La finance pousse-au-crime de Xavier Raufer

La finance pousse-au-crime de Xavier Raufer

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Numanuma, le 27 novembre 2011 (Tours, Inscrit le 21 mars 2005, 51 ans)
La note : 7 étoiles
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Retour aux affaires, comme d'habitude...

Madoff, affaire des subprimes, affaire Enron, crise grecque, G20, fraude fiscale… Des mots qui, s’ils ne sont pas toujours d’une grande clarté tant les réalités qu’ils recouvrent sont multiples et complexes, mais qui font l’actualité, apparaissent quotidiennement dans les médias et inquiètent un peu plus tous les jours.

Ce petit livre, aux éditions Choiseul, La Finance pousse-au-crime, offre un éclairage un peu inhabituel puisque le directeur de cet ouvrage aux signatures multiples est directeur des études du département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines, université de Paris II. De fait, ce n’est pas à une analyse fiscale qu’il faut s’attendre, même si évidemment le sujet s’y porte, mais à une analyse des conditions d’existence du crime fiscal.
Prenons un exemple simple. Le travail au noir est, en France, un véritable fléau pour les finances de l’Etat. Or, le droit tel qu’il est fait en France offre au travailleur fraudeur une protection assez inexplicable puisque, pratiquement à chaque fois, il est déclaré victime d’un employeur indélicat qui lui, risque gros. En fait, le salarié dissimulé « n’a rien à perdre à ne pas être déclaré puisque sa situation sera reconstituée en cas de litige et qu’il n’encourt aucune sanction à titre personnel ». On le voit donc, le facteur criminogène ici est l’outil légal lui-même. Tous ceux qui ont eu un jour à chercher une nounou pour leurs enfants comprendront mieux que, à mots couverts ou de manière plus explicite, les membres de cette catégorie professionnelle fassent pencher la décision vers un travail non déclaré en mettant en avant les avantages pour l’employeur : pas de paperasserie, pas de tracas administratif, pas d’impôt, etc. …
Dans un domaine plus pointu mais qui a défrayé la chronique dans le milieu des gens d’affaire, il faut noter une incroyable faute à la TVA. Dans le cadre de la lutte contre les gaz à effet de serre, de nombreux pays ont mis en place un système d’échange de quotas d’émission de ces fameux gaz. En pratique, une entreprise A qui n’aurait pas dépensé la totalité de ses quotas alloués pour une année pouvait les revendre à d’autres entreprise qui elles, les auraient entièrement dépassés grâce à une plate-forme d’échange particulière. En France, cette bourse s’appelle Bluenext. La suite est connue sous le nom de fraude carrousel.
Les fraudeurs achètent dans des quotas dans un pays où ces quotas ne sont pas assujettis à la TVA. Ensuite, ils sont revendus TTC en France, via Bluenext. C’est alors au vendeur, qui a touché le prix majoré de la TVA, de reverser cette taxe à l’Etat. On s’en doute, la TVA n’est jamais arrivée dans les coffres du Trésor Public. Or, la TVA est l’un des plus gros pourvoyeurs de revenus pour l’Etat, l’autre étant l’impôt sur le revenu. Conséquence pour la France : le gouvernement, afin d’enrayer cette perte de revenus, a décidé d’exonérer de TVA les échanges de quotas !
On peut se demander pourquoi cette fraude n’a pas donné lieu à des poursuites judiciaires plutôt qu’à une décision administrative ressemblant fort à un aveu d’impuissance. Simplement parce qu’en France, les poursuites ne peuvent débuter qu’au-delà des dates butoirs prévues par l’administration fiscale. Malheureusement, à ce moment-là, les sommes fraudées sont déjà hors de portée des inspecteurs.
Encore une fois, les fraudeurs font arme des subtilités des lois et règlements qui régissent chaque pays.
Ces deux exemples sont probablement les plus aisés à comprendre au sein de ce petit livre bien fait et bien écrit mais toujours simple. En effet, le sujet est plutôt technique et l’analyse est souvent alourdie par des formulations destinées à des connaisseurs ou des notions très techniques qui laissent le lecteur lambda sur la touche. Néanmoins, on appréciera la chronologie présente en fin de livre et qui précède un lexique bienvenu même si celui-ci aurait gagné à être accompagné d’exemples simples pour mettre en image les termes techniques définis.
Reste qu’après lecture, on ressent comme une désagréable impression de prime à la malhonnêteté. Tous les thèmes abordés vont dans le sens d’une économie de plus en plus complexe et ardue à saisir et cette compréhension est de plus en plus réservée à une élite. Or, cette élite est aussi celle qui est la plus à même de contourner des règles qu’elles réussi à créer d’autre part ! Souvenez-vous de Berlusconi changeant la loi alors qu’il était hors-la-loi et vous aurez une idée assez précise de la façon dont les pontes de la finance travaillent. Et si vous imaginez que ce microcosme en costume à rayures, cigares et bonus faramineux va mieux depuis que Madoff a été arrêté, dites-vous bien que ce n’est pas le premier à s’être hissé au sommet grâce à une escroquerie et ce ne sera pas le dernier.

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