Amerika de Robert Crumb

Amerika de Robert Crumb

Catégorie(s) : Bande dessinée => Comics

Critiqué par Antihuman, le 31 août 2013 (Paris, Inscrit le 5 octobre 2011, 41 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (23 251ème position).
Visites : 4 211 

Irrévérencieux

Hilarant et très caustique, un concentré de comic underground fondamental à posséder absolument.

Amerika est un album culte qui nous laissera tous sans voix (on adorera entre autre le chapitre ou est évoquée la chanson des Stones "Jumpin Jack' Flash", et surtout ces rock-idols et messies médiatiques en général surpayés, sinon plutôt surestimés) il faut lire aussi, d'ailleurs, les strips écrits à l'époque par Crumb sous LSD.

Donc une vraie perle rare qui ne fait pas que croquer l'Amérique, si ce n'était à faire remarquer pour ces âmes simples...


[*attention ce comic n'est pas tout-public et ne plaira pas à tout le monde - que les scrogneugneus et les pères-la-pudeur sans éloignent de préf.]


Un plus...

Ce volume de la grande anthologie que nous consacrons à Robert Crumb met en avant la veine pamphlétaire de ce dernier.
Le constat lucide et acerbe qu'il dresse de son pays vaut pour tout l'Occident, tant nos modes de vie semblent s'être calqués sur le rêve américain. La soif de destruction, la folie consumériste, la volonté de puissance, les réflexes racistes et communautaristes, tous les instincts primaires qui animent l'homme moderne sont ici taillés en pièces.
Un livre noir, à la rage salvatrice, qui redonne un peu de colère à l'heure où semble s'installer la résignation.

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Explosif - à manier avec précaution

7 étoiles

Critique de Blue Boy (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans) - 29 août 2014

De Crumb, je ne connaissais que quelques planches piochées au hasard en librairie ou ailleurs, ainsi que le côté subversif du personnage, extravagant et éternel râleur, et sa passion pour les filles pulpeuses à gros mollets. Décidé à combler ce manque à ma culture générale, j’ai choisi cet album dont le titre résume bien l’état esprit, avec ce K explicite à la place du C du mot « America ». J’ignore si c’était le meilleur choix, mais il est sûr que ce mec a un vrai talent pour aborder la politique et les sujets « sérieux » en utilisant tous les codes ludiques des cartoons américains, en plus trash - dessin caoutchouteux, personnages à gros nez et sens du burlesque – qui viennent ainsi contrebalancer l’aspérité et la véhémence du propos. Du moins pour la première période allant jusqu’au début des années 80, car à la fin de la même décennie, le dessin noir et blanc semble avoir pris imperceptiblement une tournure plus réaliste, plus sombre (avec plus de hachures dans le trait), car en effet, la colère et la désillusion n’’ont pas faibli avec le temps chez ce rebelle pour qui le rêve américain a tourné au cauchemar.

Assurément, Robert Crumb est un écorché vif plein de lucidité, et comme souvent chez ce type de personnes, il a un côté attachant. Et forcément, le public français l’adore, comme tous les « ennemis de l’intérieur » contempteurs de l’Amérique capitaliste, et il le lui rend bien puisqu’il a décidé de fuir son pays pour le sud de la France en 1991. Mais cela ne tient pas qu’à cela, car celui qui se présentait, non sans ironie, comme le « dessinateur underground le plus aimé d’Amérique » se met souvent en scène dans ses sketchs, avec des mises en perspective, n’hésitant pas à se « mettre à poil » en s’autodénigrant, lui, le looser, le « vieux réac » ronchon, face aux beaux gosses WASP à la mâchoire carrée et aux dents étincelantes. C’est assez courageux de sa part et le rend extrêmement humain, le père Crumb, à tel point qu’on aurait envie de lui payer un canon si par hasard on venait à le croiser.

Pourtant, quelque chose m’a vraiment gêné dans cet exercice de US bashing. Deux histoires en particulier, « When the Niggers Take Over America » et « When the Goddamn Jews Take Over America », pour lesquelles je vous passe la traduction. Crumb joue les oiseaux de mauvais augure, prédisant un avenir terrifiant pour l’Amérique, imaginant une prise de pouvoir des plus barbares par les Noirs, et ne se révèle guère plus amène avec les Juifs, en utilisant les pires clichés rednecks. L’éditeur a beau expliquer en annexe que « Crumb tape là où ça fait mal, et parie sans le dire sur une réaction de rire et de rejet de l’abjection », le fait de savoir qu’un groupuscule néonazi américain l’ait pris pour argent comptant est extrêmement dérangeant. C’est bien ça, le problème avec les écorchés vifs. Pensant qu’ils sont incompris, ils n’hésitent pas à pousser le bouchon très loin, dans une démarche quasi suicidaire. Le « vieux crouton râleur » ne se sent même plus tenu de se justifier, comptant sur l’intelligence de ses lecteurs, délivrant cette chose déplaisante qu’on suppose motivée par une colère froide, comme s’il était aux commandes d’un bombardier atomique. Encore heureux que l’éditeur soit intervenu pour relativiser le propos.

Crumb a peut-être juste oublié qu’on pouvait rire de tout, mais pas avec n’importe qui. Je peux lui pardonner cet écart mais cela affaiblit mon appréciation de ce recueil, même si incontestablement, cela a valeur de document.

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