Auschwitz : Les nazis et la "Solution finale" de Laurence Rees

Auschwitz : Les nazis et la "Solution finale" de Laurence Rees
(Auschwitz : the nazis and the Final solution)

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Oburoni, le 3 mai 2013 (Waltham Cross, Inscrit le 14 septembre 2008, 41 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 611ème position).
Visites : 4 351 

'une institution unique dans l'État nazi'

'Auschwitz eut une histoire complexe qui, par bien des aspects reflète les complexités des mesures raciales et ethniques des Nazis. Jamais conçu comme un camp pour tuer les Juifs, jamais concerné avec la seule 'Solution Finale' -bien que cela en soit venu à le définir- et toujours en constante évolution, souvent en réponse aux changements de fortune de l'effort de guerre allemands ailleurs, Auschwitz, de par son dynamisme destructeur fut l'incarnation physique des valeurs fondamentales de l'État Nazi.'

C'est en effet l'une des caractéristiques les plus frappantes du régime Nazi, dictature brutale pourtant obsédée par l'ordre, la perfection et la discipline : le fait que des décisions majeures y furent souvent prises, au contraire, dans le chaos le plus complet, de manière précipitée et arbitraire, sous la pression d’évènements extérieurs parfois imprévisibles. Tragiquement, Auschwitz, depuis devenu le symbole de toute une idéologie nauséeuse n'échappa pas à la règle -comme le souligne ici Laurence Rees dans ce livre superbe retraçant principalement l'histoire du camp.

L'historien et journaliste anglais (il a écrit et produit de nombreux documentaires sur le sujet pour la BBC) montre en effet comment ce qui fut d'abord un simple camp de transit pour prisonniers s'est peu à peu transformé en la plus redoutable et efficace machine à exterminer du régime Nazi. Intelligemment structuré et très bien argumenté, il nous donne ainsi à voir la monstruosité Auschwitz se métamorphosant continuellement au fil des circonstances de la guerre; des événements sur le front de l'Est ayant poussé à l'Holocauste jusqu'au pourquoi de l'utilisation des chambres à gaz et non d'autres méthodes.

Au-delà, il essaie aussi de comprendre comment des hommes purent commettre de telles atrocités. À côté du cynisme abject et brutal d'un Rudolf Hoess ou, du sadisme d'un Josef Mengele, cas emblématiques et connus, Laurence Rees interviewa aussi des SS impliqués dans le processus d'extermination -à Auschwitz ou ailleurs. La fenêtre qu'il entrouvre ainsi sur leurs psychés est assez glaçante. C'est que, sans renier la question des responsabilités individuelles devant des choix moraux et éthiques, replacés dans le contexte de l'époque leurs actes apparaissent, malgré tout, un peu mieux compréhensibles et logiques.

Le constat est choquant mais, est-ce d'ailleurs une coïncidence si, se perdant dans le sillon de la guerre froide et les brumes d'un autre régime atroce (le stalinisme en Europe de l'Est) il faudra attendre plusieurs décennies après la guerre pour qu'enfin l'on commence à pleinement saisir l'ampleur d'un tel génocide ? Si l'antisémitisme et les actions anti-juives furent loin de se limiter aux Nazis, rappelons-nous aussi que, comme le souligne l'auteur (montrant ainsi à quel point le zeitgeist de toute cette époque peut encore nous échapper) :

''sur environs 6500 membres de la SS ayant travaillé à Auschwitz, et ayant survécu à la guerre, seuls 750 environs furent punis d'une manière ou d'une autre. L'une des procédures légales les plus notoires fut le 'Procès Auschwitz' à Francfort de décembre 1963 à août 1965, au cours duquel, sur 22 accusés 17 furent condamnés et, 6 seulement reçurent la peine maximale à savoir, l'emprisonnement à vie.'

