Le président des riches : Enquête sur l'oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy de Michel Pinçon, Monique Pinçon-Charlot

Le président des riches : Enquête sur l'oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy de Michel Pinçon, Monique Pinçon-Charlot

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Falgo, le 22 mai 2011 (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 85 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 299ème position).
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Sociologues en colère

Le couple Pinçon, sociologues, directeurs de recherches au C.N.R.S., ont eu la grande originalité de les consacrer à la "haute société" française. C'est à dire aux plus riches. En une vingtaine d'années, ils ont publié de nombreux ouvrages relatant les résultats de leurs investigations, avant de prendre, récemment, leur retraite.
Une de leurs conclusions majeures est que cette haute société constitue une véritable classe sociale faite de solidarités, de renforcements mutuels et d'exclusion des autres. En face, le reste de la population, émiettée en de multiples tendances et fascinée par le mythe de la réussite individuelle, a perdu ses repères et le sens de la solidarité. En témoigne le si faible taux de syndicalisation parmi les salariés.
A force d'étudier, de comprendre et de tenter de faire comprendre les ressorts de la classe dominante, les Pinçon se sont mis en colère. Comme Pierre Bourdieu avant eux, ils sont passés de la compréhension -indispensable- des faits au jugement sur le système et ses acteurs. Et ils se sont énervés. Ce livre est le résultat de leur colère.
Ce qu'ils dénoncent, c'est avec l'arrivée de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, la main-mise de l'élite des riches sur le jeu politique et le retournement de ce jeu, en dehors de quelques concessions mineures et de façade, pour servir les intérêts économiques de la classe dominante. S'appuyant sur de nombreuses publications (livres, articles) en sus des leurs, ils dénoncent, sur la base de la fameuse fête du Fouquet's du 6 mai 2007, successivement: l'élaboration du bouclier fiscal; les liens troubles unissant les membres d'une oligarchie de pouvoir; les conditions de la large suppression des recettes publicitaires de la télévision publique; les ambiguïtés dues au mélange des responsabilités politiques et du statut d'avocat (d'affaires, le plus souvent); la collusion entre intérêts familiaux et intérêts de l'Etat; la colonisation de Neuilly, du département des Hauts de Seine et de l'Etablissement Public d'Aménagement de la Défense (EPAD) par le "clan Sarkozy"; les écarts flagrants entre un discours doucereux et une pratique brutale, en particulier en faveur du monde financier.
En conclusion, nos sociologues s'interrogent sur les voies possibles de sortie de l'état désastreux dans lequel Nicolas Sarkozy et l'oligarchie dirigeante ont mis la France. Pour eux, bons sociologues, ce n'est pas une question de personne, mais de système. Donc: comment réformer le système?
Ils partent d'un constat. La classe dirigeante contrôle le pouvoir et la finance, mais la population produit les richesses (ce que l'on appelle l'économie réelle) sans lesquelles le système s'écroule. Il importe donc:
1 De sortir de la domination du mythe de l'individualisme;
2 De rétablir la réalité d'une classe laborieuse, de réintroduire une solidarité entre ses membres rejetant la théorie néo-libérale du salut par le mérite;
3 De mettre fin à l'oligarchie politique en supprimant le cumul des mandats et en renforçant le respect des règles démocratiques;
4 De constituer un pôle financier d'Etat susceptible de contrebalancer les effets pervers de la finance privée;
5 De réformer la fiscalité.
A l'évidence de telles recommandations ne constituent pas un programme de gouvernement. Elles lancent cependant quelques pistes, en fait pas très originales et largement étudiées dans d'autres cercles. Elles ont, à mon sens, l'intérêt d'enrichir le débat par une réflexion fondée sur des faits et non sur des illusions. Elles mettent la gauche politique en face de ses responsabilités: elle seule peut sortir la France de l'ornière où elle s'enlise et où elle a bien, en son temps d’errements, contribué à l'y plonger.
Pour cela (commentaire personnel et non exhaustif stimulé par la lecture du livre), il importe qu'elle:
- s'affranchisse de ses idéologies passées,
- accepte le fonctionnement de l'économie capitaliste (économie de marché) et de la mondialisation comme des réalités incontournables et tente de les placer dans une optique sociale (Quelle marge de manoeuvre? Qu'est-il possible de faire concrètement?),
- revivifie une solidarité au delà de la compassion, l'assistanat et la complaisance (ses trois penchants pervers) en rétablissant un juste équilibre entre les droits (respect des individus) et les devoirs (exigence vis à vis des individus).

