L'étrange défaite de Marc Bloch
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Essais
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Vision et lucidité
En 1940, quelques semaines après que la France ait été précipitée dans la défaite, Marc Bloch prend la plume pour rédiger un témoignage sur la débâcle, qui prendra le nom de "l'étrange défaite".
Modeste capitaine dans l'armée française, par ailleurs ancien combattant de 1914-1918, professeur d'histoire et intellectuel brillant, Marc Bloch décrit les dysfonctionnements qu'il a pu observer et mobilise ses connaissances historiques, sociologiques, militaires pour analyser et expliquer les raisons de cette défaite.
Tandis que Vichy répète que la défaite est due à l'infériorité numérique de la France en armes ('trop peu d'hommes" dit Pétain dans son discours du 17 juin 1940) et à l'esprit supposé permissif du Front populaire, Marc Bloch, plus proche de l'analyse gaullienne, identifie les vraies causes militaires de la défaite :
- l'incapacité à prendre en compte la vitesse des mouvements de troupe, de la circulation des renseignements, des blindés et de l'aviation allemands.
- une conception ancienne de la guerre, reposant, à l'instar de la première guerre mondiale, sur une stratégie de "position" s'appuyant sur une utilisation figée et immobile des blindés et de l'artillerie.
- une mauvaise utilisation de l'aviation et une mauvaise gestion du renseignement.
- l'avancement des officiers à l'ancienneté plutôt qu'au mérite, qui a promu aux plus hauts postes des militaires aux conceptions passéistes de la guerre.
- des failles dans le fonctionnement interne de l'administration militaire.
- une très mauvaise coordination avec les troupes britanniques.
- le défaitisme des chefs.
La mise en évidence par Marc Bloch des causes militaires du désastre, aujourd'hui unanimement reconnues par les historiens, réhabilite les soldats français de 1940 dont le mérite à s'être battus était d'autant plus grand que le haut état-major n'avait pas rassemblé les conditions militaires qui auraient permis d'envisager une réaction efficace à l'offensive allemande.
Par ailleurs, Marc Bloch, identifie aussi les causes "sociologiques" de la défaite :
- l'extrême division de la société française.
- le comportement de caste des classes supérieures.
- l'absence de renouvellement des élites politiques, militaires et intellectuelles du pays.
- le corporatisme et les stratégies autocentrées des corps sociaux : partis, syndicats, classes sociales...
Le livre présente par ailleurs des annexes dans lesquelles Marc Bloch plaide en faveur d'une régulation du marché mondial des denrées alimentaires et d'une refonte profonde du système éducatif français.
Au total, Marc Bloch porte donc un regard très lucide sur la société et les institutions (intellectuelles, politiques, militaires...) de la France des années 1930 et 1940. Ce regard n'a rien perdu de sa pertinence, et n'est pas dénué d'intérêt pour comprendre les difficultés de la France des années 2010...
Marc Bloch, exécuté par la Gestapo, atteste par cet écrit de son statut de grand intellectuel français du XXème siècle.
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Les éditions
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L'Etrange défaite [Texte imprimé], témoignage écrit en 1940 Marc Bloch préf. de Stanley Hoffmann
de Bloch, Marc Hoffmann, Stanley (Préfacier)
Gallimard / Collection Folio. Histoire
ISBN : 9782070325696 ; 12,30 € ; 01/01/1990 ; 326 p. ; Poche
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Lucidité et courage
Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 85 ans) - 23 décembre 2021
p.172 "...ces oeillères, cet engoncement administratif, ces rivalités de personnes, ce manque de souffle enfin,..., expliquent le mol affaissement des syndicats"
p.173 "...je n'aperçois point davantage que l'internationalisme de l'esprit ou de la classe soit irréconciliable avec le culte de la patrie."
p.174 "Mais ils omettent de distinguer entre la guerre qu'on décide volontairement de faire et celle qui vous est imposée, entre le meurtre et la légitime défense."
p.176 "...trop pris l'habitude de nous contenter de connaissances incomplètes et d'idées insuffisamment lucides?"
p.181 "...toute une littérature de renoncement....stigmatisait l'"américanisme". Elle dénonçait les dangers de la machine et du progrès."
p.182 "Ne fût-ce qu'afin de préserver, dans notre vieux patrimoine, ce qui peut et doit l'être, il nous faut l'adapter aux nécessités d'une ère nouvelle."
p.184 "Car une vieille tradition nous porte à aimer l'intelligence pour l'intelligence,...., et à les mettre à part de la pratique."
p.189 "Notre vieille machinerie de partis exhalait un parfum moisi de petit café ou d'obscurs bureaux d'affaires."
p. 194 "Le malheur de la patrie commence quand la légitimité de ces heurts n'est pas comprise."
Évidemment ces citations n'ont pour but que de faire lire le contexte où elles se développent. Comme il est important de lire également les contributions, incluses dans l'ouvrage, de Stanley Hoffmann et de Georges Altman (Chabot dans la Résistance).
Exemplaire lucidité
Critique de Fabert (, Inscrit le 10 octobre 2015, 71 ans) - 20 juillet 2017
Ce qui est intéressant dans ce document c'est qu'il fut écrit par un combattant des deux guerres, homme d'action qui sera fusillé en 1944 en raison de son appartenance à la Résistance.
C'est un témoignage de valeur par un homme courageux.
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