Congo, une histoire de David Van Reybrouck

Congo, une histoire de David Van Reybrouck
(Congo : een geschiedenis)

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 3 février 2013 (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (14 304ème position).
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La colonie belge vue par les Congolais

Ce livre a été écrit par un historien-journaliste flamand dans la langue des Flamands et a connu un succès foudroyant dans le nord de la Belgique et en Hollande.
Il a été ensuite traduit en français en novembre 2012 et son succès ne se dément pas : il est au sommet des livres les mieux vendus dans toutes les librairies de la Belgique francophone.

C'est dire à quel point notre belle colonie, cinquante trois ans après son indépendance, suscite encore un intérêt passionné en Belgique et probablement aussi partout dans le monde.

L'auteur a choisi de raconter l'histoire du Congo vue par les colonisés. Ce qui est tout à fait original. Il a recueilli des témoignages des fils et petits-fils des anciens Congolais qui ont connu les origines de la colonie. Puis, des témoignages plus contemporains de gens qu'il a rencontrés dans le Congo d'aujourd'hui.

L'auteur complète ces récits par des informations très fouillées et rigoureusement exactes qui sont d'un très grand intérêt. Malheureusement, il y ajoute des commentaires personnels qui sont toujours orientés contre l’œuvre coloniale. Ce parti pris frise souvent la mauvaise foi et finit par être insupportable. On aurait préféré qu'il fasse la part des choses avec un minimum d'objectivité ; son livre aurait eu alors la valeur d'un vrai document historique. Il est vrai aussi qu'il se serait moins bien vendu.

Quand, par exemple, il parle de la prodigieuse campagne sanitaire que les Belges ont réalisée au Congo, il n'épargne aucun détail. Il raconte comment des centres sanitaires ont été installés partout, jusque dans les villages les plus retirés de la forêt tropicale. Comment tous les Congolais ont été vaccinés contre la lèpre, le typhus, la maladie du sommeil et autre malaria. Mais quand les Congolais étaient vaccinés, ils recevaient une carte de vaccin qui citait leur nom et leur lieu d'origine, ce qui fait dire à notre écrivain que le but de ces soins de santé était de contrôler les populations de la colonie.

Quand il parle de l'enseignement, il raconte comment toutes les localités avaient été dotées d'une école où les Congolais apprenaient à lire et à écrire. Mais l'auteur ne voit là que le moyen pour les coloniaux de manipuler les populations.
Et tout est à l'avenant !
Quand il raconte comment les Belges ont doté leur colonie d'une infrastructure unique en Afrique et qui faisait l'admiration de tous les visiteurs, il cite le nombre de victimes que ces travaux ont provoqué. Et, bien sûr, le lecteur est horrifié ! Mais la moindre des honnêtetés aurait été de comparer ces travaux avec les travaux qui se réalisaient partout dans le monde à la même époque.

Quand il parle des conflits qui se passaient dans les usines du Katanga, l'auteur les réduit à des conflits racistes et à des révoltes des Noirs contre les Blancs ; mais c'est ignorer qu'en Europe, aux USA et partout ailleurs, ces conflits, qui étaient en fait des conflits sociaux, étaient d'une ampleur cent fois plus importantes.
Par ailleurs, l'objectivité aurait consisté à souligner que les ouvriers du Congo jouissaient du niveau de vie le plus élevé de toute l'Afrique y compris l'Afrique du Sud.

L'auteur cite plusieurs extraits d'un journal de bord d'un administrateur territorial. C'est passionnant ! Cet administrateur raconte ses visites dans tous les recoins de son territoire, comment il vérifie que les écoles fonctionnent bien, que les soins de santé sont bien donnés, que la police fait bien son travail, que les pistes sont bien entretenues, bref, toute la vie au jour le jour d'un administrateur au service de la colonie. Il apparaît que cet administrateur est un homme de bien, qu'il a le sens de la mesure et de la justice et qu'il a beaucoup d’empathie pour les Noirs. Mais pourquoi l'auteur éprouve-t-il le besoin d'affirmer que cet homme était une exception ? Qu'en sait-il, il n'était pas là, il n'était même pas né ! Ces assertions sans preuve sont de la pure mauvaise foi.
Quand on sait les examens qu'il fallait réussir pour être administrateur territorial ; quand on se souvient de cette époque, qui a duré de l'après guerre jusqu'à la fin de la colonie, et que les historiens ont appelée « la pax belgica », on reste médusé par tant de parti-pris hostile aux coloniaux !