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Les éditions

  • Le président des riches [Texte imprimé], enquête sur l'oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy Michel Pinçon, Monique Pinçon-Charlot
    de Pinçon, Michel Pinçon-Charlot, Monique
    Zones
    ISBN : 9782355220180 ; 1,77 € ; 09/09/2010 ; 222 p. ; Broché
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Le tout-à-l'égout du Cap Nègre

10 étoiles

Critique de Heyrike (Eure, Inscrit le 19 septembre 2002, 57 ans) - 15 septembre 2014

Six mai 2007, avec 53% des suffrages exprimés en sa faveur, Nicolas Sarkozy devient le président de tous les français. Aussitôt l'heureux élu se dirige vers une petite gargote parisienne, le Fouquet's, où l'attendent les bienheureux du CAC 40 et quelques bouffons du show-biz. Le ton est donné. Oubliant son vœu pieux de se retirer dans un couvent le temps de recevoir la lumière divine qui guidera ses pas durant l'œuvre ardue qu'implique la conduite du bon peuple vers la félicité, il pose le pied sur la frêle embarcation de son ami Vincent Bolloré afin de goûter aux délices d'une croisière loin des croisillons des vitraux qui ornent les couvents.

"Le changement, je le mettrai en œuvre, parce que c'est le mandat que j'ai reçu du peuple", ceci dit, on ne peut être que rassuré. Il sait que c'est grâce au peuple qu'il détient le pouvoir absolu et qu'il lui doit beaucoup, mais certainement moins qu'à ceux qui ont balayé le chemin menant à l’Élysée. Il ne lui reste plus qu'à passer l'aspirateur sur toutes les lois qui entravent la bonne marche des empereurs du marché.

Il va très vite se mettre à la tâche en commençant par déployer un bouclier fiscal pour mettre à l'abri de la précarité les élites fortunées. Mais tout cela n'est qu'une mise en Bush, comme dirait son ami George, le reste devant être plus flamboyant.

Sûr de sa destinée manifeste, Nicolas Sarkozy va très vite apposer sa marque de fabrique dans tous les secteurs de la vie politique afin d'asseoir son pouvoir absolu, en commençant par incarner la droite décomplexée qui ose dire et faire ce qu'elle pense depuis longtemps. Le côté bling-bling n'est en fait qu'une façon d'afficher son penchant inné pour le faste et la puissance de l'argent. Puis viendra son souhait d'instaurer une dynastie Sarkozienne, lorsqu'il tentera d'anoblir son fils, Jean, en faisant pression sur les dirigeants de l'EPAD (organisme qui gère l'immense quartier des affaires de La Défense en pleine expansion) afin qu'il en soit nommé président (devant le tollé général, il devra y renoncer). Cet épisode pathétique et inquiétant en même temps a permis de dévoiler le népotisme de l'élu du peuple.

A cela, il faut ajouter la valse de l'entre-soi, un système d'organisation très codifié qui permet de tisser des liens entre toutes les élites (haute bourgeoisie, monde de la finance, grands entrepreneurs) lors de rencontres dans des clubs de réflexion fermés, de sorties mondaines ou bien d'action caritatives de bon aloi. Car quelles que soient leurs divergences d'opinions et leurs intérêts propres, les grands de ce monde sont capables de surmonter les rancœurs et les mesquineries qui les opposent bien souvent, lorsqu'il s'agit de faire front commun pour maintenir à distance la majorité plébéienne qui lorgne d'un œil torve sous les dessous chics de leur mode de vie grégaire. Dans les moments critiques, ils savent parfaitement s'organiser en bande solidaire, oublieux de l'idéologie individualiste qu'ils martèlent à tue-tête et à longueur d'année dans tous les médias qui, pour la plupart leurs appartiennent. Dans ce milieu de richesse et de pouvoir navigue toute une engeance hétéroclite qui a très vite compris comment utiliser les patins pour glisser sur les parquets des salons des décideurs. Cette engeance composée de politiciens et de journalistes s'acoquine avec la puissance de l'argent. Les politiciens en s'entourant de conseillers, adepte de la transhumance saisonnière qui leur permet de siéger en alternance dans les conseils d'administrations des multinationales et les bureaux ministériels, relayant ainsi la parole divine de la sphère capitaliste auprès des élus du peuple et des journalistes, qui à leur tour vont bêler inlassablement la cause des puissants auprès du peuple ignare (cf "Les nouveaux chiens de gardes" de Serge Halimi).

