Tisphoné, démon de Socrate, Athènes, 399 av. J.-C. de Richard Dalla Rosa
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire
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Une voix, une vie.
Puisque notre ami Jules nous plonge dans l'Antiquité avec la mythologie revue par Robert Graves (un auteur dont le roman "Moi, Claude, Empereur", paru en poche chez Folio, est une pure merveille), restons-y.
Qui ne connaît Socrate (à part mon P.C. qui le souligne en rouge) ? Qui ne se souvient de sa mort héroïque et des vertus radicales de la ciguî sur la philosophie ? On se rappelle sa mort et sans doute aussi évoque-t-on son ombre qui plane sur les dialogues de Platon (Quand on les a lus.) Mais quelle fut sa vie, sa vie d'homme ?
C'est précisément ce que Dalla Rosa nous raconte. Sous sa plume apparaît un homme de chair et de sang. Jeune apprenti sculpteur, il participe modestement à la décoration du Parthénon en dégrossissant la pierre brute. Homme accompli, il connaîtra l'âge d'or de Périclès puis les affres de la décadence athénienne. A plusieurs reprises, il défendra sa cité les armes à la main, contre Sparte. S'imagine-ton Socrate en hoplite, coiffé d'un casque à cimier de crin, muscles bandés sous le bouclier rond, qui protège son "éromène" dans la fureur du combat ? Le voici victorieux. Le voilà plus tard, battant en retraite. Courageux, oui. Mais pas téméraire.
Il échappera à deux épidémies de peste, verra - comme le Zénon de l'Œuvre au Noir - ce que la maladie fait de l'homme. Il affrontera une maîtresse-femme, non sans se laisser séduire par l'esprit (?) d'une courtisane et celui d'un jeune écervelé nommé Alcibiade. Il cherchera auprès des Athéniens la réponse à un sibyllin oracle, prétexte à éveiller l'âme ou la conscience des ses concitoyens. Dans une société à la déglingue, il osera parler de vertu… et on l'accusera de corrompre la jeunesse. On le condamne à mort. Il a 68 ans. "Les mots sont des enfants du temps, ils sont voués au silence littéral tout comme chaque homme est voué au littoral silencieux, ce presque silence émis par l'océan, un soir de pleine lune".
A cette époque où les anges-gardiens n'avaient point encore d'ailes et s'appelaient "démons", Tisphoné, le démon de Socrate, se fait l'avocat de son protégé devant les juges des Enfers, Minos, Eaque et Radhamante. Et c'est à ce procès que le lecteur est convié. Comme les procès servent à "sonder les âmes et les cÏurs", il entrera dans l'intimité d'un des hommes les plus intimidants qu'ait connus l'humanité.
Dalla Rosa ne s'encombre pas de dialogues philosophiques interminables, il raconte l'homme et ce qui le faisait courir : son souci de se connaître soi-même, sa conviction qu'il ne connaissait que sa propre ignorance, que l'homme est une âme encombrée par l'illusion de posséder ou par de vains désirs. Sa volonté de conserver envers et contre tous sa dignité d'homme, alors qu'une petite lâcheté ou un petit mensonge lui aurait apporté le salut.
Un homme qui gênait ses interlocuteurs parce qu'il les repoussait dans leurs derniers retranchements en deux ou trois questions qui mettaient à nu leurs motivations, les invitant "à descendre en eux-mêmes, non pas pour trouver ce qu'il y avait en eux d'individuel, mais bien au contraire ce qui les faisait participer à l'âme universelle".
Dalla Rosa nous fait regretter qu'il n'y ait plus de nos jours un Socrate pour "corrompre la jeunesse".
Les éditions
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Tisphoné, démon de Socrate [Texte imprimé], Athènes, 399 av. J.-C. Richard Dalla Rosa
de Dalla Rosa, Richard
Éd. Autrement / Histoire(s) au singulier.
ISBN : 9782862609171 ; 6,00 € ; 25/04/2000 ; 168 p. ; Broché
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