La seconde partie du livre, commence le 30 juin 1960 au moment de l'indépendance. C'est alors l'Histoire du Congo indépendant. Cette partie me semble être plus objective que la précédente, quoique l'auteur n'hésite jamais à affirmer que les Belges avaient mis en place les conditions de la grande pagaille qui est toujours celle du Congo d'aujourd'hui. Sans dire, bien entendu, qu'on n'a pas permis aux Belges de terminer leur entreprise coloniale.

Cette partie du livre est très bien documentée et très complète mais elle est plutôt fastidieuse à lire. Je crois que c'est de l'histoire trop récente et que l'historien manque du recul nécessaire pour hiérarchiser les événements. Par contre, ces événements sont trop lointains pour que le journaliste en fasse le compte rendu, presque au jour le jour, comme c'est le cas dans cet ouvrage.

Ce livre a été encensé par toute la presse, mais ça ne veut rien dire. Les journalistes s'encensent toujours mutuellement dans un bon esprit corporatiste. Il a été couronné par le prix Medicis essai 2012, ce qui est sans doute bien mérité pour l'effort de documentation dont l'auteur a fait preuve.
Mais le lecteur objectif ne peut s'empêcher de penser que la prise de position toujours hostile aux coloniaux poursuit un but purement mercantile.

Par les temps qui courent il est de bon ton de critiquer notre colonie, surtout chez les Flamands qui n'ont pratiquement pas participé à l’œuvre coloniale : la colonie parlait français.
Et puis, la mode en Occident est à la contrition : nous devons demander pardon pour tout ce que nous avons réalisé dans le monde sans attendre la moindre reconnaissance pour nos œuvres de civilisation qui ont rendu le monde meilleur.

Ce livre intéressera, et même passionnera dans sa première partie, ceux qui s'intéressent à cette fabuleuse épopée que fut la colonie belge du Congo.
Mais le lecteur devra s'armer de beaucoup de patience parce que ce document ne nous fait grâce d'aucun détail, surtout dans sa seconde partie. Il devra aussi maîtriser son irritation tout à fait légitime à la lecture de tant de parti-pris hostile à la colonie et à ses coloniaux.

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Devoir de mémoire

9 étoiles

Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 58 ans) - 16 août 2020

C'est un livre historique très riche et documenté mais qui se lit comme un roman. Comment apprendre en s'amusant. Un livre indispensable pour regarder le passé colonial, sans auto-flagellation ni nostalgie pour un passé qui était probablement à la fois glorieux et infâme. Mais c'est plus que ça, c'est aussi un récit coloré, plein de souffle, sur un continent fascinant.

La première partie du livre est la plus intéressante : c'est l'histoire du Congo jusqu'à l'indépendance. L’auteur cite des personnages extraordinaires comme cet immigré Russe incroyablement lucide sur la colonisation et qui gouverne sa province avec empathie et talent. L'idée de base de l'auteur c'est de laisser parler les "petites gens", la grande histoire expliquée à travers la petite. La deuxième partie commence avec le fiasco de l'indépendance et le délitement de l'état. Et puis Mobutu (protégé par la CIA et par les occidentaux), tandis que Kabila est dans le maquis avec Che Guevarra. La litanie de catastrophes se poursuit pour le Congo, avec les guerres civiles, le génocide Rwandais qui déteint sur le Congo, chaque tentative d'instauration d'une démocratie capote, en particulier avec Kabila. Et la liste est malheureusement longue pour un pays qui s'embourbe à chaque fois dans la guerre, les luttes pour les ressources première, un état endémique où règne la corruption. Dernier avatar, l'ingérence de la Chine. A noter des passages très intéressant sur le rôle du FMI et des nations unies.

A voir tous les malheurs qui frappent ce pays pourtant riche on pourrait se dire que c'est cause perdue. Mais en fait en lisant le livre on comprend que chaque chose arrive pour une raison et ainsi l'histoire éclaire le présent et le futur. On voit les erreurs de politiciens pas aguerris (il y avait seize universitaires en tout au moment de l'indépendance !), des organisations internationales, de l'ingérence et de la géopolitique. Bref, pour faire une démocratie il faut du temps et du travail. C'est pourquoi il est indispensable de lire ce livre (outre le fait que c'est passionnant et remarquablement écrit).

