La folie au front. La grande bataille des névroses de guerre (1914-1918) de Julien Bogousslavsky, Laurent Tatu

La folie au front. La grande bataille des névroses de guerre (1914-1918) de Julien Bogousslavsky, Laurent Tatu

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par JulesRomans, le 4 octobre 2012 (Nantes, Inscrit le 29 juillet 2012, 66 ans)
La note : 9 étoiles
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Traumatismes dus à la guerre

Le sujet touche la conception du trouble psychiatrique, il est a priori passionnant car il fait partie de l’ensemble des faits culturels où on pointe, à l’ombre de la psychanalyse, la plus grande évolution des mentalités du fait de la Grande Guerre. Un chapitre consacré aux visions anglaises, allemandes et autrichiennes des névroses de guerre montre d’ailleurs comment Freud assure qu’un médecin autrichien accusé d’actes de violences intrinsèques à sa thérapie se voit dédouaner par Freud, sous prétexte qu’il est convaincu que le médecin en question n’avait pas pour objectif d’être cruel et qu’il a opté pour une utilisation modérée de la méthode. Cette affirmation, au secours d’un confrère, est faite par un père de la psychanalyse qui ne croit pas à l’efficacité de la méthode en question consistant à débusquer les simulateurs et contraindre les véritables malades à guérir par des chocs électriques définis comme violents. Cet acte fut considéré par les dénonciateurs de cette méthode comme une lâcheté de la part de Freud et le médecin en question garda rancune à Freud d’avoir émis des doutes sur l’efficacité de sa merveilleuse méthode. Toutefois dans l’Entre-deux-guerres en Europe occidentale, apparaissent de nombreux livres comme en France "La Folie et la Grande Guerre" d’Antony Rodiet et André Fribourg-Blanc (abondamment cité par Laurent Tatu et Julien Bogousslavsky) qui apportent une vision nouvelle des névroses apparaissant chez des soldats lors d’un conflit armé. L’ouvrage "La Folie au front : la grande bataille des névroses de guerre (1914-1918)" développe largement la méthode des chocs électriques (baptisée par lui la technique du "torpillage") dont la promotion pratique, médiatique et théorique est due à Clovis Vincent officiant dans le centre neuropsychiatrique de Tours. Il a d’ailleurs, non un disciple (de nombreuses polémiques naissent entre les deux médecins en question) mais plutôt un rival sur le même type de thérapie en la personne de Gustave Roussy né suisse en 1874 et français depuis 1910 qui lui exerce au centre de Salins-les-Bains en Franche-Comté. La description de ces traitements thérapeutiques est précise et elle laisse bien apparaître en filigrane la dose de souffrance endurée par ceux qui la subissent ; le cas de quelques soldats qui la refusent est largement exposé lorsqu’elle s’est traduite par un passage devant un conseil de guerre. Cet ouvrage livre un message clair : l’objectif des médecins est d’abord de débusquer les stimulateurs ; il y en a effectivement et le cas de S. Serge exposé page 137 fait peu de doutes, d’autant qu’il est repris de l’exposition qu’en ont faite Antony Rodiet et André Fribourg-Blanc. Le but secondaire est de contraindre à la disparition des troubles les plus manifestes pour renvoyer le soldat si possible sur le front et à défaut dans les services auxiliaires. Ce livre rappelle aussi la situation dramatique de ces malades baptisés les "morts vivants" rendus, à l’exception d’un petit nombre qui reste dans les asiles, à leur famille sans l’attribution de pension d’invalidité, d’où la naissance de l’Association des familles et amis d’aliénés de guerre, dont le rôle reste à approfondir. Cet ouvrage, qui cite abondamment des articles de la grande presse et de la presse spécialisée, a été écrit par deux médecins qui ont eu souci d’en rendre le contenu lisible par toute personne ayant un minimum de connaissances autour de la Première Guerre mondiale. Des cas particuliers de soldats de diverses régions sont assez largement développés et la consultation de leur registre matricule permet d’en savoir plus sur leur vie après-guerre. Cet ouvrage ne cache pas que certains soldats frappés psychologiquement n’atteignirent jamais l’hôpital, les autorités de leur régiment comme Hubert Désiré, dont le sort a été évoqué dans "Trith Saint-Léger du premier âge industriel à nos jours" fut exécuté le 7 septembre 1914 sans jugement sur ordre du général Boutegourd, après qu’une très forte canonnade allemande l’ait complètement déstabilisé et entraîné à errer entre les lignes. Odette Hardy-Hémery, l’auteur de "Trith Saint-Léger du premier âge industriel à nos jours" vient d’ailleurs de livrer "Fusillé vivant" chroniqué sur ce site.

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