Monstre : L'intégrale de Enki Bilal
Catégorie(s) : Bande dessinée => Sci-fi & fantastique
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Surcharge narrative et graphique
La planète Terre, dans un futur proche. Nike Hatzfeld, grâce à sa mémoire phénoménale, cherche à remonter jusqu’au jour de sa naissance, qui eut lieu quelque trente ans auparavant, en août 1993, en pleine guerre de Yougoslavie. C’est dans un hôpital bombardé qu’il naquit, tout à fait par hasard, aux côté d’Amir et Leyla. Un événement qui fera office de pacte fraternel entre les trois personnages pour leur vie future dans un monde déshumanisé et plein de menaces…
Je dois avoir un léger problème avec Bilal. Je reconnais son talent, qui n’est plus à démontrer, sa capacité à se remettre en cause et l’évolution de son trait au fil de ses albums, qui de plus en plus s’apparente à de la peinture. Dans ce Sommeil du monstre, qui suit la trilogie Nikopol dont l’univers SF cyberpunk est très similaire, le changement, déjà perceptible dans Froid Equateur, est notable. Au-delà de la comparaison, j’ai été généralement beaucoup moins captivé, même si indéniablement Enki Bilal fait preuve dans cette quadrilogie d’une créativité hors normes.
Cyberpunk oblige, l’univers futuriste dépeint par l’auteur se veut sombre. Graphiquement parlant, le style reflète cet état d’esprit, avec un trait sale et des couleurs globalement froides et sépulcrales, à l’exception peut-être du rouge indiquant que mort et violence ne sont jamais bien loin. Les cases sont traversées de traînées filandreuses et maladives. Déshumanisé, moribond et menaçant, ce monde est saturé par l’hyper-urbanisation (je n’ai vu aucun arbre) et une haute technologie où prolifèrent clones, mini-clones, insectes-robots, micro-récepteurs et autres nano-implants, autant de « little brothers » d’un pouvoir invisible et omniprésent où ne subsistent que les reliques des anciennes démocraties, difficiles à maintenir face à des groupuscules terroristes fondamentalistes et barbares. Et dans un tel monde, personne n’est vraiment à l’abri d’une manipulation génétique à son insu…
Le scénario, lui, est assez alambiqué, avec moult circonvolutions qui ne fluidifient pas la lecture, même si Bilal réussit à ne jamais nous faire perdre le fil totalement, jouant beaucoup sur la fascination que peut exercer son dessin à la fois unique et tourmenté. Car c’est une vision assez pessimiste que nous offre Bilal, lucide sans doute mais plombante, malgré quelques velléités humoristico-loufoques qui tombent un peu à plat. On y retrouve ses obsessions habituelles (terrorisme, fanatisme religieux, écologie, déshumanisation de la société, mutations génétiques, incursion croissante des robots dans tous les domaines, etc.) et beaucoup de références au passé tragique de sa Yougoslavie natale. Le problème, c’est qu’à vouloir faire passer tant de messages, la surcharge est vite atteinte, tant dans les textes (en particulier dans le tome 2) que dans le dessin, parfois saturé d’informations difficilement déchiffrables. Quant aux personnages, ils apparaissent assez froids (était-ce voulu ?), leurs souffrances et leurs états d’âme ayant peiné à me toucher. Au final, tout cela finit par instiller le malaise, et cette série marque davantage par son atmosphère malsaine que par l’histoire, dont j’ai déjà oublié la conclusion, diluée dans un trop-plein narratif.
La série plaira sans doute aux inconditionnels de Bilal, mais risque de rebuter les autres. Pour ma part, je reste très mitigé, en particulier en ce qui concerne le plaisir de lecture qui s’est effiloché au fil des tomes. Si ma note atteint les 3,5 étoiles, c'est principalement en raison du dessin.
Les éditions
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Monstre [Texte imprimé], l'intégrale Enki Bilal
de Bilal, Enki
Casterman
ISBN : 9782203010475 ; 54,95 € ; 15/11/2007 ; 271 p. ; Album
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