Dracula de Matei Cazacu

Dracula de Matei Cazacu

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Numanuma, le 16 juin 2013 (Tours, Inscrit le 21 mars 2005, 51 ans)
La note : 6 étoiles
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Valachie de profite jamais

Question de génération sûrement, quand on évoque un vampire, le visage qui me vient spontanément à l’esprit est celui de Christopher Lee, voire de Gary Oldman, pas celui de Robert Pattinson. Je n’ai rien contre ce jeune homme mais il est difficile de lutter contre la présence magnétique de Lee. En ce qui me concerne, il sera toujours l’incarnation de Dracula tout comme Sean Connery sera celle de James Bond.
Pour les historiens, c’est peut-être un autre visage qui apparaît. Celui qui est en couverture de ce livre, pourquoi pas. Mais eux doivent faire un effort d’imagination plus grand car des portraits de Dracula, ça ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval.
Cette réalité illustre les difficultés que l’historien trouve sur son chemin lorsqu’il se met en quête du Dracula historique. Ce volume rédigé par un spécialiste, Matei Cazacu, part sur les traces historiques de l’Empaleur mais jette également un œil curieux et avisé sur son alter ego littéraire.
Le problème principal est le manque de sources fiables. Bien sûr, il existe des textes, des mentions mais, le plus souvent, ces sources sont à charge car elles émanent de pays en lutte avec la Valachie ou, plus largement, avec la Hongrie dont la Valachie est vassale. Ou encore en lutte avec les Turcs. La Valachie est tributaire de la Porte d’Or et Dracula est considéré à la fois comme un grand ennemi et un allié des turcs. De plus, il n’existe, à ce jour, aucun document de la main de Dracula. Ainsi est-il un tyran pour l’Autriche, un modèle de justice pour les russes, un héros national pour la Roumanie.
Il est ardu de faire la part des choses mais certains éléments, dus à des analyses poussées, à des théories, permettent de regarder certaines informations comme sûres.
On sait que Vlad Dracula, l’Empaleur, fils de Vlad Dracul, est un prince de Valachie, partie méridionale de la Roumanie peu peuplée mais riche et ne possédant aucun château fort, paré du titre de gouverneur qui a régné en plusieurs fois : en 1448, puis de 1456 à 1462 et enfin en 1476. Il fut otage chez les ottomans entre 1444 et 1448 avec son frère Radu. C’est durant ce séjour forcé qu’il découvre les coutumes royales des turcs et apprend leur langue. On sait qu’il utilisera à son compte plusieurs coutumes apprises là-bas.
La Valachie est écartelée entre son statut de vassal envers la Hongrie et son statut de tributaire de la Turquie. Il s’accordera et s’opposera aux deux, faisant une sorte de realpolitik avant l’heure mais c’est des mains des hongrois qu’il meurt
Curieusement, en Roumanie, il disparait des livres d’histoire dès la seconde moitié du XVI° et ne réapparaît qu’en 1804.
Ce n’est donc pas le personnage historique réel qui retient l’attention mais le personnage de légende, celui de l’Empaleur.
C’est sur cette réputation de tueur sanguinaire dînant au pied d’une forêt de pals sur lesquels agonisent des dizaines d’innocents que s’est créée cette légende noire basée, probablement, sur des faits réels mais amplifiés par une propagande ennemie. Les pamphlets sur son compte sont donnés en annexes de l’ouvrage.
On peut penser que le supplice du pal a bien été utilisé par Dracula car une étude a montré que cette sentence faisait partie de l’arsenal répressif légal utilisé à l’époque dans divers pays de la chrétienté. Il est même fort probable qu’un massacre, au moins, de grande ampleur, a été ordonné par Dracula mais rien de permet d’affirmer qu’il se délectait de la chose au point de prendre son repas en contemplant des condamnés.
Le personnage littéraire est finalement celui que nous connaissons le mieux mais cet ouvrage met en avant des sources de Bram Stoker que je ne connaissais pas comme Marie et Henri Nizet, frère et sœur, dont les œuvres littéraires antérieures à celles de Stocker mettent déjà en scène un suceur de sang et certaines caractéristiques se retrouveront dans le roman Dracula. Même si cette partie du livre est la plus courte, c’est la plus intéressante pour les amateurs de littérature.
Dans l’ensemble, la lecture de ce livre est un peu frustrante en ce sens que la pénurie de source ne permet pas de lever les doutes. Comme je l’ai dit plus haut, même l’aspect physique de Dracula est sujet à caution puisque les portraits qui en sont fait tentent de mettre en avant l’aspect supposé cruel de sa personnalité ou ne correspondent pas aux rares descriptions écrites existantes. De plus, les digressions sont nécessaires mais très nombreuses puisqu’à défaut de pouvoir cerner avec certitude son sujet, l’auteur se base sur ce qu’il sait sûr de l’histoire de la Roumanie pour expliquer les raisons qu’il a de croire telle ou telle source. Cela a l’avantage d’offrir un panorama assez large de l’époque et du contexte mais le flot d’informations peut noyer le lecteur, d’autant plus que les sources sont citées dans le corps du texte, ce qui offre un confort de lecture plus grand que le renvoi à des notes en fin de volume mais nuit à la fluidité du propos.

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Les éditions

  • Dracula [Texte imprimé] Matei Cazacu
    de Cazacu, Matei
    Tallandier / Texto (Paris. 2007)
    ISBN : 9782847348019 ; 11,00 € ; 03/06/2011 ; 500 p. ; Broché
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