Oeuvres, tome 3 de Tchekhov
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« Les récits de Tchekhov sont tristes »
Deux thèmes reviennent constamment au fil des pages : la banalité de l’échec et la misère à l’état brut. Je suis particulièrement sensible au premier thème, cet échec banal, ridicule, morne, comme la vie de tous les jours. La fortune est loin de faire le bonheur, l’amour partagé est un leurre, et même l’accomplissement d’un projet s’avère décevant. Ce recueil compte 40 nouvelles de la période tardive.
Ionytch
Un médecin éconduit lors de sa demande en mariage s’enlise dans la vie de province. Il devient obèse, amasse l’argent et ne sait plus parler aux patients. Tableau de mœurs caustique.
Trois Années
Le portrait de Laptev, fils de riche négociant ; il cherche à se libérer de l’amer souvenir de son enfance, son père le battait. Autre thème, l’ennui, mais pas en province, cette fois à Moscou. C’est exceptionnel, la nouvelle finit sur une vague note d’espoir.
L’épouse
La prise de conscience d’un mari trompé. Dans la scène finale, ce pauvre cocu est confronté encore à la petitesse de sa femme, cela le rend encore plus misérable et ridicule.
Dans une gentilhommière
Par sa diatribe irrespectueuse, un père de famille sénile fait fuir l’unique prétendant de sa fille ainée.
L’homme à l’étui
Bélikov est un type très prudent, il semble passer sa vie dans un étui protecteur. A l’école où il enseigne le grec, il fait régner la discipline. Il adore les circulaires comportant une interdiction. On cherche à le marier. Un texte grotesque et cruel.
L’ensemble gagne en force lorsqu’on lit une dizaine de nouvelles d’affilée. Il y a des réussies et des moins bonnes. Et il y a un chef d’œuvre, La Salle n° 6, ma préférée. Il y est question d’un médecin (apparemment) insensible à la souffrance de ses patients. Je me garde de dévoiler l’intrigue.
Une partie des nouvelles appartient au registre tragique. La vie de ces gens est particulièrement rude, une situation conflictuelle bascule vite dans la violence.
Le discours de Tchekhov est dépourvu de tout jugement ; il se refuse de proférer quelque vérité ou sagesse ; sa philosophie c’est une infinie compassion.
On trouve des constantes de la littérature russe du 19e siècle : l’interrogation sur le bien et le mal, sur le bonheur, la soif d’absolu. Peut-être ce sont des constantes de l’âme russe, mais là j’ai peur de tomber dans le cliché…
« Les récits de Tchekhov sont tristes. [ ] On ne peut lire longtemps Tchekhov sans avoir le cœur serré » - disait Irène Némirovsky.
Voilà, j’ai cherché les synonymes du mot triste, il y en a un paquet. Abattu, accablant, affligeant, affreux, amer, anéanti, angoissant, assombri, atrabilaire, attendrissant, atterré, bilieux, bouleversant, brumeux, cafardeux, calamiteux, catastrophique, chagrin, cruel, déchirant, découragé, défait, déplorable, déprimant, désabusé, désenchanté, désespéré, désolant, douloureux, dramatique, élégiaque, émouvant, ennuyeux, éploré, fâcheux, funeste, grave, inconsolable, infortuné, lamentable, lugubre, malheureux … Eh bien tout cela c’est dans les nouvelles de Tchekhov, et bien plus encore.
Les éditions
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Œuvres [Texte imprimé], 1892-1903 Anton Tchekhov textes trad. par Édouard Parayre et annotés par Claude Frioux
de Tchekhov, Frioux, Claude (Editeur scientifique) Parayre, Édouard (Autre)
Gallimard / Bibliothèque de la Pléiade.
ISBN : 9782070106288 ; 52,00 € ; 27/01/1971 ; 1039 p. ; Relié
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