Les neurones de la lecture de Stanislas Dehaene

Les neurones de la lecture de Stanislas Dehaene

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Scientifiques , Sciences humaines et exactes => Psychologie

Critiqué par Elya, le 7 décembre 2012 (Savoie, Inscrite le 22 février 2009, 34 ans)
La note : 9 étoiles
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Origine et mécanismes cérébraux d'une activité culturelle : la lecture

Depuis environ 20 ans, l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) permet de développer le champs des neurosciences, et particulièrement celui qui s’intéresse à la lecture et à l’écriture. Stanislas Dehaene, chercheur français, s’aide particulièrement de la neurologie et de la psychologie cognitive pour expliquer à tout un chacun le fonctionnement de notre cerveau normal et pathologique lorsque nous réalisons cette activité si capitale. Il s’intéresse aussi aux origines biologiques et environnementales de nos activités culturelles.
Les figures et jeux de mise en forme de ce livre, très fréquents, favorisent la compréhension et la représentation de notions peut-être peu évidentes à saisir si on ne les a jamais étudié (hémisphères et aires cérébrales, théorie de l’évolution). Ils apportent à l’ouvrage sérieux un côté ludique très bien trouvé et qui le rend accessible à tous, avec différents niveaux de déchiffrage. Stanislas Dehaene se rend ainsi beaucoup plus accessible que d’autres neuroscientifiques mieux connus tel A. Damasio.

La thèse défendue s’oppose au relativisme culturel, politiquement correct depuis Rousseau et Helvétius, qui prétend que les variations culturelles sont illimitées étant donné la toute puissance de l’apprentissage. La diversité culturelle d’un individu ne pourrait donc être assimilée que du point de vue de sa culture.
Nous verrons que l’hypothèse du recyclage neuronal impose que nos conventions culturelles comme la lecture, résultent d’un détournement de fonctions cérébrales pré-existantes chez les primates (les réseaux de neurones qui permettent de reconnaître les objets et les visages). Elle ont donc des caractéristiques universellement communes et l’inventivité est limitée par nos circuits cérébraux. Déjà Darwin prétendait que les origines de nos facultés supérieures devraient se trouver chez les primates. Les biologistes s’intéressant à la théorie de l’évolution ont élaboré une hypothèse similaire mais appliqué au monde de la biologie : l’exaptation.

Dans un premier temps, l’auteur s’attache à décortiquer les différentes étapes de la lecture : reconnaissance par une minuscule zone de la rétine qui nous oblige à beaucoup déplacer les yeux quelle que soit la taille des caractères, et découpage du mot en une arborescence de lettres, graphèmes, syllabes et morphèmes. Ensuite, 2 voies peuvent s’activer en parallèle ; la voie phonologique pour les mots réguliers ou nouveaux permet de faire d’une lettre un son ; la voie lexicale pour les mots fréquents ou irréguliers (ex : oignon, femme) permet de donner un sens au mot, et active une multitude de dictionnaires lexicaux de nature différente, qui nous permettent de caractériser le mot.
La région où se passe le plus gros de cette activité se trouve dans un endroit bien précis du cerveau, en arrière et en bas de l’hémisphère gauche, et ce chez tous les humains sachant lire, quel que soit le sens de leur écriture. Elle est extrêmement bien reliée aux aires du langage. Sa lésion, au cours d’un Accident Vasculaire Cérébral par exemple, peut entraîner une incapacité totale de lire les mots, mais non les chiffres.
L’auteur s’attache aussi à démontrer en quoi la méthode globale devrait complètement disparaître de l’école. Elle ne correspond pas à la manière dont notre cerveau fonctionne. Elle stimule d’ailleurs l’hémisphère droit !
Un chapitre est accordé à la dyslexie, qui est le plus souvent lié à un défaut de manipulation mentale des phonèmes, d’origine génétique. Ainsi, la dyslexie n'existe quasiment pas en Italie, car en italien, chaque lettre correspond à un son et inversement, ce qui facilite l’orthographe. Des logiciels permettent de normaliser partiellement la lecture des enfants atteints.

Comme beaucoup de chercheurs et vulgarisateurs (voir ceux de la mémétique), S Dehaene tente de généraliser la théorie du recyclage neuronal aux autres inventions culturelles (les maths, l’art, la religion...). Il ne s’agit que de spéculations contrairement au reste du livre extrêmement concret et qui devrait séduire tous les curieux de l’art de lire.

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Les éditions

  • Les neurones de la lecture [Texte imprimé] Stanislas Dehaene préface de Jean-Pierre Changeux
    de Dehaene, Stanislas
    Odile Jacob / Babel (Arles)
    ISBN : 9782738119742 ; 29,90 € ; 30/08/2007 ; 478 p. ; Broché
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