Un personnage monumental

Pour bien comprendre un personnage aussi monumental que Luther il faudrait y passer sa vie.
J’avais lu – et critiqué – précédemment une bonne biographie écrite par Edwin P. Booth. Cet auteur replaçait très bien le personnage dans son contexte historique et dans ses conflits contre Rome mais il m’avait semblé qu’il faisait la part un peu trop belle à son héros et qu’il n’allait pas suffisamment en profondeur.

Cette biographie ci, écrite par Funck-Brentano, membre de l’Institut, me paraît beaucoup plus complète.

L’auteur a analysé la psychologie et le caractère de Luther jusque dans ses moindres recoins. Il nous présente un Luther halluciné, parfois jusqu’à la démence.
Luther se prenait pour un envoyé de Dieu. Comme saint Paul, il avait été foudroyé et son cheval était mort sous lui. En un éclair, il avait reçu toute la Révélation, la vraie. Dieu l’avait choisi pour répandre sa vraie doctrine – mais uniquement dans son nouveau peuple élu, le peuple de la Germanie, seul capable de la comprendre.

Je crois que ce côté démentiel du Réformateur est peu connu. De plus, il était tourmenté par le diable qui lui envoyait des tentations, l’empêchait de travailler et lui mettait, entre autres, des cochons dans son lit…
Pour arriver à une telle connaissance de Luther, l’auteur a fait ce que peu de biographes, mêmes allemands, ont fait : il s’est tapé les douze volumes des Propos de Table que le Réformateur écrivait au jour le jour comme un journal de bord.

Ici, la doctrine du Réformateur est analysée en profondeur et l’auteur y porte un jugement personnel ce que, pour ma part, j’apprécie toujours beaucoup. La teneur de ses conflits avec Érasme et d’autres théologiens est très bien expliquée et là aussi, l’auteur porte un jugement, avec toute l’impartialité voulue, m’a-t-il semblé.

Mais le plus révélateur de cette biographie est le côté chef de bande de Luther. C’est incroyable comme il a soulevé le peuple allemand ! Il est vrai que les Germains adorent de se rassembler derrière un leader et de le suivre aveuglément. Mais ici, avec Luther, ça a pris des proportions inimaginables. Il était l’homme providentiel que la Germanie attendait depuis Charlemagne… Le moindre de ses écrits était diffusé, grâce à l’imprimerie naissante, dans toute l’Allemagne qui découvrait son héros.
Cette révolution aurait pu s’appeler la révolution imprimante comme aujourd’hui on parle de révolution internet ou facebook.

Mais l’auteur n’épargne pas son héros. Il nous montre comment il a retourné sa veste et comment il recommandait aux princes de tuer ces paysans ignares, qui valaient beaucoup moins que leur bétail.

Il y aurait encore énormément à dire mais cette critique est déjà beaucoup trop longue.
Disons encore, pour terminer, que tous les aspects de la vie et de la doctrine de Luther sont analysés dans des chapitres séparés, ce qui rend la lecture bien ordonnée et faciliterait une relecture éventuelle pour approfondir un sujet.
Néanmoins, ce livre est un peu difficile. Il est très condensé et l’auteur suppose que le lecteur possède quelques rudiments d’Histoire et de théologie. Mais il n’en est pas moins, à l’image de son héros, plus que passionnant.

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  Luther

  de Funck-Brentano,
  B. Grasset
  ISBN : SANS000025914 ; 27/12/1934 ; 350 p. ; 13,5 X 21