1914-1918 Auvergne Limousin de Auteur inconnu

1914-1918 Auvergne Limousin de Auteur inconnu

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire , Sciences humaines et exactes => Divers

Critiqué par JulesRomans, le 5 janvier 2014 (Nantes, Inscrit le 29 juillet 2012, 66 ans)
La note : 9 étoiles
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14/18 L’Auvergne prend garde à la tour de Saint-Amand-les-Eaux et le Limousin prend garde aux châtaignes

L’ouvrage commence par une introduction de Philippe Rousseau qui pose bien le sujet:

« En Auvergne et en Limousin, chaque famille, chaque village, vont être marqués par cette guerre si lointaine, si proche. Les hommes en première ligne, les femmes vont assumer mille tâches et, de fait, accélèreront leur marche vers l’autonomie, l’émancipation ».

Dans sa préface, Jean-Jacques Becker, à qui on doit de nombreux ouvrages sur la Grande Guerre et sur Clemenceau, donne quelles sont à son avis les quatre caractéristiques qui marquent la vie de l’arrière durant la Première Guerre mondiale.

L’ouvrage est composé en chapitres, avec quelques fois une place non pertinente. Ainsi dans la partie "L’avant-guerre", on se demande bien ce que vient faire "La guerre en images de l’as limougeaud" (il s’agit de montrer quelques extraordinaires photographies tirées de dizaines de plaques photographiques de clichés réalisés par le Limougeaud Fernand Malivaud lorsqu’il était au 63e RI) et "Alexandre Varenne, de la censure aux Alliés" ou le texte "Le difficile chemin du retour à le vie civile" dans "Au cœur de la bataille".

Il est par ailleurs extrêmement regrettable que nous n’ayons pas eu un article sur ceux qui tentent d’un côté à la fois de lutter au cas individuel et d’une manière générale pour que les militaires tiennent mieux compte des impératifs juridiques dans la tenue des conseils de guerre et de l’autre de mettre fin à la guerre. Trois figures parlementaires régionales sont manquantes à ce titre, toutes d’ailleurs violemment opposées au sein de la SFIO aux prises de position d’Alexandre Varenne.

C’est en première ligne Pierre Brizon (ami d’enfance de Frantz Brunet auteur du "Dictionnaire du parler bourbonnais et des régions voisines"), député socialiste de l’Allier de 1910 à 1919 qui assiste à Kienthal en Suisse en avril 1916 à une réunion transnationale avec Franz Koritschoner pour l’Autriche, six socialistes allemands, Lénine et Zinoviev et d'autres personnes souhaitant la fin des hostilités. Rappelons que nous avons présenté une biographie de Pierre Brizon par Pierre Roy.

Last not least ce sont Adrien Pressemane, et enfin Sabinus Valière. Le premier est né le 30 janvier 1879 à Limoges, peintre céramiste puis député-maire de Saint-Léonard-de-Noblat,il est de 1915 à 1917 porteur de motions derrière qui se regroupent les minoritaires opposés au sein du parti socialiste à la poursuite de la guerre dans un esprit jusqu’auboutiste.

Le second, né le 21 février 1880 à Limoges, député de Bellac. Ce dernier (et il aurait été bon de le dire) prend en particulier la défense des soldats limousins ou non du 63e RI, impliqués dans l’affaire de Flirey et obtient plus tard en 1934 leur réhabilitation. Ce sont certes les deux maçons, travaillant à Lyon à l’été 1914, originaires l’un de Royère-en-Vassivière et l’autre de Saint-Martin-Château évoqués dans "Deux Creusois fusillés pour l’exemple en 1915" mais aussi comme il ne l’est pas dit Morange né à Champagnac (Haute-Vienne) en 1882 également cotisant à la CGT de Lyon mais en tant qu’employé des tramways et François Fontanaud cultivateur à Montbron en Charente.

Nous ajouterons personnellement que si de tous les départements de l’espace géographique étudié eurent leurs fusillés pour l’exemple, le Cantal n’en compte qu’un (Joseph Pascal né dans le Lot mais couvreur à Saint-Illide, au 14e BCA, matricule 161 au recrutement d’Aurillac) c’est qu’il a le triste privilège de compter un homme Antoine Manat né à Saint-Vincent-de-Salers (soldat au 175e RI, matricule 1965 au recrutement d’Aurillac) exécuté à Vaulmier sommairement à 22 ans par un gendarme alors qu’il est déserteur et revenu dans son département d’origine.

En matière de relative médiatisation pour la dimension régionale, parmi les fusillés pour l’exemple (qui globalement sont une quarantaine Limousin et Auvergne confondus) on a le cas du caporal Joseph Dauphin né à Tauves dans le Puy-de-Dôme exposé dans un article "La dernière chanson de Joseph Dauphin" qui n’a pas été évidemment fusillé pour avoir chanté "J’ai deux grands bœufs dans mon étable", comme en sont persuadés ses descendants. Le contenu de cet article étonne beaucoup par le manque de recul historique qu’il laisse transpirer.

Traitée fort à propos sur une double-page, l’affaire des six fusillés de Vingré fut une de celles qui occupa le plus l’opinion dans l’Entre-deux-guerres. Sur les six fusillés du 298e RI (basé à Roanne), la moitié sont natifs de l’Allier, deux de la Loire et un de l’Eure.

