La vie est belle : Les surprises de l'évolution de Stephen Jay Gould
(Wonderful life)
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Scientifiques
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Contingence
Les schistes du Burgess, qui font aujourd'hui partie du Parc national Yoho en Colombie-Britannique (Canada) sont un site où, en 1909, le paléontologue et géologue américain Charles Doolittle Walcott découvrit une quantité faramineuse de fossiles datant de l'époque Cambrienne. Les fossiles sont tellement bien conservés que Walcott bataillera pour prendre le temps d'y retourner, une fois par an et tous les ans jusqu'en 1917, pour des fouilles supplémentaires. En tout il mettra à jour près de 80 000 fossiles de tout un écosystème, dont Stephen Jay Gould raconte ici non seulement la découverte et l'étude mais montre, aussi et surtout, en quoi ils servent à illustrer toute une conception de l'histoire.
Rien que leur étude est, en soit, croustillante. Après la mort de Walcott, homme à l'agenda professionnel trop surchargé pour avoir le temps ne serait-ce que pour observer correctement sa propre découverte, il faudra en effet plus d'un demi-siècle pour que ces fossiles suscitent l'intérêt qu'ils méritent ! Nous donnant à voir la manière dont la science, souvent, se pratique Gould, avec son talent habituel, explique alors comment et pourquoi ce n'est qu'à la fin des années 1960 que d'autres paléontologues (Harry Witthington, Derek Briggs et Simon Convey Morris) seront amenés à se pencher sur leur cas, tâche immense mais dont les retombées seront bouleversantes.
Bouleversantes parce qu'Opabinia, Wiwaxia, Anomalocaris ou encore Hallucigenia (!), les créatures improbables dont il s'agit et aux anatomies aussi frappantes que bizarres (les nombreuses illustrations qui parsèment le livre en émerveilleront plus d'un) reflètent l'essence même de l'histoire de la vie sur terre : une simple question de contingence. Nous sommes, mais nous pourrions tout aussi bien ne jamais avoir été, ne devant notre présence et notre survie qu'à la chance au sens darwinien du terme.
De fait, parmi la majorité des organismes depuis longtemps éteints (d'après Gould) se trouvent, côtoyant les ancêtres des arthropodes, Pikaia, l'un des plus anciens chordés connus soit, au fond, NOTRE ancêtre. La magie opère : modifiez un détail, un seul, imaginez Pikaia ne survivant pas au Cambrien et homo sapiens, tout simplement, ne voit jamais le jour. Du haut de ces 545 millions d'années c'est alors toute notre fragilité que l'on contemple, vision grandiose et fascinante.
Gould transforme la science en poésie, l'ouvrage n'est pourtant pas sans défauts.
Les descriptions des dits fossiles, nécessaires pour en montrer les répercussions, sont souvent trop longues et tournent au bavardage inutile. Il y défend aussi sa théorie des équilibres ponctués, ce qui peut faire sens à l'époque où le livre fut écrit mais dont la gratuité des affirmations (impliquant, entre autres, que la diversité du Burgess est le produit d'une évolution soudaine d'espèces antérieures) agacera ceux qui n'y adhèrent pas. Quant à l'idée que la majorité des espèces concernées sont maintenant éteintes elle est fausse; deux des paléontologues ayant travaillé sur le projet (Derek Briggs et Simon Convey Morris) étant depuis accourus pour corriger cette erreur.
Si, au final, sa vision de l'histoire, le principe de contingence sur lequel tout le livre repose reste intact un certain recul s'impose donc toutefois. Malgré ces défauts la magie gouldienne opère, et le tout reste un plaisir à lire.
Les éditions
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La vie est belle [Texte imprimé], les surprises de l'évolution Stephen Jay Gould trad. de l'anglais (États-Unis) par Marcel Blanc
de Gould, Stephen Jay Blanc, Marcel (Traducteur)
Seuil / Collection Points. Série Sciences
ISBN : 9782020352390 ; 11,00 € ; 16/04/2004 ; 480 p. ; Poche
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