Neurologie vulgarisée

L’œil de l’esprit est le dernier livre en date d’Oliver Sacks, publié aux Etats-Unis en 2010 et traduit cette année en France. Oliver Sacks est connu pour L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau, un livre extrêmement bien vendu et apprécié par des gens de tout âge issus du grand public comme du corps médical ou scientifique. C’est un excellent vulgarisateur en neurologie clinique ; le meilleur à ma connaissance, bien loin devant Damasio, qui écrit des livres très complexes.
Oliver Sacks est aussi un praticien hors pair. Comme dans ses livres, il a une approche particulière de ses patients : il part du cas pour comprendre le système nerveux et la pathologie, plutôt que de recenser les pathologies qui existent pour ensuite choisir celle qui s’applique au patient (on parle alors de diagnostic différentiel).

Ses livres sont construits à peu près toujours de la même façon : il nous raconte des cas de patients qu’il a rencontré au cours de sa carrière et qui sont atteint de pathologies peu courantes et assez bluffantes. Plutôt que de s’attarder à décrire la pathologie, il préfère nous raconter la vie de ces personnes, leurs difficultés, leurs adaptations, leurs humeurs. Et c’est une excellente manière pour rendre la neurologie accessible à tous.

Ce qui change un peu dans ce livre, c’est qu’il s’y livre beaucoup, en tant que médecin mais aussi en tant que patient. Il est en effet atteint depuis toujours de prosapognosie (c’est l’incapacité à reconnaître les visages/gens/lieux jusqu’à ceux de sa famille), comme 2% de la population. Il a aussi eu une tumeur maligne à l’œil. Il nous raconte donc en détail ces deux pathologies, comment il a réussi à adapter sa vie, ses souffrances, et aussi les gens qu’il a rencontré qui lui ont permis de mieux accepter ces situations. L’ensemble est un peu brouillon, puisqu’il insère également dans ces pages des passages sur l’histoire de la neurologie, et son rapport avec l’évolution (ce n’est pas une évolution mais une invention culturelle qui réutilise une propension neuronale pré existante). Mais c’est tout de même passionnant, puisqu’il développe aussi en détail comment on lit, les aires corticales mises en jeu, et les différentes étapes. Il nous recommande sur ce sujet Les neurones de lecture de Stanislas Dehaene.
Mais Oliver Sacks ne déroge pas à ses habitudes. Il nous présente les cas de quelques patients atteint d’aphasie (perte du langage) ou d’alexie (perte de la capacité de lire) sans agraphie (mais capacité à écrire intacte). Il souligne comme à son habitude la capacité adaptative et compensatrice de ces personnes, leur plasticité cérébrale, qui est bien supérieure à la récupération neurologie. Ces compensations se font avec l’aide de rééducateurs (orthophonistes, kinésithérapeutes), dont il explique l’utilité.

Ce livre est sans doute plutôt adressé aux fans incorruptibles de Sacks plutôt qu’à ceux qui ne l’ont pas encore lu.

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  L'oeil de l'esprit [Texte imprimé] Oliver Sacks traduit de l'anglais par Christian Cler

  de Sacks, Oliver Cler, Christian (Traducteur)
  Seuil
  ISBN : 9782021011296 ; 22,80 € ; 02/02/2012 ; 288 p. ; Broché

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