12 La douce de François Schuiten

12 La douce de François Schuiten

Catégorie(s) : Bande dessinée => Adultes

Critiqué par Stavroguine, le 15 mai 2012 (Paris, Inscrit le 4 avril 2008, 40 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 5 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (55 743ème position).
Visites : 4 658 

Bel hommage à un fleuron de la technologie ferroviaire

A travers la série des Cités obscures ou dans des œuvres telles que Les mers perdues, on connaissait le travail d’illustrateur de Schuiten qui nous apparaissait comme une sorte d’architecte de la BD. Continuant son travail d’urbaniste, il nous découvre une nouvelle passion : le rail.

La Douce, son dernier album, écrit en solo, semble d’ailleurs être avant tout l’hommage rendu par un passionné à une machine d’exception. Schuiten serait donc à ce titre l’avatar de son personnage principal, Léon Van Bel, vieux machiniste portant grosse moustache sur un visage noirci par le charbon, et qui a fait plusieurs fois le tour de la Terre derrière le four de son seul amour, la locomotive 12.004, la Douce ! Alors quand la compagnie des transports qu’il a loyalement servie pendant tant d’années s’apprête à envoyer la Douce à la casse pour la remplacer par le téléphérique électrique, Léon mettra tout en œuvre pour la sauver.

L’intrigue de départ est donc maigre et assez classique, et Schuiten n’en fera finalement pas grand-chose. Dans un premier temps, il semble pourtant nous diriger vers une œuvre sociale, insistant à la fois sur les conditions de travail difficiles des cheminots et sur la fierté qu’ils ressentent en servant la compagnie, en étant ponctuel ou en consommant moins de charbon. Il y a quelque chose de touchant à voir ce vieux machiniste rentrer seul chez lui la gueule pleine de charbon et considérer qu’il a bien réussi sa vie professionnelle en ayant passé chaque jour derrière sa locomotive depuis ses seize ans. Il y a aussi cette fraternité entre cheminots qui est bien plus qu’une simple conscience de classe, et la fierté d’être une gueule noire, par opposition à ceux qui ont vendu leur âme à la fée électrique. Léon Van Bel est un personnage d’une autre époque, déjà plus vraiment en phase avec son temps et moins encore avec le nôtre, et c’est sûrement en cela qu’il est si touchant et sympathique. Cette première partie, servie comme le reste du livre par un superbe graphisme en noir et blanc, se lit donc avec beaucoup de plaisir.

Malheureusement, l’histoire d’amour et le drame social tournent court et Schuiten les remplace par une vague histoire de trafic de métaux et l’arrivée d’une voleuse si inutile à l’intrigue que l’auteur ira jusqu’à la faire muette, comme pour souligner qu’elle n’apporte décidément rien. A partir de là, le scénario perd à peu près tout son intérêt : Van Bel part à la recherche de sa Douce accompagné de sa nouvelle acolyte, qui n’est semble-t-il rien de plus qu’un prétexte pour permettre à l’auteur de tracer quelques dessins de femme seins à l’air ou en culotte afin de séduire le lecteur mâle un brin voyeur. La qualité graphique ne baisse pas et qu’il s’agisse de paysages, de personnages, d’un improbable cimetière à locomotives et surtout de la 12 elle-même, on en prend plein les yeux. Oui, mais voilà, à côté de ça, le scénario patine et rencontre de sérieux problèmes de rythme.

On préférera donc retenir de La Douce le charme de la nostalgie qui l’habite et sa grande qualité graphique. Surtout, on retiendra l’hommage à l’amour de ces chevaliers du rail pour leur monture. C’est une œuvre écrite par un passionné et pour des passionnés. Les amateurs de machines à vapeur y trouveront leur compte, les autres, très vraisemblablement, ne pourront qu’être déçus.

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Un téléphérique! pourquoi pas un tire-fesses?

5 étoiles

Critique de Guigomas (Valenciennes, Inscrit le 1 juillet 2005, 55 ans) - 27 juin 2012


Je rejoins hélas les avis précédents, cette 12 marche à l’eau tiède. Dommage, car le sujet est intéressant mais il me semble ici mal exploité et beaucoup de choix de l’auteur m’ont laissé sceptique ou déçu : pourquoi, par exemple, un téléphérique pour remplacer les locos à vapeur ? (ça heurte ma sensibilité ferroviaire). Il y a aussi beaucoup d’inondations dans cette BD, ceci explique peut-être cela ; mais ça n’apporte rien à l’histoire.

Il y a, comme ça, au long de cette histoire, des embranchements timides qui pourraient voir se développer des intrigues parallèles, que ça foisonne un peu. Mais non, l’auteur reste sur les rails de l’histoire principale où il a du mal à nous entraîner

Une loco bien poussive...

5 étoiles

Critique de Blue Boy (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans) - 25 juin 2012

C’est vrai qu’elle était belle cette locomotive, avec ses lignes rétro-futuristes inspirées du style art déco. Pas étonnant que le passionné d’architecture qu’est Schuiten ait voulu lui rendre cet hommage. Le dessinateur a recouru pour ce one-shot aux hachures à la plume et en noir et blanc, technique avec laquelle il excelle.

Pour le reste, je suis plus mitigé. J’ai trouvé que l’histoire se traînait et comportait de nombreux flottements. Le fait que son compère scénariste Peeters n’ait pas conçu le scénario y est sans doute pour quelque chose. Comme pour compenser cette absence, Schuiten a beaucoup emprunté à l’univers des Cités obscures, comme par exemple les anachronismes ou les architectures imposantes, ou encore certaines thématiques telles que la brutalité des froides machines bureaucratiques, avec toujours le corps féminin vu comme un refuge, la matrice soulageant les maux du monde. Pourtant, rien n’y a fait, il apparaît évident que les Cités obscures sans Peeters ne sont plus les Cités obscures. Les personnages sont désincarnés et les dialogues d’une platitude confondante. A aucun moment, je n’ai été vraiment émerveillé par le dessin, si talentueux soit-il, ou happé par le récit. Et malgré toute la poésie qui traverse l’histoire, je n’ai pas ressenti d’émotion.

Cette loco ne m’a donc pas embarqué, et nonobstant toute la sincérité et le talent graphique de l’auteur, je trouve cet hommage à moitié raté, ou, si l’on veut rester positif, à moitié réussi. Seuls les amateurs de belles machines pourront peut-être y trouver leur compte, je ne dissuaderai donc pas ceux-là.

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