Baronnies, planète ignorée. Une introduction au voyage

Disons-le sans s'attendre d'être démentis : on connaît probablement moins Rochebrune, Montfroc, Saint-Ferréol-Trente-Pas ou Pommerol, que Ushuaïa ou Arkhangelsk... Le tourisme de masse parcourant sans les connaître, toujours plus de territoires laisse en friche (tant mieux) ce qui est à portée de main, de jambes, de coeur pour l'aimer. Entre la Durance, le Rhône, la Drôme et les chaînes du Ventoux-Montagne de Lure se tient un monde à la fois ouvert et fermé dans des directions parfois indécelables sur le terrain, tant la morphologie en est brisée et tiraillée : les Baronnies. Partagées entre plusieurs départements, sans logique ni nécessité sinon celles de l'Histoire qui a laissé dans ces limites arbitraires les traces d'appétits politiques féroces s'affrontant par bandes armées ou décrets arbitraires successifs, les Baronnies ont connu plus qu'à leur tour les ravages de la guerre, de la misère, de l'exil, de la nature. Tout a été excessif sur ces terres pelées et torturées qui renaissent lentement d'un dépeuplement qui paraissait inéluctablement voué à en faire des déserts définitifs.
Patrick Ollivier-Elliott (avec Claire Senard) va nous conduire patiemment, par un véritable travail de bénédictin, dans chaque vallée, chaque village, chaque hameau perdu, perché ou en ruines, à la recherche de ce que fut l'histoire de ces lieux et de ceux qui y vécurent ou y vivent toujours. Le trait d'humour est souvent là pour déplorer ou s'amuser de telle "restauration", de telle disparition, pour louer une renaissance ou le sauvetage d'une merveille ; l'attention sera attirée sur tel ou tel détail caché qu'un parcours pressé ou détourné via les "grands axes " (concept pompeux ici) aurait fait oublier ou ignorer ; un coin d'aspect modeste est sorti de son humilité par le rappel historique, la notation érudite d'un évènement, d'un phénomène naturel, d'une légende... Bref, on peut se dispenser avec le plus grand profit d'un quelconque "guide" touristique, qu'il soit bleu, vert, rouge ou autre, qui n'arrivera jamais à la cheville d'un seul des dix-huit grands chapitres (chacun comptant sa kyrielle de villages), faute de pouvoir en développer, à l'instar de P. Ollivier-Elliott, toutes les richesses. Qui plus est, une série de croquis exécutés à la plume ou à la pointe sèche illustrent en quelques traits l'aspect essentiel ou typique du lieu décrit, ce qui peut paraître un mode minimaliste, mais souvent plus évocatif que la photo la plus sophistiquée.
En sortant de la lecture de cet ouvrage (dont j'ai éprouvé sur place la valeur à plusieurs reprises), on a acquis toutes les bases d'un approfondissement ultérieur sur l'histoire des Mévouillon, Montauban, Lesdiguières, et de quelques autres héros ou forbans, sur l'atrocité des guerres dites "de religion", et sur la sempiternelle résistance des populations aux infortunes des temps. On n'oublie pas le paysage, bien sûr, car ce vade-mecum du voyageur curieux n'incite pas seulement à fixer le regard au niveau de la garrigue. C'est à une vaste respiration, curieuse, affectueuse et intelligente qu'on nous convie ! Quoique d'un format assez peu pratique, je crois qu'on peut l'emporter avec soi. De toute manière il sera toujours possible de se construire, à partir de ses données, un parcours à la mesure des curiosités ou des rêves qu'il aura suscités. Le seul risque étant de ne plus le trouver : j'ai en main la deuxième édition datant de 1988, publiée chez Aubanel. J'ajoute néanmoins les références d'une édition récente (2001), dont la pagination est passée de 422 à 288 pages... à moins de prouesses typographiques, je crains que l'auteur n'ait voulu "faire plus court" afin de satisfaire le public pressé, si vous voyez ce que je veux dire... Rabattez-vous sur les occasions.
Une courte bibliographie accompagne l'ouvrage, avec des rappels dans le texte parfois. On pourra trouver matière à discussion sur tel ou tel évènement, sur telle ou telle thèse historique, mais c'est ainsi, tout évolue.
Pour les habitués des parcours montagnards qui s'en iront par les sentiers ou pistes de chèvres, je précise que les Baronnies (à part Ventoux et Lure) n'offrent pas de sommets glorieux, mais une infinité de grands et superbes points de vue d'où l'impression d'infini ne se dément jamais ; et surtout : attention à l'eau, ne jamais hésiter à s'en surcharger à chaque fontaine/source, car il se peut qu'on reste une journée entière sans en voir une goutte... la montagne calcaire est impitoyable.

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  Les Baronnies [Texte imprimé], mode d'emploi d'un fragment de paradis Patrick Ollivier-Elliott...

  de Ollivier-Elliott, Patrick (Illustrateur)
  Aubanel
  ISBN : 9782700601152 ; 31/12/1998 ; 423 p. ; Reliure inconnue

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  Les Baronnies [Texte imprimé], mode d'emploi d'un fragment de paradis Patrick Ollivier-Elliott avec la collab. de Marie-Odile Arnoux

  de Ollivier-Elliott, Patrick Arnoux, Marie-Odile (Collaborateur)
  Édisud / Carnets d'un voyageur attentif
  ISBN : 9782744902666 ; 24,52 € ; 21/06/2005 ; 286 p. ; Broché

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