1808 Les mogettes sont cuites pour Napoléon, 1815 Les carottes sont cuites pour l'Empereur

La ville de La Roche-sur-Yon a la particularité d’avoir changé en deux siècles une demi-douzaine de fois de nom ; outre sa forme d’origine La Roche (-sur-Yon), citons deux appellations caractéristiques Napoléon-sur-Yon (1804 à 1814), Bourbon-Vendée (1814 à 1848). Elle aurait aussi comme caractéristique d’être la première ville nouvelle, bien que le phénomène des bastides médiévales dans le Sud-Ouest puisse être considéré comme relevant du mouvement des villes nouvelles.

En 1789 la République divise l’essentiel du Poitou en trois départements, d’est en ouest ; ce sont la Vienne (chef-lieu Poitiers), les Deux-Sèvres (chef-lieu Niort) et la Vendée (chef-lieu Fontenay-le-Comte). En 1793 certaines régions au sud de la Loire se révoltent, ce mouvement prend le nom d’insurrection vendéenne. Toutefois la région de la Vendée militaire couvre le nord de la Vendée et des Deux-Sèvres et le sud de la Loire-Atlantique et du Maine-et-Loire. Au nord du principal fleuve français on parle de chouannerie.

L’ouvrage démarre avec deux larges vignettes mettant en scène des affrontements entre soldats républicains et paysans vendéens ainsi que la dévastation qui s’en suit. Ensuite nous suivons le processus de pensée du premier consul puis empereur des Français qui débouche sur la création d’une agglomération ayant vocation par sa place centrale (au sein du département de Vendée) de devenir la préfecture.

L’idée intéressante est de suivre l’évolution de la cité à travers la vie au sein de celle-ci d’un cordonnier piémontais Jacques-Philippe Gozola qui, arrivé en tant que soldat d’un régiment de sa région, alors partie prenante de l’Empire français avec en particulier le département de Marengo dont il est originaire. Il est stationné là depuis 1804 quand il décide d’acheter une maison en 1808 avant de quitter Napoléon-sur-Yon peu après. Toutefois après une très grève campagne en Espagne, il démissionne de l’armée. Il va passer d’artisan à manufacturier et décède en 1839. On poursuit le récit en montrant très habilement comme l’évolution de la ville (canalisation, arrivée du chemin de fer) influence le développement de l’entreprise aux mains des descendants de Jacques-Philippe Gozola.

Ce premier tome, vraisemblablement d’une série de deux, se clôt avec l’avènement en 1871 de la Troisième république. On doit certainement remercier l’archiviste municipal d’avoir soufflé l’idée principale au scénariste. Alors que nombre de villes avaient fait appel pour des albums racontant leur histoire à de sombres inconnus dans le monde de la BD, on notera ici la présence au scénario de Jean-Blaise Djian (ayant derrière lui près de 50 albums). Ceci nous vaut un discours plus proche de la BD historique de fiction que de l’ouvrage pédagogique, ce qui constitue une incontestable point positif.

Si le dessinateur est moins connu, il n’en a pas moins une bonne dizaine d'albums au compteur (dont un pour la série "Pandora Box") et il a l’avantage d’être natif, comme Benjamin Rabier, de La Roche-sur-Yon. La mise en page se renouvelle constamment en faisant varier la taille et le nombre des vignettes, les couleurs alternent le lumineux de la vie quotidienne avec le sombre des moments plus historiques, le décor est moyennement fouillé (ce qui évite une dispersion de l’attention) et les traits des personnages relèvent d’un style caricatural à dimension esthétique.

En plus des lecteurs attachés à connaître l’histoire récente du département de la Vendée, cet album devrait intéresser ceux qui, fan de la légende napoléonienne, découvriront une œuvre de dimension urbanistique à l’initiative du Premier empereur. Son neveu Napoléon III n'est pas oublié car l’arrivée du train se fait sous son règne, peu après l’érection en 1854 de la statue de Napoléon Ier sur une grande place de la ville.

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  Et Napoléon créa... La Roche-sur-Yon T.1

  de Djian, Jean-Blaise Damour, (Illustrateur)
  Vagabondages EDITIONS
  ISBN : 9782918143185 ; 8,50 € ; 28/11/2013 ; 32 p. ; Cartonné

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