Laisser entendre qu’Edmond Berger, né en 1892 à Montluçon, pourrait être le premier mort pour la France est regrettable même si le titre de l’article le dément. Il aurait été d’ailleurs plus valorisant de dire que d’après les recherches du président des Francs-tireurs lorrains Edmond Berger est mort le 3 août à Brebotte dans le Territoire de Belfort, juste après la déclaration de guerre annoncée à 18h45 et donc le premier mort français tombé après la déclaration de guerre. Rappelons que le 2 août 1914 à 10h07, le caporal Jules-André Peugeot du 44e RI et le lieutenant Albert Mayer (saxon et non alsacien) du Jager-Regiment N°5 sont tués lors d'un échange de coup de feu à Joncherey non loin de Brebotte.

Il va sans dire mais encore mieux en l’écrivant qu’au-delà de ces quelques maladresses ou manques que relèveront essentiellement des érudits en matière de la Grande Guerre, l’ouvrage "1914-1918 Auvergne Limousin" apporte à tous (spécialistes du conflit ou pas) un éclairage global très intéressant et quelques articles-phares qui en apprendront à tous. Parmi les textes qui nous ont enseigné des choses, nous avons relevé celui du monument dédié aux victimes des conseils de guerre, inauguré dans le cimetière de Riom le 11 novembre 1922 par Clémentel alors sénateur-maire de la ville. Sont également remarquables les cinq articles autour soit de la présence militaire des Américains en Auvergne, soit à titre militaire, soit dans les œuvres de guerre.

Insolite et bien développé est l’article autour de prisonniers de langue danoise mais de nationalité allemande, au nombre de 750, présents dans le Cantal. Ils sont sortis des camps de prisonniers à l’initiative du linguiste Paul Verrier. Ajoutons personnellement que Paul Verrier, professeur de littérature scandinave à la Sorbonne, et fin connaisseur de la géographie du Schleswig (Slesvig), milite pour le retour de cette région (propriété personnelle des rois de Danemark jusqu’en 1866) sous l’autorité de Copenhague en tant qu’un des experts préparant le traité de Versailles.Voilà le seul pays neutre durant le conflit qui reçoit un territoire pris aux vaincus.

Dans l’accident de chemin de fer le plus meurtrier sur le sol français, à savoir près de 700 victimes (sur le coup ou de leurs blessures), on comptait 53 Limousins et 14 Auvergnats. Le taux très important des habitants de ces deux régions permet de le remettre en lumière. Il s’agissait d’un train ramenant du front italien 1 200 poilus français. La crainte de marques d’exaspération de la part des soldats fait que la seconde motrice n’est pas accrochée car cela aurait entraîné un retard de quelques heures. Dans un fort dénivelé les freins ne répondent plus, le déraillement se produit près de Saint-Jean-de-Maurienne le 12 décembre 1917.

L’opinion sur la Grande Guerre de l’avant-dernier poilu resté en vie Louis de Cazenave, ancien cheminot est très intéressante, la contextualiser aurait été utile en nous disant qu’il revient de sensibilité libertaire de la Grande Guerre et qu’en 1941, il est révoqué des chemins de fer, par un régime de Vichy qu'il ne goûte guère. Enfin dans deux domaines très différents, on appréciera vraisemblablement de voir traiter d’un côté la participation des pneumatiques Bergougnan et Torttilhon et de l’autre l’investissement de Michelin dans l’aviation, même si on aurait préféré un seul article qui nous expliqua entre autre pourquoi dans les Années folles les deux premières coulent au grand profit de la troisième entreprise.

On attendait un article sur la Manufacture d’armes de Tulle et l’importance du travail des femmes ainsi que sa reconnaissance financière à l’égal de celle des hommes est un des angles d’attaque, un des autres points fort amusant est le fait qu‘un nombre important de jeunes bourgeois aspire à devenir ouvrier (pour échapper au front).

Un autre article fort inattendu est d’apprendre que des hydravions sont construits pour la marine française à partir des plans très innovants de François Denhaut né à Champagnat et mort à Bellegarde-en-Marche dans la Creuse. Par ailleurs un texte nous rappelle que le jouet allemand dominait le marché français avant 1914, faute d’importations la manufacture Lanternier va alors créer des poupées dites "Lorraine" en porcelaine et elle poursuivra sa production pendant plus d’un demi-siècle.

On notera, à la page 231 de l’ouvrage "Sentinelles de Pierre : les monuments aux morts de la guerre 1914-1918 dans la Nièvre" d’Hervé Moisan, que le monument dans la cour d’honneur de la caserne Pittié à Nevers dédié aux morts de trois régiments porte l’épitaphe "Bourbonnais sans tâche" qui rappelle à la fois que la plupart des villages de la Nièvre faisaient partie de la généralité de Moulins et que les 13e et 213e RI (le second étant la réserve de l’autre) et le 64e régiment territorial d’infanterie pouvait comprendre quelques habitants de l’Allier. Toutefois ils ne pouvaient y être que très minoritaires, les garnisons de la Nièvre dépendant de la VIIIe armée et celle de l’Allier de la XIIIe armée.

Rappelons que "La tour, prends garde !" est une chanson du folklore mettant en scène le connétable de Bourbon et que la famille La Tour d’Auvergne a donné plusieurs militaires à la France. Ceci pour expliquer notre titre.

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