L'Amérique des néo-conservateurs : L'illusion messianique de Alain Frachon, Daniel Vernet
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités
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Partisans d'une démocratie bottée
Ils ont fait la une pendant de longues semaines avant de retomber dans un relatif anonymat qui pourrait signifier la fin de leur existence. Pourtant, malgré la relative célébrité qu’ils ont connue lors de l’invasion de l’Irak par les forces américaines, ils sont relativement méconnus en-dehors des cercles politiques et intellectuels.
C’est la grande force de ce petit livre que de concentrer la pensée des néoconservateurs, ils ne sont pas un parti, ils n’ont pas de doctrine et ne forment pas une grande force électorale, sous une forme claire, accessible même si certains chapitres, celui sur les influences intellectuelles de leur pensée et celui sur les diverses mouvances (néo, paléo, théo conservateurs) sont plus difficiles d’accès.
Les néoconservateurs ne sont pas forcément des gens de droite, au contraire, ils sont majoritairement issus de la gauche antistalinienne puis anticommuniste. Irving Kristoll, parrain des néoconservateurs résume ainsi sa pensée : pour lui, un néoconservateur est « un homme de gauche giflé par la réalité ». C’est aussi un homme cultivé, instruit, intelligent. Les néoconservateurs sont des forts en thèmes, des hommes brillants qui assument souvent de hautes fonctions dans le privé ou au gouvernement américain.
Il ne faut pas les imaginer comme des penseurs travaillant à imposer un retour aux valeurs traditionnelles de l’Amérique profonde : Dieu, le travail, la famille. Au contraire, ils sont dans l’action, dans le mouvement, animés qu’ils sont de leur vocation messianique : l’Amérique, en tant que nation la plus puissante du monde doit intervenir partout où les droits de l’homme sont menacés, doit imposer sa force militaire pour combattre toutes les formes de tyrannie, la démocratie étant le meilleur régime possible. Dans la ligne droite de la pensée d’un de leur plus grand inspirateur, le philosophe d’origine allemande Léo Strauss, ils repoussent toute idée de relativisme en politique : pas de régime valable ici et pas là, la démocratie partout car cela est dans l’intérêt de tous les peuples. Et des Etats-Unis.
Les néoconservateurs sont internationalistes et interventionnistes, ce qui les différencie des isolationnistes, que l’on trouve aussi bien à droite qu’à gauche.
Pour eux, le recours à la force militaire est une option tout à fait légitime pour faire triompher les valeurs démocratiques, c’est pourquoi ils sont les défenseurs inlassables d’un budget militaire fort et d’une armée toujours plus moderne et mieux équipée. Dans leur pensée, influencée ici par Hobbes, toutes les solutions ne viennent pas de processus diplomatiques et l’Amérique doit rester la première puissance au monde. Le corollaire de ceci étant que l’Amérique ne peut être soumise aux mêmes règles que les autres pays.
Il en découle fort logiquement une méfiance des néoconservateurs vis-à-vis des organisations interétatiques qui pourraient gêner l’action américaine ou les obligeraient à tenir comptes des avis des autres nations : « c’est l’action qui détermine la coalition et non la coalition qui détermine l’action » a été le slogan diffusé par la Maison Blanche lors du déclenchement de la guerre en Afghanistan.
Ce qui a perdu les néoconservateurs aujourd’hui, c’est d’avoir considéré qu’ils pouvaient changer le régime irakien de manière durable grâce à une intervention militaire uniquement. Ils se sont vus en libérateurs et s’attendaient à être acclamés en tant que tels. Aussi brillants qu’on pu être les thèses, articles et rapports qu’ils ont rédigé, ils se sont brillamment mépris sur leur capacité à analyser la situation au Moyen-Orient alors que l’intention était louable. Cependant, aveuglés par leurs propres qualités individuelles, par leurs postes prestigieux, par l’influence grandissante et palpables de leurs idées aux plus hauts sommets de l’état américain, par leurs idées messianiques, ils se sont lourdement trompés sur la façon de préparer le plus dur : l’après-guerre.
Aujourd’hui, le risque pour eux est de retomber dans un relatif anonymat mais cela leur ira sûrement très bien. Le mouvement est un courant de pensée, pas une idéologie ni un parti. Ils ont tout le temps et leur plus grande force est d’être atypiques, non conformistes. Tant qu’ils conserveront ces caractéristiques, ils resteront une force d’attraction.
Les éditions
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L'Amérique des néo-conservateurs [Texte imprimé], l'illusion messianique Alain Frachon, Daniel Vernet
de Frachon, Alain Vernet, Daniel
Perrin / Collection Tempus
ISBN : 9782262034894 ; 8,50 € ; 04/11/2010 ; 260 p. ; Poche
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