise recrute une « milice du Christ » pour protéger ses biens et faire respecter la Paix de Dieu. Les croisades, puis la création d’ordres militaires (XIIème) permettent de transformer la violence chevaleresque en guerres saintes. Mais il ne faut pas oublier ce que la chevalerie classique doit à la littérature profane.

° « Les Templiers, des moines pas comme les autres »(Damien Carraz). C’est avec la fondation des Templiers (en 1120 par Hugues de Pays) qu’idéal chrétien et idéal chevaleresque fusionnent, même si ces moines guerriers ont d’abord été contestés. L’auteur aborde ici les règles de vie et la hiérarchie de cet ordre militaire, présenté comme LA « nouvelle chevalerie » par Saint Bernard de Clairvaux. Le succès des Templiers est tel qu’il inspire la création d’autres ordres en Terre Sainte.

° « Les chevaliers Teutoniques » (Philippe Dollinger). Exaltés par les nazis et célèbres pour leurs croisades sanglantes, les Teutoniques n’ont pas bonne presse en France. Cet article tente de faire la lumière sur cet ordre militaire, longtemps victime d’une légende noire. Né à St Jean d’Acre pendant les croisades, il se compose essentiellement de chevaliers allemands et va peu à peu s’orienter vers une action en Europe orientale. La croisade contre le paganisme balte ancre définitivement les Teutoniques en Prusse, où ils édifient d’imposantes forteresses, contrôlent le commerce et installent une cour raffinée autour de leur Grand Maître à Marienburg. Mais après son apogée au XIVème siècle, l’état teutonique décline à cause de conflits incessants contre les indigènes, les Polonais et les Lituaniens. Il renaît des siècles plus tard comme confrérie charitable.

IV- L'IDEAL CHEVALERESQUE
° « La gloire de Du Guesclin » (Philippe Contamine)

° « Les chevauchées du Prince Noir » (Nathalie Fryde)

° « Richard cœur de Lion, le roi chevalier » (Martin Aurell) : où l’on découvre les différentes facettes de ce chevalier légendaire, poète courtois, croisé courageux, mais aussi querelleur, intrigant et démagogue. On dit que Richard a arraché à mains nues le cœur d’un lion et qu’il était aimé des bandits de Sherwood, contrairement à son mauvais frère Jean. Loin des images d’Epinal, l’auteur nous rappelle que ce roi d’Angleterre n’avait presque rien d’anglais. Il esquisse aussi à grands traits son parcours, de la cour des Plantagenêt, divisée par les luttes fratricides, jusqu'aux portes de Jérusalem – où Richard échoue-, puis de sa détention à sa mort accidentelle en 1199, par bravade. Un beau portrait haut en couleurs !

° « Arthur, Lancelot, Perceval et les autres » (Laurence Harf-Lancner)

° « L’amour courtois a-t-il existé ? » (entretien avec Danielle Régnier-Bohler). Si la plupart des chevaliers optaient pour des mariages d’intérêt et se considéraient infiniment supérieurs aux femmes, ils n’hésitaient pourtant pas à rendre hommage à l'épouse de leur suzerain. Il ne s’agissait pas d’adultère, mais d’une cour codifiée qui faisait honneur à leur seigneur et transposait les relations vassaliques au niveau du chevalier servant et la dame. Vision sublimée des rapports hommes/femmes, la littérature de la Table ronde a aussi influencé les mentalités.

° « Tout est perdu sauf l’honneur » (Arlette Jouanna) : où il est question de la survivance des idéaux chevaleresques à partir de la Renaissance, époque où ce groupe social et militaire est en déclin.

Vous l’aurez compris, c’est là un excellent ouvrage de synthèse, tant pour les passionnés d’histoire que pour ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances sur quelques mythes fondateurs de notre culture. Le complément indispensable de ce recueil serait une histoire militaire illustrée (comme celle dirigée par R. G. Grant). Et pour s'immerger totalement dans le monde des chevaliers, il y a les excellents livres de G. Duby, notamment sa biographie sur Guillaume le Maréchal et son étude sur "Le Dimanche de Bouvines", l'une des plus grandes batailles de l'histoire de France.






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