Tristesse au soleil du soir !

Depuis cinq années, le soldat cambodgien Snoul se bat contre les communistes qui menacent d’envahir le pays et de mettre fin à la République. Les américains ont fui et sans leur appui, elle n’a aucune chance de résister très longtemps aux assauts des Khmers rouges. Le soldat Snoul continue de se battre bien que peu d’espoir subsiste pour eux de remporter la guerre. Il fait de fréquents cauchemars au sujet de son passé tout en tentant de survivre à la violence qui l’entoure. Un jour, il commet un acte de barbarie qui fait frémir de dégoût ses camarades mais personne ne songe à le juger et encore moins à le blâmer pour ce geste. Le soldat Snoul a tout de même de la chance, il n’assistera jamais à la chape de terreur qui s’abat sur ses frères et sœurs à la merci des Khmers rouges et de leur folie. Plus d’espoir…

Au début de l’album, Séra explique comment est né en lui l’image du soldat Snoul. Il s’est inspiré d’un des employés de son père revu après de longs mois d’absence de Phnom Penh. Celui-ci était de retour de la guerre après s’être engagé comme parachutiste. Il avait été grièvement blessé au combat et a montré fièrement ses blessures à Séra. Cette cicatrice hantera ses rêves pendant longtemps.

Cet album est beaucoup moins poétique que « Lendemains de cendres », il est plus violent, plus sanglant aussi. Les teintes de rouge sang dominent d’ailleurs plongeant le lecteur dans une atmosphère de violence et de mort typique à la guerre en général. Comme à son habitude, Séra soigne ses cadrages et affectionne les gros plans de visages à l’expression terrifiée ou remplie de haine. Ses personnages de soldats sont très vivants et ressemblent souvent à des enfants qui jouent avec des fusils trop gros pour eux. Tout baigne dans une atmosphère brumeuse, glauque, cauchemardesque. Les dialogues sont réduits au minimum.

Au début de l’album, Séra raconte ses premiers contacts avec la guerre alors qu’il résidait à Phnom Penh avec ses parents. À la toute fin, il a inséré un compte rendu de la chute de la capitale de janvier à avril 1975. Deux cartes complètent l’ouvrage : la première illustre la République Khmère qui a duré de mars 1970 à avril 1975 et la seconde l’offensive finale sur Phnom Penh au 16 avril 1975.

De l’excellent travail de la part de cet auteur de talent qui, manifestement, aime son pays et ne veut rien oublier de ses souffrances.

« Ils allaient tous apprendre de leurs nouveaux maîtres que « la ville est mauvaise et que l’homme doit apprendre qu’il naît du grain de riz. » Pour les Khmers rouges, « l’homme vicié par un régime corrompu ne peut être changé. Il doit être retranché physiquement de la communauté des purs. Jusqu’au dernier de la lignée. Couper un mauvais plant ne suffit pas, il faut le déraciner. »

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  Impasse et rouge [Texte imprimé] Séra

  de Séra, (Illustrateur)
  Albin Michel
  ISBN : 9782226136404 ; 19,50 € ; 22/01/2003 ; 103 p. ; Broché

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