La question de savoir pourquoi les Alliés n'ont pas agi pour mettre fin à de tels agissements (ils savaient, au moins dès l'été 1944 et, le camp ne fut libéré qu'en janvier 1945) ne manque pas de laisser perplexes.

De plus, l'une des richesses du livre est que, pour mieux illustrer son propos l'historien prend le temps de s'attarder, à chaque chapitre, sur les histoires personnelles de cas particuliers -une démarche qui aide à mieux comprendre l'impact des mesures et politiques décrites (la brutalité des ghettos et de leurs nettoyages en Pologne, les rafles honteuses en France, l'exception danoise etc.).
Sur un plan encore plus individuel, il révèle même des histoires ahurissantes où la réalité dépassa de loin la fiction -par exemple, cette prisonnière Juive et un gardien SS tombant amoureux l'un de l'autre. De telles histoires, loin d'être une occasion au pathos voyeuriste et larmoyant (cela dit cette lecture est parfois très difficile) humanisent en fait Auschwitz -elles font voler en éclat le manichéisme rassurant et confortable dans lequel on se réfugie trop souvent en abordant de tels sujets.

Détaillé, riche, intelligent, sensible juste comme il faut, ce livre est donc un incontournable pour qui veut tenter un peu mieux de comprendre l'un des épisodes les plus incompréhensibles de notre histoire.

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Instructif

8 étoiles

Critique de Albator76 (, Inscrit le 4 août 2012, 47 ans) - 16 septembre 2015

Ce bouquin m'a paru très instructif
Je connaissais comme tout le monde l'histoire du camp d'Auschwitz mais dans sa grande largeur
Les détails évoqués par l'auteur font froid dans le dos
L'inhumanité révélée dans ce récit est impressionnante
C'est la raison pour laquelle je suis allé sur place ressentir ce que le livre détaillait
Pour toute personne s'intéressant à cette période de l'histoire, je le conseille même si trop de détails peut perturber l'avancement du récit

Ouvrage de référence

8 étoiles

Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 5 avril 2015

Considéré comme un ouvrage de référence sur le plus grand crime organisé que l’humanité ait commis, j’ai été surpris par l’introduction et la conclusion de ce livre. Si l’auteur avait été américain, la critique du stalinisme aurait assez aisément trouvé une explication, mais Laurence Rees est britannique.

Je suis donc surpris par le fait que l’auteur souligne d’emblée que Staline a commis un génocide plus important qu’Hitler. C’est certainement la vérité, bien que moins connu du grand public, mais cela conduit à un certain malaise de relativiser par certains propos l’importance ou le contexte des ignominies du nazisme. Staline avait la cohérence de considérer tout le monde comme potentiellement coupable alors que les nazis, tout en ciblant certaines catégories de populations, semblent avoir été davantage guidés par une forme d’opportunisme ou de rationalité à géométrie variable en fonction de l’évolution du second conflit mondial. L'auteur à le mérite de tenter de démontrer comment un tel crime a été rendu possible.

La structure de l’ouvrage aurait pu davantage être maîtrisée ; l’auteur découpe son récit en chapitres avec la cohérence de la ligne du temps mais il s’égare parfois dans l’anecdotique et ne nous épargne pas des répétitions.

Il exact qu’on ne peut exiger d’un livre historique d’avoir le niveau littéraire de grands romans comme « Le Choix de Sophie » de William Styron ou de « Kaputt » de Malaparte, deux romans abordant le même thème et qui m’avaient notamment conduit à m’intéresser à cet ouvrage.

J’avoue que même si j’ai appris pas mal de nouvelles choses, pour une personne s’étant intéressé et documenté sur la Shoah, je reste tout de même quelque peu sur ma faim.

Je conseille tout de même certainement la lecture de ce livre, en particulier à tout qui serait attiré par les discours de mouvements politiques nationaliste, populiste ou extrémiste, et permettre d’ouvrir les yeux à ceux qui ont oublié où ce genre d’idéologies peut mener.

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