Etre Directeur de Prison Regards Croisés Entre la Belgique et le Canada de Gérard De Coninck, Guy Lemire

Etre Directeur de Prison Regards Croisés Entre la Belgique et le Canada de Gérard De Coninck, Guy Lemire

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Bolcho, le 30 décembre 2011 (Bruxelles, Inscrit le 20 octobre 2001, 76 ans)
La note : 6 étoiles
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Vous reprendrez bien un peu de prison ?

Etrange livre-dialogue entre deux directeurs de prison, un Belge et un Canadien.

Quand ce type d’ouvrage est signé de chercheurs-criminologues, le problème est qu’il ne s’adresse qu’à des spécialistes, en général déjà convaincus des méfaits de la prison telle qu’elle existe actuellement. C’est donc sans impact sur l’opinion publique qui, elle, est formée par les grands medias mettant en scène le spectacle bien connu des gendarmes et des voleurs et jouant sur les émotions simplistes. Le monde politique s’empare de ce feuilleton (ou en écrit le scénario ?) pour nous faire peur tout en promettant une société future plus sévère et plus carcérale. Au point que Monsieur et Madame tout-le-monde rêvent aujourd’hui d’une prison dont on ne sortirait plus jamais.

Ici, les auteurs nous rappellent effectivement quelques grandes idées de la criminologie moderne, mais ils le font dans un style plus familier en donnant moult exemples de détenus en souffrance qu’ils ont aidés. Peut-être y a-t-il une chance de plus pour que des non spécialistes s’intéressent à la question. Je l’espère. Mais il faudra pour cela composer avec la manifeste autosatisfaction des auteurs qui mettent complaisamment en avant leurs qualités personnelles dont on veut bien croire qu’elles sont réelles.

Place aux idées (les commentaires entre parenthèses sont de votre serviteur) :

- 90% des détenus n’ont pas leur place en prison et seul le maintien en détention d’un petit nombre de personnes « dangereuses » se justifie.
(Tous les criminologues sont peu ou prou d’accord)

- « (…) on a déresponsabilisé et infantilisé les détenus. Au lieu de rajouter des barreaux et des barbelés, il me semble qu’il aurait été plus judicieux d’investir dans l’éducation et la formation professionnelle pour rendre le sens des valeurs aux personnes incarcérées mais la prison n’a fait qu’une chose : reporter le problème ».
(Là encore, c’est une évidence. D’où un soupçon : et si la peur du délinquant servait à ce point le pouvoir politique que ce dernier n’aurait aucun intérêt à agir rationnellement ?)

- « on sait aujourd’hui que la formation académique peut jouer un rôle décisif dans la réhabilitation des délinquants, non seulement parce que les diplômes obtenus permettent de mieux affronter le marché de l’emploi mais aussi (…) parce que les détenus prennent conscience de leurs capacités intellectuelles, eux qui ont été plutôt habitués à régler leurs problèmes avec leurs bras et qui se sont pour la plupart toujours définis comme des ratés. L’école leur permettrait d’aller à la découverte (positive) d’eux-mêmes. Peut-il y avoir meilleure thérapie ? ».

- assez critiques sur les intervenants socio-psycho-pédagogiques en prison, les auteurs concluent par une exclamation : « Heureusement qu’il reste les aumôniers ! ».
(Je ne ferai pudiquement aucun commentaire sur ce point…)

- « Face au problème de la surpopulation, la réaction spontanée (…) consiste à décider de construire de nouvelles prisons ». « Les Pays-Bas ont opté pour une politique d’alternatives qui a entraîné une diminution du nombre de détenus ».

- « Je crois que la prison organisée autour de l’idée de réhabilitation ressemble trop à la société, en ce sens qu’elle suscitait un certain désordre. Pour que la prison devienne ‘réhabilitative’ (…) il faut impérativement donner du pouvoir aux gardiens et, surtout, aux détenus. Il est assuré qu’à partir de ce moment, l’ordre carcéral ne peut plus être le même. Il s’installe un certain désordre, semblable à celui qu’on trouve en société. C’est loin d’être l’anarchie, mais la prison ne se sent pas à l’aise en ressemblant ainsi à la société ».

- (…) les délinquants ne sont guère populaires auprès du public, de sorte que les partis politiques peuvent gagner le soutien de la population en jouant la carte de la loi et de l’ordre ».

- les auteurs rappellent le consensus des criminologues : « le fait d’être envoyé en prison ne diminue pas le risque de récidive ».
(Précisons même que, en matière de délinquance sexuelle par exemple, il y a considérablement moins de récidive quand le détenu a été traité en prison et qu’il en est sorti plus tôt que prévu)
(Précisons encore plus : dans ce domaine, la récidive tourne autour de 8%. S’il fallait garder tout le monde en prison pour éviter à coup sûr toute récidive, il faudrait beaucoup de places supplémentaires en prison…inutiles dans 92% des cas)

- le sentiment d’insécurité augmente alors que le taux de criminalité baisse.
(Et il augmente pourquoi ce sentiment d’insécurité ? Parce que les télés et les journaux s’en donnent à cœur joie pour nous foutre la trouille et nous vendre leurs produits).

La prison est sans doute un des sujets sur lequel tout le monde pense avoir son mot à dire. On est dans le « café du commerce » immédiatement.
A ceux qui souhaiteraient vraiment s’informer sérieusement, je conseille la lecture de « La volonté de punir » (Denis Salas), ici :
http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/17807

et, bien sûr, « Surveiller et punir » (Michel Foucault), ici :
http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/1767

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Les éditions

  • Être directeur de prison [Texte imprimé], regards croisés entre la Belgique et le Canada Gérard De Coninck et Guy Lemire
    de De Coninck, Gérard Lemire, Guy
    l'Harmattan / Criminologie. Série Champ pénitentiaire
    ISBN : 9782296552258 ; 24,50 € ; 26/07/2011 ; 241 p. ; Broché
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