S. de Doug Dorst

S. de Doug Dorst
(S.)

Catégorie(s) : Littérature => Divers

Critiqué par Stitch, le 18 février 2014 (Inscrit le 18 octobre 2013, 35 ans)
La note : 5 étoiles
Moyenne des notes : 5 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 3 étoiles (55 328ème position).
Visites : 4 565 

Attention, ovni !

Eric, étudiant, s'est lancé dans le projet d'étudier l'oeuvre de V.M. Straka, et de déterminer si, oui ou non, cet écrivain a réellement existé, et s'il est bien l'auteur des livres qu'on lui attribue.
En effet, Straka est un personnage des plus mystérieux et plongé au coeur de plusieurs affaires (politiques, criminelles, littéraires, etc.) plus occultes encore, et personne ne sait qui il est, ni même s'il a réellement existé.
Et c'est dans la dernière oeuvre de Straka, "Le bateau de Thésée", en laissant des notes dans les marges, fruits de ses réflexions et de ses hypothèses, qu'Eric va tenter de percer ce mystère, lorsque s'ajoute une deuxième écriture, celle de Jennifer, une autre étudiante, tombée par hasard sur "Le bateau de Thésée", et soucieuse de le remettre à son propriétaire.
Les 2 étudiants vont alors joindre leurs efforts dans ce qui ne semble être qu'une aventure intellectuelle, mais ils vont très vite comprendre que le secret de l'identité de Straka est très convoité...
Jennifer et Eric vont vite comprendre l'ampleur de l'histoire de Straka, de l'intensité des mystères qui l'entourent. Ils vont aussi réaliser comment leur recherche va les influencer dans leur histoire à tous les deux...

"S." est une expérience à part entière, et offre une lecture aux multiples dimensions :
1°) l'histoire du "Bateau de Thésée"
2°) la recherche de l'identité et de l'existence de V.M. Straka
3°) l'histoire de Jennifer
4°) l'histoire d'Eric
5°) l'histoire de Jennifer ET Eric

On se retrouve plongé dans un livre très particulier, où les annotations dans les marges et au dos des pages foisonnent, où les personnages s'échangent des indices, des réflexions, des hypothèses, des vérités et des banalités au coeur du "Bateau de Thésée". Entre les pages, il ne faut pas - il ne faut plus! - s'étonner de retrouver une page arrachée à un journal, une carte postale, des lettres, et autres indices sur la vie de Straka, de Jennifer et d'Eric.

C'est une véritable lecture interactive que nous proposent Doug Dorst et Jeffrey Jacob Adams, et qui renvoie au concept philosophique que représente "Le bateau de Thésée", à savoir la question de l'identité et de son évolution. Qui sommes-nous ? Notre identité évolue-t-elle ? Et si oui, cette évolution ne donne-t-elle pas naissance à de nouveaux "Moi" ? Ce concept et ces questions sont tout aussi valables pour la trame du "Bateau de Thésée" de Straka et pour Straka lui-même, mais également pour nos 2 étudiants.

Le lecteur est en permanence renvoyé à différentes histoires qui évoluent parallèlement tout en se faisant constamment écho, au sein du même ouvrage, au rythme des objets rencontrés dans le livre.

Une expérience inédite, oui, mais qui peut présenter des inconvénients :
1°) la multiplication de zones de lecture peut rendre l'effort difficile (texte principal + notes de bas de page + annotations + indices-objets).
2°) la trame temporelle est difficile à suivre. En effet, les 2 étudiants se répondent en différé, et font souvent allusion à d'autre annotations plus loin dans l'ouvrage. Le déclic se produit souvent plus tard, et l'effort d'anticipation est constant. Cela peut donner l'impression de flou et de désordre.

Néanmoins, l'expérience "S." est une aventure à part entière, qu'il ne faut plus seulement lire, mais à laquelle le lecteur est amené à participer, à interagir, à interpréter et à réfléchir.

Attention, ovni !

Bonne lecture !

P.-S. : même si j'ai beaucoup aimé lire cet ouvrage, la note que je donne va au-delà de la qualité de la lecture. Je trouve personnellement que "S." ne saurait se limiter aux mots qui y sont marqués. Comme je l'ai dit, c'est une expérience, et chacun la vivra différemment, peu importe finalement si le livre est "bien" ou "mal" écrit. Voilà pourquoi je désire que ma note exprime la neutralité.

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Se singulariser à tout prix !

5 étoiles

Critique de CC.RIDER (, Inscrit le 31 octobre 2005, 66 ans) - 15 novembre 2014

Dans un port du nord, à une époque indéterminée, débarque un homme aux vêtements dégoulinants d'eau. Il entre dans un cabaret où il découvre des marins occupés à s'enivrer et Sola, une jeune femme assez belle qui lit un livre très tranquillement. Peu après, l'homme qui n'a pas de nom mais qu'on désignera par un « S » est assommé et embarqué de force sur un trois mâts qui vogue vers on ne sait où. « S » tentera d'échapper, se trouvera mêlé à une grande grève sévèrement réprimée par Vévoda, un patron sans pitié ni scrupule. « S » épousera la cause des ouvriers, ce qui l'entrainera dans bien des mésaventures.
Comment caractériser « S », ouvrage étrange s'il en est ? Il est certain que l'auteur a voulu se singulariser et a cherché à tout prix l'originalité autant par le fond que par la forme. Laissons tout de suite de côté l'édition luxueuse avec une foule de documents annexes (totalement inutiles à la compréhension de l'histoire), une présentation style « livre de prêt de bibliothèque de faculté américaine » annoté dans quasiment toutes les marges par Eric, un jeune chargé de cours et Jen, une étudiante en lettres qui se pose bien des questions sur un certain V.M.Straka, auteur aussi imaginaire que l'oeuvre qu'elle étudie. Ces notes et petits dessins sont autant de questions ou de paraphrases sans grand intérêt. Passons au livre lui-même, en fait au livre dans le livre « Le bateau de Thesée », gros pavé de 473 pages d'une lecture lente et laborieuse avec son intrigue tournant en boucle, ses personnages si peu définis qu'ils en deviennent proches des ectoplasmes, ses rebondissements répétitifs de cette trouble, et cette interminable et malsaine lutte entre « S » et Vévoda. Il faut s'armer de constance pour atteindre la fin de cette histoire qui donne l'impression d'une plate démarque de fantastique à la Kafka en trente fois moins inspirée et moins passionnante. A trop vouloir se montrer ambitieux, nébuleux et original, on finit par user la patience du lecteur. Un bouquin qu'il faut tenir bien fermement pour qu'il ne vous tombe pas des mains...

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