Curieuse version de l'oeuvre de Jules Verne

Ce roman, numéro 105 de la collection Gore, est une version quelque peu différente de celle de Jules Verne.

Suite à une discussion née de la découverte du corps mutilé d’une femme au bord de la Tamise en cette année 1872 à Londres, Phileas Fogg, un aristocrate fortuné, affirme qu’il est possible de tuer sans être soupçonné. Il fait le pari pour une somme de vingt mille livres de torturer et tuer quatre-vingts personnes dans un tour du monde en quatre-vingts jours avec l’aide d’un valet nommé Passepartout. Il s’engage à ramener comme preuve la main droite de chaque victime.

Parallèlement, un vol de cinquante mille livres à la Banque d’Angleterre commis par un individu ressemblant à Phileas Fogg lance l’inspecteur Fix à la poursuite de notre héros.

L’humour, omniprésent, vient notamment de la différence entre le flegme, la distinction et le puritanisme typiquement britannique et la nature du pari : « -Nous ne pouvons pas laisser tuer… Il reprit sa respiration pour donner encore plus de force aux mots qu’il allait prononcer : -Des Anglais ! -Non, quelle horreur ! Je n’y ai jamais songé, voyons, vous me connaissez mal… Il y a tellement d’étrangers sans intérêt ; quelques-uns de plus ou de moins, cela ne tire pas à conséquence. -Vue comme cela l’affaire se présente différemment…-En tout cas, nous vous autorisons les Ecossais, ce sont des gens bien peu intéressants… ». Plus loin : « -J’ai l’homme qu’il vous faut, dit-il, il s’appelle Passepartout ; c’est un Français mais, malgré ce handicap, il fera très bien votre affaire. »

Les auteurs Alain Bernier et Roger Maridat (sous le pseudonyme d’Eric Verteuil) passent très vite sur le côté « aventure » de l’histoire. Phileas Fogg a tout juste le temps de tomber amoureux d’Aouda, la veuve d’un rajah. C'est une belle femme qui s’avère être aussi sanguinaire que nos deux voyageurs. Comme souvent chez eux, les auteurs se concentrent principalement sur les (trop) nombreuses scènes de torture.

Par exemple pour faire fuir des indiens d’Amérique superstitieux, Phileas Fogg et ses amis tuent des trappeurs : « Fogg lui enfonçait avec lenteur un couteau dans le ventre… Il plongea les mains dans les viscères pour les extirper et fut ravi car ils étaient à une température agréable. -Je vous conseille cette méthode pour vous réchauffer en hiver, c’est très efficace. Il pratiqua une ouverture de grande taille qui transperçait complètement le corps. Il demanda alors fort délicatement à Aouda si elle pouvait y passer la tête. Elle essaya et conclut : -c’est ma pointure. -Quand votre corps sera caché, ce sera terrifiant d’entendre les hurlements provenant d’une tête de femme sortant du ventre de ce cadavre… Désirant ne plus entendre les cris, il lui remplit la bouche de neige et de glace ; ensuite, à l’aide d’une scie, il découpa la calotte crânienne. Il la vida de son contenu puis attacha l’ex-trappeur sur le traineau. Il creusa le bas du visage et fit pénétrer une torche dont l’extrémité allumée remplaçait les cheveux. »

Toutes ces horreurs finissent par lasser. D’autant que l’absence totale de psychologie et le détachement trop important des personnages face aux événements laissent le lecteur de marbre. Voilà un livre qui manque d’épaisseur malgré une idée de départ sympathique. C’est un roman Gore très moyen, vite lu et vite oublié.

• 

  Le Tour du monde en quatre-vingts cadavres [Texte imprimé] Eric Verteuil

  de Verteuil, Éric
  Vaugirard / Collection Gore
  ISBN : 9782285001132 ; 85,98 € ; 01/01/1990 ; 155 p. p. ; Broché

  Go Amazon