La steppe de Tchekhov

La steppe de Tchekhov
(Степь. Исто́рия одно́й пое́здки)

Catégorie(s) : Littérature => Russe

Critiqué par Saule, le 18 mars 2003 (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 8 avis)
Cote pondérée : 8 étoiles (263ème position).
Visites : 11 595  (depuis Novembre 2007)

Voyage...

La Steppe est une longue nouvelle écrite par Tchekhov à l'age de 28 ans. Ce texte va confirmer Tchekhov comme grand écrivain, à l'instar de ses illustres prédécesseurs qui avaient écrit sur ce sujet: Tolstoï et surtout Gogol.

Peu ou pas d'histoire: il s'agit d'un enfant de neuf ans qui traverse la steppe pour se rendre à la ville où il fera ses études. Il est confié à des caravaniers, couché la plus grande partie du temps au sommet d'un chariot de foin, il lutte contre l'ennui du voyage pendant que le convoi traverse ces contrées immenses accablées de chaleur et d'ennui.

Une impression d'immense solitude et d'ennui: et pourtant on est fasciné par ce décor. Il ne se passe pas grand chose dans ce récit mais on est captivé. Il y a la rencontre de quelques personnages savoureusement russes (on pense parfois au Pèlerin Russe et à Dostoïevski), un orage violent, une baignade dans la rivière mais le principal c'est la steppe, infinie.

Rare sont les lectures qui procurent un tel dépaysement et bonheur: notre imagination vagabonde dans cette immense plaine avec Iégorouchka, le petit garçon de neuf ans qui quitte son village pour la première fois. Un petit extrait, presque au hasard car tout le texte est d'une grande beauté.

"Comme il fait lourd et triste ! La calèche se hâte, et Iégorouchka voit toujours la même chose: le ciel, la plaine, les collines,... Dans l'herbe, la musique s'est calmée. Les pluviers sont partis, on ne voit plus les perdreaux. Faute d'occupation, les freux tournoient au-dessus de l'herbe fanée, ils se ressemblent tous et ils rendent la steppe encore plus uniforme. Un milan vole en rase-mottes, battant harmonieusement des ailes, et s'arrête soudain en l'air, comme pour réfléchir à l'ennui de vivre, puis il les secoue et file au-dessus de la steppe comme une flèche, sans qu'on sache pourquoi il vole ni ce qu'il veut. Au loin, le moulin, avec ses ailes, gesticule..."

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ressenti commun à l'humanité

8 étoiles

Critique de Auderset (, Inscrit le 26 avril 2014, 56 ans) - 7 juillet 2014

Les sentiments et l’ambiance de vie des personnages ainsi que des paysages sont décrits avec justesse. Tchékhov sait si bien retranscrire son ressenti personnel, qu’il a su rejoindre celles de tout un chacun. Je ne connais quasi rien de la Russie d’alors et pourtant, j’ai tout du long de ce livre l’impression de l’avoir déjà vécu.

Une pure merveille!

10 étoiles

Critique de Kian996 (, Inscrit le 30 juin 2012, 28 ans) - 19 août 2012

Ce roman de Tchekhov est une révélation pour moi! L'histoire de Iegor qui traverse la steppe avec son oncle et le Père Christophe est sublimement décrite dans un décor immense et envoûtant. Cette belle aventure symbolise la Russie et son peuple: Les paysans avec qui Iegor voyage sont très bien décrits. Tchekhov connaissait bien l'âme des hommes étant médecin ce qui nous livre est magique et ce petit livre restera gravé dans ma mémoire. Ce que l'on pourrait reprocher est que les sentiments de Iegor ne sont pas tout le temps décrits ce qui laisse au lecteur de les deviner. En effet comme le disent les autres critiques tout est laissé en suspens et c'est cela qui est beau chez cet auteur.
Un livre à dévorer et qui donne envie de découvrir les autres grands romans russes du XIX siècle. A lire si cela n'est pas déjà fait!

L'âme de la Russie

10 étoiles

Critique de Stavroguine (Paris, Inscrit le 4 avril 2008, 40 ans) - 7 mars 2011

La steppe est vide et immense, et il ne s’y passe rien. Ni intrigue, ni crime, ni passion, ici ; juste une immense étendue de terre parcourue par un convoi de caravaniers avec à son bord le petit Iegorouchka, neuf ans, qui, pour la première fois, quitte sa maman et son village pour s’en aller étudier. D’abord juché sur le chariot de son oncle, un riche homme d’affaire qui l’escorte dans un premier temps à travers la steppe, Iegorouchka fera le reste du trajet du haut d’un wagon de la caravane de nomades aux soins desquels il est confié à mi-parcours. Tout le long du trajet, le paysage défile, vaste, monotone, ennuyeux, et seuls quelques événements tout juste anecdotiques – une baignade, une rencontre, un orage – rompent, l’espace d’un instant, la lassitude qui accompagne Iegorouchka comme le lecteur.

