L'Enfer du Havre, 1939-1944 de Julien Guillemard

L'Enfer du Havre, 1939-1944 de Julien Guillemard

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Marvic, le 14 juin 2011 (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans)
La note : 8 étoiles
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Pour mieux comprendre

Julien Guillemard (1883/1960) était un écrivain, un poète et un journaliste havrais. Pendant toute la durée de la guerre, il est résolument resté au Havre, écrivant quotidiennement ses pensées, les événements de sa ville.
Ce n'est donc pas un livre historique mais le véritable témoignage d'un homme qui parmi tant d'autres, a refusé de quitter sa maison pendant les bombardements ou l'occupation.
Et cela nous permet de connaître la vie pendant la guerre et particulièrement la souffrance d'une ville prise entre le « marteau et l'enclume », entre occupation allemande et raids anglais.

Le Havre coincée entre la mer et la Seine (à l'époque sans aucun pont), était un des plus grands ports français avant la guerre et donc un lieu stratégique pour les allemands qui préparaient l'invasion de la Grande -Bretagne mais aussi susceptible d'être une base de débarquement.
Ce que l'auteur comprend très bien, mais il décrit combien il est difficile de risquer sa vie à cause des alliés venus bombarder la ville. Utiliser des boucliers humains n'étant malheureusement pas une chose nouvelle, les habitants du Havre se sont trouvés sous les bombes.

M. Guillemard remarque combien particulièrement la première année de la guerre, les entrepôts de tabac ou de cacao, les docks portuaires étaient épargnés pendant que des immeubles ou des quartiers étaient détruits, très éloignés des positions stratégiques allemandes.

Grâce à lui, j'ai appris l'origine des appellations « boches », « frisés » et j'ai enfin compris le fossé qui encore maintenant sépare le monde des ouvriers et employés de celui des fermiers et des agriculteurs dans notre région ou de comprendre l'inimitié entre Rouen et Le Havre.

En 1940, Pétain est encore le sauveur possible pour les plus anciens mais déjà la conscience que la conclusion d'une paix franco-allemande serait une paix où la France serait « vassale et contrainte de combattre l'Angleterre ».

Julien Guillemard nous rend compte aussi de la difficulté d'avoir accès à l'information dans ce «bout du monde » qui semble oublié des plus grands, du nombres de rumeurs contradictoires qui ont duré toute la guerre ( ce ne sont que lorsque les rescapés virent les tanks qu'ils admirent la défaite de l'Allemagne). Les seules informations autorisées étaient le Petit Havre, très contrôlé et bien sûr « La Gerbe », journal allemand.

Il nous fait partager la vie avec ses restrictions, ses menaces perpétuelles, les nuits de froid dans les caves ou les abris, les couvre-feux, les restrictions, le fil ténu séparant vie et mort pendant les quatre années de la guerre jusqu'à l'anéantissement final.
Mais pour les rescapés, les dernières semaines de destruction organisée et systématique avaient tué toute possibilité de liesse.
Les alliés se rejetant la responsabilité de l'anéantissement de la ville, l'auteur nous dit simplement qu'il est allé voir l'inscription sur une bombe non explosée.

« 46 674 sinistrés en totalité dont 35 000 rien qu'à la libération, 265 000 mètres carrés d'habitations anéanties, rasées, pulvérisées, trois millions de mètres cubes de décombres à enlever... Au bilan des destructions: sur les 19 000 immeubles de 1939, 10 000 totalement anéantis, 2 500 gravement endommagés à abattre, 4 500 réparables. Seulement 2 500 épargnés du moins en apparence. Mais ai-je dit que les innombrables blockhaus du bord de mer sont intacts... »
« Puis -je dire ceci: pertes civiles havraises: 3000 personnes, pertes anglo-canadiennes: 90 tués, 300 blessés; américains: néant. »

Si j'ai lu ce livre, c'est bien sûr pour des raisons personnelles; ma maman, havraise d'origine, avait 4 ans et me racontait les descentes aux abris, sans lumière, avec pour une petite fille, les souvenirs de chaussettes dépareillées et la phrase de sa maman « c'est pour nous celle-là! »
Mais, ce témoignage permet surtout de comprendre cette ville moderne, si laide, qui semble sans âme parce que sans la vie et l'histoire que donnent les vieilles maisons, les statues des personnages célèbres, les monuments (théâtres, églises,...).. et de comprendre aussi l'attachement , malgré tout, des habitants à leur ville et à leurs quartiers.

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