Une autre raison de lire ce livre, c'est de faire travail de mémoire envers le passé colonial, aussi bien pour les belges que pour les congolais. L'auteur a un regard assez neutre je trouve (ce qui lui valu d'être critiqué par ceux qui regrette la sempiternelle auto-flagellation des occidentaux et par les autres qui en veulent plus). Le devoir de mémoire est indispensable, il ne faut pas nier les atrocités (ni les bonnes choses apportées par les colons) et il ne faut pas nier la responsabilité du peuple congolais (et des autres pays) dans le fiasco actuel. Par exemple quand on ressasse cette histoire de mains coupées (culture du caoutchouc), ne pas oublier que ces mains étaient coupées par des congolais (un peu comme les français qui ont longtemps refusé de voir que beaucoup de juifs étaient déportés par la gendarmerie française). Sur ce sujet de devoir de mémoire, je conseille vivement le livre de Géraldine Schwartz, "Les amnésiques".

Congo, une histoire

9 étoiles

Critique de Sentinelle (Bruxelles, Inscrite le 6 juillet 2007, 54 ans) - 5 janvier 2014

C’est à l’aube du cinquantième anniversaire de l’indépendance du pays que David Van Reybrouck s’est lancé dans un pari fou, celui d’écrire l’histoire mouvementée du Congo. Seul pays d’Afrique à avoir deux fuseaux horaires, le Congo possède la plus grande forêt humide au monde après l’Amazonie. Biodiversité spectaculaire, 400 groupes ethniques, des régions minières d’une richesse inouïe (cuivre, diamant, or, uranium, zinc, cobalt, étain…), 9 pays voisins et les nombreux conflits frontaliers qui en résultent, un pays énorme et une histoire à la démesure de son territoire.

Impossible de faire un résumé, mais sachez que l’auteur aborde toutes les époques du Congo : celle de la préhistoire aux premiers négriers européens, des premiers missionnaires anglo-saxons au voyage de Stanley, de l’évangélisation au colonialisme de Léopold II, de l’esclavagisme au marché de l’ivoire et du caoutchouc, du Congo belge aux concessions commerciales et autres zones de libre-échange, de la première vague d’industrialisation à l’urbanisation, la prolétarisation et la monétarisation, de la Première et la Deuxième Guerre mondiale aux prophètes et autres religions populaires, de projet Manhattan et de l’uranium congolais à l’effort de guerre, de la caste des « évolués » à la décolonisation tardive et la soudaine indépendance, de Lumumba au mobutisme… jusqu’aux accords entre le Chine et le Congo de ces dernières années.

Non seulement David Van Reybrouck est exhaustif dans la description de l’histoire complexe et violente de ce pays, mais son originalité repose sur le fait qu’il donne la parole à autant de voix congolaises que possible, en recherchant des témoins vivants, des personnalités influentes mais surtout des gens ordinaires dont la vie a été marquée par l’Histoire avec un grand H. Un récit subjectif dans laquelle il se dépeint lui-même dans ses pérégrinations, conférant au texte une richesse de ton bien éloigné de l’austérité académique. Un récit vivant et haut en couleur, une histoire pleine de bruit et de fureur, au ton personnel bien plus passionnant que celui d’un livre d’histoire. Alors peu importe si les souvenirs, de par leur nature, sont parfois sujets à caution tant la richesse du vécu importe plus, donnant véritablement tout le sel à cet essai qui fait tout de même plus de 600 pages de texte, sans compter la justification des sources et la bibliographie. Évidement, ce parti pris ne conviendra pas à tout le monde et certainement pas aux puristes mais je m’y suis pour ma part très bien retrouvée.

Un petit conseil : à ne pas lire d’une traite tant le sujet est dense

Congo, une histoire

9 étoiles

Critique de LaFronde (, Inscrite le 19 juin 2013, 65 ans) - 19 juin 2013

J'ai dévoré ce livre passionnant et super intéressant, historiquement et surtout au niveau sociologique ! Pourtant, au départ, le Congo n'a jamais particulièrement suscité mon intérêt. J'ai réalisé qu'il faisait partie, assez étonnamment, de mon histoire. Une histoire compliquée et...décourageante. Pourquoi décourageante ? Parce que, à chaque épisode, on se dit que les congolais vont se prendre en mains...mais non. Bien sûr, il y a des personnes de bonne volonté et admirables...mais trop peu ! Bien sûr, il y a eu la colonisation mais je n’ai pas l’impression que tous leurs problèmes viennent de là. Toute cette pauvreté dans un pays aussi riche en ressources naturelles, c’est stupéfiant ! Des dirigeants corrompus, le bling-bling, la violence, les haines ethniques... Tout ça me laisse un goût bizarre dans la bouche… Comme si c’était sans espoir !

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