Tout cela paraît extrêmement négatif et pourtant, la magie opère et rarement lecteur aura aussi bien fait corps avec les personnages du récit pour arpenter, lui aussi et avec eux, l’immense lande russe. C’est que La Steppe de Tchekov, bien plus encore qu’un roman initiatique, se positionne à la croisée du poème et du tableau. Pour un peu, ce pourrait presque être un de ces road movies beatniks, voire même – pourquoi pas ? – une fable écolo. Mais quelle que soit cette œuvre littéraire dont la forme elle-même reste à déterminer (longue nouvelle ? court roman ?), elle parvient comme nulle autre à capturer le lecteur, littéralement transporté, et qui se retrouve dépaysé au plus haut point quand, ne parvenant plus à décoller les yeux du texte, il contemple lui-même cette steppe merveilleuse et rencontre à son tour ces personnages truculents qui défilent avec une réalité presque palpable, des caractères russes à n’en pas douter, mais des gens qui, avant toute chose, semblent vrais.

C’est d’ailleurs peut-être à cela que tient le texte, à cette capacité de Tchekov de nous faire croire à la réalité de ce qu’il nous décrit. Et pourtant, qui pourrait croire que la steppe russe puisse réellement être si merveilleuse et, pour ainsi dire, magique ? Qui pourrait croire que les paysans qui l’arpentent jour après jour, avec leur pieds abimés et leur jargon, ne sont pas qu’une bande de rustauds ? Sans doute, nous serions déçus et peut-être las si nous y étions réellement, dans cette steppe infinie. Et comment ne pas l’être quand Tchekov nous la décrit d’une telle manière ? Comment accepter de se contenter d’une réalité qui ne saurait manquer d’être inférieure à ce que la grâce d’un auteur a su rendre si beau ? On a beau le savoir, on mord quand même à l’hameçon : la steppe russe, c’est celle de Tchekov et pas une autre, et c’est elle qu’on rêve, la dernière page tournée, d’aller découvrir en train ou en partageant la yourte d’un nomade. Mais en attendant ce moment, demeure Tchekov qui, grâce à sa prose, nous fait découvrir cette terre immense si intimement liée à l'âme russe.

Merveilleuse histoire !!!

10 étoiles

Critique de JEANLEBLEU (Orange, Inscrit le 6 mars 2005, 56 ans) - 1 juin 2008

Ce court roman (ou cette longue nouvelle !) est un moment magique de lecture.
Tout le style de Tchekhov est dans ce texte magnifique : une concision extraordinaire, des personnages crédibles et très humains, une description poétique et sensible de la nature, un humanisme fraternel, ...
Comme toujours avec l'auteur rien n'est expliqué, indiqué ou imposé ; tout est seulement suggéré. C'est au lecteur de trouver sa (ou ses) propre(s) morale(s) ou conclusion(s) au récit. En effet, Tchékhov pensait que le rôle de l'artiste était de poser des questions et non d'y répondre.
Ce récit est une épopée au sens propre (c'est une aventure au yeux d'un enfant) et au sens figuré (passage de l'enfance à l'adolescence).

A lire "comme un gourmet mange les bécasses"

10 étoiles

Critique de Allegra (Huy, Inscrite le 4 décembre 2006, 52 ans) - 16 mars 2007

C’est l’histoire d’un « début » dans la vie. Un petit garçon de 9 ans, Iégorouchka, quitte sa mère et son village pour aller étudier à la ville. Il traverse la steppe russe d’abord en compagnie de son oncle Kouzmitchov et du père Khristofor, ensuite en compagnies de charretiers.

Autour d’eux, la steppe ! A la fois vide et remplie, rassurante et effrayante, identique et changeante,…. Tchekhov la décrit avec les mots, les images, la poésie d’un homme amoureux.

Sur la route, il y a aussi les rencontres… les unes merveilleuses, les autres effrayantes, certaines comiques, d’autres… lourdes de menaces…

L’écriture est superbe. Les phrases sont souples, amples, elles « coulent ». Le vocabulaire est précis, recherché.

