Les mille maisons du rêve et de la terreur de Atiq Rahimi

Les mille maisons du rêve et de la terreur de Atiq Rahimi

Catégorie(s) : Littérature => Asiatique

Critiqué par Darius, le 21 septembre 2002 (Bruxelles, Inscrite le 16 mars 2001, - ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 748ème position).
Visites : 4 870  (depuis Novembre 2007)

A ma mère, à ses rêves enfuis.

Le second et dernier livre à ce jour rédigé par ce jeune exilé Afghan à Paris. Toujours aussi cathartique que le premier, toujours aussi poétique, toujours aussi universel, toujours aussi humain…
Il démarre sur un homme qui vit une espèce de coma pour avoir enfreint le couvre-feu auquel chaque Afghan est astreint aux temps des dictatures qui se sont succédées dans ce pays sans cesse envahi.
"Grand-père disait que, pendant le sommeil, l'âme s'en va ailleurs, et que si jamais tu te réveilles avant qu'elle soit revenue dans ton corps, tu te retrouves dans un cauchemar sans fin, livré à la stupeur et à l'effroi, sans voix et sans force, et ce jusqu’au retour de l'âme"
Tout comme dans son premier livre "Terre et cendres", les références à toute une mythologie inconnue pour nous sont légion. L'excellente traductrice Sabrina Nouri prendra le lecteur par la main pour l’initier aux héros mythologiques de l'Islam.
Celui qui m'a plut, c'est ce "Roi aux deux sabres" dont le Mausolée s'élève au cœur de Kaboul au lieu où tomba un célèbre guerrier arabe et un des piliers de la conquête musulmane de l’Afghanistan au temps du calife Uthman. La légende dit qu'il combattait avec un sabre dan chaque main et qu'il continua à se battre une fois décapité.
Le héros du livre, arrêté par la police pour avoir enfreint le couvre-feu sera sauvé in extremis par une femme dont le mari a disparu dans les sinistres prisons afghanes, elle le recueillera chez elle, son fils l’appellera "père", elle le cachera sous une trappe secrète avec son frère de 18 ans. "Le jeune homme qui était avec vous dans la cache, c'est mon frère. Il n'a que 18 ans. Il a fait trois semaines de prison. Je me demande ce qu'ils lui ont fait subir pour qu’il en perde la raison ; ses cheveux ont blanchi. Il ne parle plus. Il se réveille la nuit, il gémit et pleure. Il est comme un nouveau-né… " Il se nourrit au sein de sa soeur, cet homme aux cheveux blanc, recroquevillé comme un bébé.
Au passage, l'auteur nous dévoile la condition de ces femmes afghanes, soumises aux hommes qui n’ont rien compris ou veulent nier tout plaisir féminin. "Ma mère avait un air terrorisé. Quand quelqu'un la voyait pour la première fois, il croyait l’avoir effrayée. (..) Quand ma mère riait, elle riait entre parenthèses, quand elle pleurait, elle pleurait entre parenthèses. En vérité, elle vivait entre parenthèses. Et un
beau jour, les parenthèses s’effacèrent de son visage. Le masque d’épouvante tomba et quelques mois plus tard, mon père prit une nouvelle épouse. (...) Mon père ne s'était jamais soucié de savoir pourquoi ma mère avait cet air terrorisé. Cela lui était complètement égal, sinon comment aurait-il pu faire l’amour à une femme tellement effrayée ? D'ailleurs, mon père ne faisait pas l'amour à ma mère, il couchait avec elle. (...) Comment expliquer que dès l'instant où l’épouvante s’effaça du visage de ma mère mon père se mit en quête d'une nouvelle épouse ? Peut-être que c'était précisément cette épouvante qui l'excitait et que le jour où ma mère n’avait pas été effrayée en faisant l’amour, ce jour-là, mon père avait été incapable de jouir. Il prit une nouvelle femme à qui le sexe faisait encore peur".
"Il faut craindre deux choses chez la femme : ses cheveux et ses larmes. La chevelure d’une femme est une chaîne et ses larmes un torrent furieux. C'est pourquoi il est dit qu’il faut absolument couvrir le visage et les cheveux d’une femme ! C’était ce que mon grand-père avait dit le jour où mon père lui avait annoncé sa décision de prendre une seconde épouse. Ma mère avait pleuré avant de replacer son masque d'épouvante sur son visage".
Toujous aussi admirablement traduit du persan par Sabrina Nouri.

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Les éditions

  • Les mille maisons du rêve et de la terreur [Texte imprimé], roman Atiq Rahimi trad. du persan, Afghanistan, par Sabrina Nouri
    de Rahimi, Atiq Nouri, Sabrina (Traducteur)
    P.O.L.
    ISBN : 9782867448751 ; 3,09 € ; 11/03/2002 ; 202 p. ; Broché
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Rêve et terreur

9 étoiles

Critique de Vigno (, Inscrit le 30 mai 2001, - ans) - 5 mars 2004

On peut apprécier ce court roman pour bien des raisons. Techniquement, l'auteur utilise brillamment le point de vue du narrateur acteur, en partie ignorant, pour raconter l'histoire. Son personnage est victime d'événements qu'il ne saisit pas bien. On est donc toujours à distance des événements mais dans l'émotion du personnage. Son monologue intérieur est vif, comme il se doit. Le style très concis, et souvent poétique comme le note Darius, ne fait jamais dans le pathétique, même si la situation est dramatique. Ainsi découvre-t-on de l'intérieur de drame afghan. Darius a bien expliqué le double drame des femmes, exploitées par les pouvoirs religieux et politiques, mais aussi par celui de l'homme dans la famille.

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