Dans ce système tout n'est que collusion, cooptation et manipulation sémantique qui permet de brouiller les pistes afin d'éviter que quiconque puisse découvrir leurs manigances. Les renvois d'ascenseurs sont permanents, chacun place ses pions sur cet immense plateau de jeu mondialisé, où tout est conçu dans le seul but de préserver un style de vie fastueux totalement déconnecté de la réalité des citoyens de ce pays ravagé par les malversations permanentes de ces joueurs cyniques.

Comme le dit la juge, Isabelle Prévost-Desprez, l'argent est une drogue "[…] un substitut de puissance qui atrophie la pensée. Il n'y a chez eux aucune peur du lendemain, mais ils sont les pharaons, ils amassent l'argent et souhaitent mourir avec. Pour eux la seule certitude qui vaille, c'est que l'argent dirige non seulement le monde, mais qu'il fait peur. Inspirer la crainte, voilà dans le fond leur seule ambition"

En voulant jouer au cador, Nicolas Sarkozy a révélé sa vraie nature, celle d'un homme avide et soucieux de plaire à une oligarchie qui détient tous les pouvoirs. L'anti-démocratie a gangrené notre pays en s'offrant les services des pseudos représentants du peuple qui nous conjurent de leur faire allégeance au sein de l'isoloir en usant de palabres éculés qu'ils éructent sans foi ni loi, si ce n'est celles de leurs bailleurs de fonds.


Les auteurs nous entraînent dans le tourbillon hallucinant d'un système où règne la collusion entre le monde politique et les hommes d'affaires qui ont su faire front pour endiguer toute velléité de revendication populaire en arasant les droits à la liberté, à l'égalité et à la fraternité. Pour ce faire il a seulement suffit de dresser la France de ceux qui se lèvent tôt, pour trimer sans relâche afin d'assurer les immenses bénéfices de ceux qui le valent bien, contre ceux qui ne dorment jamais à l'abri des pires conditions d'existences, affublés des guenilles de ceux qui ne valent rien.

Ceci dit, qu'en est-il de notre Saint François sans assise populaire ? Il n'en n'est rien. Car tous les espoirs se sont envolés dans la fumée des croyances aveugles en un parti dit de gauche qui a abdiqué depuis longtemps devant les maîtres du monde, reniant tous les principes d'égalité et de justice sociale issues des longues luttes menés par des hommes de bonne volonté qui prônaient l'avènement d'une société débarrassée de l'emprise de l'intérêt privé. Les pseudos héritiers de Jean Jaurès se sont convertis sans résistance au néolibéralisme en crucifiant l'espoir du peuple en un avenir meilleur sur la croix du despotisme financier.

Indispensable!

10 étoiles

Critique de Laventuriere (, Inscrite le 6 mars 2010, - ans) - 30 juin 2011

Hormis l'idée selon laquelle l'économie capitalo-libérale restera, pour l'avenir, le seul moyen de fonctionnement de la société française -idée, au demeurant, fort étonnante chez des sociologues marxistes convaincus et avérés!-, cet ouvrage s'avère être d'une lecture indispensable pour la compréhension du mode opératoire économico-financier et sociologique des classes dirigeantes au pouvoir, ses commis et autres comparses, mettant au jour toutes les coulisses d'un système s'autorisant tous les abus en recréant, pour ce faire, tout un système d'autorisations légalisées nécessaires et obérant la pauvreté et, plus encore, la réelle misère à laquelle ils conduisent, sans aucune éthique, une part de plus en plus grande de la population.
Cet ouvrage, résultat d'enquêtes au coeur du système depuis de très nombreuses années, est d'une nécessité avérée, actuellement.

(petit PS annexe à cet ouvrage : très récemment, Monique Pinçon-Charlot a, d'ailleurs, parlé d'une nouvelle "guerre des classes" engendrée par la pauvreté qui croît de manière fulgurante et très inquiétante...)

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