Certaines idées et sentiments accompagnent Iégorouchka dans son périple : la solitude (bien qu’accompagné, Iégor est « seul), l’ennui (malgré les péripéties du voyage), la mort (thème qui revient au détour du cimetière, dans les conversations, les histoires des caravaniers, les croix funéraires perdues au cœur de la steppe), l’argent (qui rend froid, pousse au meurtre). Il y a une grosse opposition entre les personnages de l’oncle (matérialiste) et du père Khristofor (tourné vers le côté spirituel de la vie) ; ces deux visions s’opposent au fil du récit.

J’aurais aimé que le cheminement intérieur de Iégorouchka soit plus développé…. Tchekhov ne dit pratiquement rien de ses pensées…

Le magazine « Lire » a classé ce livre parmi les dix meilleurs romans "russes" de tous les temps.

Des bécasses pour tous !

10 étoiles

Critique de Léonce_laplanche (Périgueux, Inscrit le 22 octobre 2004, 88 ans) - 23 novembre 2004

Anton Tchekhov 1860- 1904.
Un jeune garçon de neuf ans quitte sa mère pour aller au lycée. Entre la petite ville de son enfance et la grande ville du futur, il faut traverser la steppe.
La steppe russe, la plaine immense avec son soleil brûlant, ses orages, ses ombres, ses nuits froides, des oiseaux aussi, des rongeurs, des insectes, et puis les kourganes, tellement inquiétants quand vient le crépuscule ! La steppe c’est le contraire du vide, il y a aussi des paysans, et des bergers à demi nomades, des cavaliers qui paraissent et disparaissent, et aussi des marchands, en convoi sur la grand-route, aussi vaste que la plaine. Des gens venus on ne sait d'où, et avec eux des contes effrayants.
Voici une histoire de voyage au sens le plus élargi, et Tchekhov, alors âgé de 28 ans espérait qu'on lise son récit "comme un gourmet mange les bécasses"
Petit livre magnifique qui nous offre le plaisir de lecture à chaque ligne.
La traduction française de Vladimir Volkoff est éblouissante !
J'ai adoré ce livre, j’y pense très souvent Tchékhov me l’a donné et je ne suis pas près de le lâcher ! A chaque fois, les bécasses sont au rendez-vous.
Faites-vous plaisir….Lisez-le.

Un Russe dans sa Russie

10 étoiles

Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 13 septembre 2004

Dans La Steppe, Iégorouchka, c'est Tchekhov enfant qui entreprend un grand voyage pour faire des études à la ville. Ce récit est l'histoire de ce voyage et Tchekhov y raconte les souvenirs et les sensations de son enfance.
Ce n'est donc pas écrit à la première personne ce qui permet à l'écrivain de raconter avec plus de liberté, l'enfant qu'il était ; et c'est par cet enfant qu'il pourra nous peindre une galerie de personnages hauts en couleur et typiquement russes. En même temps, rien ne l'empêche de donner libre court à ses réflexions d'adulte et de développer ses pensées, inspirées par la désolation des paysages et le silence des nuits dans la steppe.
Et finalement, on a la sensation d'être dans un roman, plus que dans un récit.
Je n'ai pas du tout ressenti, comme Saule le dit dans sa critique, "cette impression d'immense d'ennui". Ennui ! Le mot revient quatre fois dans sa critique et personnellement, je ne l'ai jamais découvert dans ce livre. De la solitude, de l'angoisse et même de l'angoisse métaphysique devant le vide et l'indifférence de la steppe et du ciel à tous les malheurs des hommes, oui ! Mais il y a trop d'événements et de péripéties tour à tour effrayantes, comiques ou pittoresques, pour qu'on puisse parler d'ennui !
Par contre, je rejoins Saule quand il nous parle de la beauté des descriptions de la steppe. C'est une description toute sensuelle : cette steppe est vivante, elle gémit, elle souffre, elle implore le soleil de se calmer, elle supplie le nuage de s'approcher et de lui délivrer un peu de fraîcheur et de pluie. Les oiseaux compatissent à ses douleurs, les herbes demandent pardon pour des fautes qu'elles n'ont pas commises et qui leur valent de tant souffrir et de se faner…
Ah ! Que les Russes parlent bien de la nature ! Et comme ils aiment leur cher pays !
Tchekhov voulait, paraît-il, qu'on lût son livre "comme un gourmet mange les bécasses" car, ajoutait-il, "j'ai écrit là mon meilleur livre".
Quel lecteur pourrait dire le contraire !

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